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Uncharted 4: A Thief's End – The Last of Him

Des pavés dans la mer

13 mai 2016

Nous y voilà. Attendu comme le messie par bon nombre de fans hardcore de Naughty Dog et de la marque PlayStation, décrié par tous ceux assourdis par un tapage médiatique rarement vu et une avalanche de notes élogieuses de la part d'une presse dont l'indépendance n'a que rarement été autant remise en cause, Uncharted 4: A Thief's End est enfin arrivé à bon port. Prévu pour conclure les aventures d'un Nathan Drake devenu star du jeu vidéo au travers d'une trilogie de haute volée sur PlayStation 3, cet ultime épisode a pour ambition de faire au moins aussi bien que ses aînés — et si possible le second volet, objectivement encensé par toute une génération. Les risques de passer à côté étaient pourtant bien présents, entre possibilité d'offrir une aventure splendide mais terriblement creuse, ou un scénario concluant mal la saga et dont on se serait finalement dispensé ; après tout, Uncharted 3: Drake's Deception avait presque des allures de fin en soi, et Naughty Dog nous avait habitués à se contenter de trois épisodes pour ses deux précédentes sagas phares (Crash Bandicoot et Jak & Daxter). Du coup, "U4" est-il l'épisode de trop ou une conclusion en apothéose ? L'heure est venue de rendre un verdict loin d'être évident.



Note sur les conditions de jeu :

 

Cette critique a pour but de relater uniquement la partie solo d'Uncharted 4, qui constitue de toute façon le cœur du jeu. Son mode multijoueur ne sera donc pas abordé ici, en partie faute d'expérience et de temps à y consacrer sur la longueur et en profondeur pour le moment, et ne sera pas évoqué non plus dans le bilan final et les points positifs/négatifs. Il y a toutefois fort à parier que son contenu toujours soigné et varié, son dynamisme in-game (notamment dû aux 60fps fort appréciables dans ce genre de contexte), ainsi que sa verticalité offerte par de nouveaux éléments de gameplay exclusifs à ce volet, le rangent du côté des forces du titre dans sa globalité. Les screenshots ont tous été réalisés par mes soins.

 

 

 

 

Uncharted 4: A Thief's End se présente un petit peu comme l'héritage d'une trilogie maîtrisée de bout en bout sur une PS3 l'ayant vu exploser à la face du monde de manière quelque peu inattendue, mais aussi de l'exceptionnel The Last of Us, avec qui il se doit de partager bon nombre de similitudes. La recette habituelle vue et revue sur la précédente génération est donc conservée : exploration plutôt linéaire dans des paysages et décors somptueux, énigmes intelligemment pensées mais toujours globalement simples et assistées, et phases de gunfight dynamiques, immersives, mais desservies par des adversaires crétins au possible. Des aventures de Joel et Ellie, "U4" récupérera davantage de l'infiltration correcte mais pas folle (bien qu'améliorée par rapport aux anciens volets quand même), et surtout une sorte de maturité scénaristique et de mise en scène que l'on n'attendait pas forcément. En effet, de ce point de vue, cet épisode de la série Uncharted est de loin le plus passionnant à suivre en terme de synopsis, de rebondissements, et a le mérite d'offrir une fin qui ne se moque pas du joueur en se montrant faussement ouverte. Sans rien spoiler bien entendu, "A Thief's End" porte drôlement bien son nom, porté par une conclusion efficace, inattendue, même émouvante et surtout cohérente et ne laissant pas de place à des tonnes d'interprétations. Clairement, avec cet opus, Naughty Dog prend le risque de refermer le chapitre d'une véritable poule aux œufs d'or, même si l'on est pas à l'abri d'un reboot, d'un épisode "zéro" ou du portage PS4 espéré de "Golden Abyss", l'exclusivité Vita, réclamé par par beaucoup.

 


 

 

Oui, cette critique commence par la fin (sans trop en dire cependant, vous en conviendrez), et c'est sans aucune transition que nous revenons à l'introduction du jeu, décrite pompeusement par les responsables du studio comme une des plus impressionnantes de l'histoire (sic). Il fallait être gonflé pour s'avancer à ce point tant celle de The Last of Us avait marqué — pour ne pas dire traumatisé — un sacré nombre de joueurs. Définir ce qu'est vraiment l'ouverture d'Uncharted 4 est loin d'être simple. L'opening immédiat est effectivement saisissant et nous plonge tout de suite dans le grand bain (vous comprendrez très vite la subtilité de ce calembour grotesque), avant de voir lui succéder deux chapitres bien distincts dont l'issue lancera le véritable générique d'intro. Le jeu est long à démarrer et clairement, Naughty Dog lorgne davantage du côté de son légendaire survival de 2013 dans sa façon d'immerger le joueur dans Uncharted 4. L'écran-titre propose par exemple un plan fixe sur un décor énigmatique à l'animation lente mais saisissante, sans afficher le titre du jeu ni le fameux "Nate's Theme" pourtant passé à la postérité. Passée une longue phase d'entrée en matière donc, le générique d'intro teinté de fan service s'offre à nous, pour le plus grand bonheur de celles et ceux ayant déjà bouclé la trilogie originelle. Cependant, et avant de revenir à cette notion de cadeau aux fans, il est important de préciser que toute cette intro sera assez symptomatique de ce que "U4" offrira la plupart du temps : un rythme global souvent lent, moins axé sur le combat et davantage sur l'exploration, la contemplation et les dialogues. Qu'on n'aille pas croire toutefois que cela ternisse l'expérience : ce quatrième et ultime opus prend clairement le parti de se démarquer de ses aînés, et le réussit avec une telle maîtrise qu'on se retrouve régulièrement à culpabiliser de lui faire des reproches.

 


Après un Uncharted 2: Among Thieves universellement acclamé pour son cocktail action-aventure au rythme époustouflant, "ND" nous avait pourtant presque prévenus avec un troisième opus dont certains chapitres avaient été critiqués pour leur relative lenteur ou un côté scripté qui commençait à ne plus trop passer. D'une certaine façon, c'est bien plus du côté du 3 (ou "d'U3") que "A Thief's End" se rapproche sur sa globalité, à cette différence près que l'aspect exploration a été davantage poussé, et justifie donc avec une certaine pertinence ces phases plus longues (on n'osera dire "lentes"). De nombreux chapitres offrent en effet des zones semi-ouvertes absolument bluffantes de réalisme mais sans jamais verser dans le photoréalisme froid et ennuyeux (coucou The Order: 1886 !). Sans trop en dire, deux chapitres du jeu permettent de se déplacer à travers des espaces sauvages au-delà du sublime, dont les limites se veulent cohérentes et où l'on peut choisir d'alterner le mode de déplacement, entre diriger Nathan Drake à pied et conduire un véhicule, une première dans la série. Les phases de conduite en question ne sont même pas scriptées, et si l'on pourra toujours dire que les sensations de conduite du 4x4 sont parfois bizarres (on est un peu en-dessous de celles d'un MotorStorm Pacific Rift pour comparer ce qui est comparable), l'idée d'y accrocher un treuil est bien exploitée et on regrette même de ne pas avoir davantage à s'en servir dans le jeu. La conduite en bateau, elle, se montre agréable et toute la séquence autour d'une immense île et des petits bouts de terre / îlots l'entourant rappellera quelque peu la sensation de liberté formidable d'Assassin's Creed IV: Black Flag, d'autant plus que les décors s'en rapprochent pas mal. Le gameplay d'Uncharted a donc évolué et plutôt bien, et surtout, on appréciera grandement que cette conduite de véhicules, à une séquence près, ne soit pas bêtement scriptée, sans possibilité d'en sortir pour explorer les alentours. Certes, ça ne révolutionne rien dans l'histoire du médium (on a déjà vu ça dans Just Cause par exemple) mais la série y gagne clairement.

 

 

 

 

D'une manière générale, cet Uncharted a le mérite d'oser un petit peu en terme de jouabilité, même s'il ne convainc pas partout. On a déjà parlé de la conduite de véhicules et notamment du treuil, parfaite transition pour évoquer le grappin (très en vogue ces derniers temps) dont "U4" abuse carrément, rendant les séquences de plate-forme / escalade encore plus folles qu'avant. C'est bien sur ce seul point que les aventures de Nathan Drake ont toujours manqué de réalisme, tant les sauts de notre héros en situation critique sont inhumains, bien que grisants. Pas mal de phases requièrent de trouver un bon cheminement d'escalade et parfois de se jeter dans le vide en faisant confiance à la résistance d'une corde dont on se demande toujours comment elle peut ne pas avoir cédé depuis le temps. En outre, si parfois plusieurs "routes" s'offrent à nous, force est de constater que tout ceci reste limité en se référant, par exemple, aux zones semi-ouvertes de Rise of the Tomb Raider — qui ne tient la comparaison à peu près que là-dessus, de toute façon. Enfin, comme évoqué un peu plus haut, Uncharted s'essaie à une infiltration plus poussée, avec une jauge de méfiance des ennemis. L'effort est à signaler mais on demeure encore loin des cadors du genre, et on se contentera d'apprécier ce petit plus pas trop mal foutu qui ne constitue de toute façon pas un élément de gameplay majeur ici.



La série Uncharted n'a jamais "brillé" par son gameplay. Pas que celui-ci soit mou ou convenu, mais juste parce qu'il n'a jamais rien révolutionné et s'est contenté de correspondre aux standards du genre, appliquant avec soin un cahier des charges respecté à la lettre. Ici, peut-être en attendait-on un peu plus, près de cinq ans après le troisième volet. Aucune nouvelle arme ne séduit particulièrement, et l'impossibilité de renvoyer les grenades (qui avait déjà été proposée tardivement, seulement dans "U3") frustre quelque peu d'autant plus qu'elle ne se trouve pas vraiment d'explication. De manière globale, force est de constater qu'en dépit d'un dynamisme relativement intact, les mécaniques commencent à être un peu rouillées ; si les aficionados de longue date se laisseront séduire du fait d'un terrain déjà connu, il y a fort à parier que les fans de shooters "pensés comme tels" trouveront des choses à redire. En fait, dans sa globalité, "U4" est beaucoup moins un TPS que ses prédécesseurs. L'équilibre entre action, aventure, exploration et contemplation n'est plus tout à fait le même, et cet ultime périple de Nathan Drake a parfois tout d'une longue procession ponctuée de séquences visant à réveiller le joueur aguerri qui commencerait à se lasser des peintures d'anthologie dans lesquelles il se promène. Parce que oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, l'aspect visuel et technique de ce volet n'a toujours pas été évoqué ; et pourtant, dieu sait combien il constitua, dès le premier trailer de gameplay, une des plus grosses attentes d'un public attendant toujours une sorte de nouvel étalon graphique sur une génération de consoles ne s'étant pas encore trop révélée à ce niveau. On pourrait bien sûr encore parler d'un The Order, mais on conviendra unanimement que ce dernier était une énorme démo technique trop courte et au gameplay terriblement terne. Uncharted 4 était davantage attendu pour prouver quelque chose au-delà des beaux graphismes, et s'il est effectivement très agréable à jouer en dépit de ses longueurs et de ses phases d'action/aventure plus forcément au goût du jour, il devait se montrer à la hauteur de ses ambitions pharaoniques.

 

 

 

 

C'est suffisamment rare pour être signalé : "A Thief's End" vaut le coup d'accorder une grosse partie de sa critique à ses graphismes. On peut spoiler le verdict immédiatement : c'est le plus beau jeu vidéo jamais vu sur consoles. De l'avis de nombreux connaisseurs plutôt neutres, il n'a même pas à rougir face à des titres contemporains parfaitement optimisés sur PC. On savait que les "Dogs" avaient une longueur d'avance sur la concurrence, y compris sur les productions de Sony Santa Monica ou des autres studios sous contrat exclusif PlayStation. Mais à ce point… Concrètement, on est face au jeu console le plus photoréaliste rencontré jusqu'ici. Mais plutôt que d'évoluer dans une carte postale aussi magnifique que plate, Naughty Dog a donné vie aux décors sublimes qu'il a créés. Chaque univers s'explore à fond et propose pas mal de dynamisme, là où d'autres titres visuellement surprenants sonnaient très creux. Si les interactions avec le décor demeurent limitées, on prend un plaisir irrésistible à examiner chaque portion de jeu sous ses moindres recoins et à abuser d'un mode photo très complet et permettant de se constituer son propre album souvenir. En soi, Uncharted 4: A Thief's End a tout du voyage virtuel, et c'est sur les deux grosses zones les plus ouvertes que l'on tombera dans le piège vicieux tendu par les développeurs visant à rallonger un peu artificiellement la longévité de l'expérience. Là où l'aventure vous tiendra en haleine aux alentours de la quinzaine d'heures en mode normal ou difficile, il y a fort à parier que vous ayez l'impression d'en avoir passé plus d'une vingtaine juste à mitrailler les paysages de screenshots. À noter que le mode photo n'est qu'un complément en ce sens, qui n'embellira jamais ce que propose le titre in-game. Il propose juste tout un tas de filtres et d'effets, à l'instar de celui des remasters PS4 du studio. S'arrêter en plein jeu, sur un écran dépourvu de tout ATH, et orienter la caméra (par ailleurs impeccable au niveau de sa gestion) autour de Drake pour trouver le cliché parfait constitue une expérience quasi garantie, et pas qu'une fois.



Détaillons donc un peu ces fameuses performances visuelles. Si la direction artistique est évidemment très soignée et que tous les environnements traversés (jungle, grottes, plages, forêts, montagnes, intérieurs de châteaux ou d'églises, et on garde des surprises…) se montrent sans égal, c'est parce qu'ils sont techniquement maîtrisés comme jamais. Tout ce qui touche à l'eau est quasi parfait, n'ayons pas peur des mots, tout comme les effets de lumière, d'ombre et de fumée (avec des explosions largement améliorées qui se montrent enfin très convaincantes). La lumière, d'ailleurs, semble parfois saturer un peu, et rappelle certains effets du dernier Tomb Raider à ce niveau. On mettra aisément cela sur le compte d'environnements extrêmement exposés au soleil et qui retranscrivent en réalité l'effet de luminosité très forte de certaines zones du globe irradiées par l'astre solaire. Cependant, c'est du côté de la végétation qu'il faut lorgner pour apprécier la performance la plus stupéfiante techniquement. Cet élément de décor, surtout vu de près, a toujours constitué un défi, et en général un point faible et piquant les yeux, sur bon nombre de jeux pourtant magnifiques. Tout d'abord, les zooms en général disgracieux infligeant au joueur une bouillie de pixels ou de textures plates honorent les feuillages au prix d'une prouesse technique surprenante. En outre, bon nombre d'herbes hautes, de fougères, de buissons… bénéficient d'une animation étonnamment fluide et se traversent avec un réalisme visuel bluffant. En terme de fluidité, d'ailleurs, Uncharted 4 est là aussi exemplaire. Quasiment aucun ralentissement n'a été à déplorer, le framerate est parfaitement constant et le voir n'accuser aucune perte grossière prolonge le confort. Alors oui, on pourra dire que 30fps, c'est dommage, surtout après avoir vu les remasters de la trilogie PS3 originelle ou encore de The Last of Us qui bénéficiaient d'un ajustement à 60fps très dynamique. Mais pour un titre aussi "cinématographique" que "A Thief's End", cela prend en fait tout son sens et se montre beaucoup plus cohérent, dans la continuité de cinématiques d'anthologie se fondant dans les phases de gameplay (et inversement) dans une osmose saisissante.

 

 

 

 

On le savait, Naughty Dog maîtrisait l'art de la mise en scène et avait franchi un cap avec The Last of Us en terme d'émotions et de capture de mouvements. Non seulement le studio californien était parvenu à dépasser ce que David Cage et les équipes de Quantic Dream avaient tenté de faire avec plus ou moins de réussite dans Heavy Rain ou Beyond: Two Souls, mais il avait trouvé le moyen d'en faire un élément de complément à une aventure ne misant pas qu'essentiellement sur sa narration. Or, la série Uncharted avait encore pas mal à prouver à ce stade, car si ses cinématiques étaient toujours très crédibles et spectaculaires à suivre, l'empathie envers les personnages et — surtout — la profondeur du synopsis demeuraient à prouver pour beaucoup. Certes, on s'est très vite attachés au trio Nate-Elena-Sully dès le premier volet (au point de voir ce bon vieux Victor Sullivan remis en avant dans "U3" suite à la déception des fans de le voir si peu exploité dans le second épisode), mais l'ensemble demeurait très caricatural, au mieux du niveau d'une bonne BD d'aventures. On avait pu constater un travail plus approfondi des personnages et de leur background dans "Drake's Deception" en 2011, mais on espérait quand même mieux. Eh bien, à de très rares exceptions, la saga a mûri à ce niveau et on sent que l'éprouvant roadtrip américain de Joel et Ellie est passé par là.



En-dehors du sympathique trio évoqué ci-dessus (avec une mention pour Elena dont le rôle de potiche initialement craint s'est très vite effacé), chaque personnage additionnel proposé s'était globalement montré décevant ou trop caricatural (Chloe Frazer et son côté "bad girl" lourdingue, Charlie Cutter et ses muscles, Zoran Lazarevic en méchant cliché au possible) ou sous-exploité (Katherine Marlowe surtout). Le risque d'intégrer un nouveau personnage très important en la personne de Sam, le frère de Nathan Drake, et de décrire une grosse partie de son background, était élevé car si ce protagoniste était mal écrit, Naughty Dog flinguait clairement une partie de sa production. Fort heureusement, l'aîné des Drake est plutôt attachant bien que l'on s'en méfie constamment, et il constitue avec son frangin un nouveau duo que l'on prend beaucoup de plaisir à suivre et à tenter de conduire à ses fins aux quatre coins du monde. Les chapitres "flashback" expliquant son passé, intimement lié à celui de son petit frère, sont un peu longuets et cassent parfois le rythme (surtout le dernier), mais on les savoure avec plaisir parce que ND nous raconte une vraie histoire, maîtrisée et intéressante, avec des rebondissements relativement inattendus. L'antagoniste principal, dont on taira l'identité, sait se montrer assez irritant pour qu'on attende d'enfin pouvoir l'occire, mais on regrettera énormément la sous-exploitation de son acolyte, au chara design fascinant et dont on aurait aimé davantage profiter qu'au travers de trop peu de rencontres et de cinématiques. Par contre, dans l'ensemble, jamais les personnages de la série Uncharted ne s'étaient montrés aussi convaincants, et le quatuor principal s'avère plus attachant que jamais.

 

 

 

 

Il convient de rendre hommage ici à Nate, Elena, Sully et Sam. Si l'on n'a plus besoin de présenter notre aventurier aussi beau gosse que maladroit et poissard, ou encore son vieil acolyte vanneur et toujours fourré dans les mauvais coups, on doit bien reconnaître que Elena demeurait un personnage dont le potentiel semblait encore à approfondir. Uncharted 4 lui rend un très, très vibrant hommage et en fait un personnage féminin non jouable d'excellente facture, dans des dimensions que l'on n'aurait jamais osé imaginer en 2007 lorsqu'elle fut introduite comme la potiche blonde de base, incarnant bon nombre de clichés que l'on pourrait sincèrement taxer de sexistes (plastique avantageuse mise à part ; à ce niveau, c'est plutôt du côté de Chloe Frazer, et notamment de sa paire de fesses constamment mise en avant dans Uncharted 2, que l'on pouvait grincer des dents). Dès une séquence intervenant tôt dans le jeu, où le fameux fan service est particulièrement mis en avant, Elena s'impose aux côtés de son compagnon comme une icône féminine numérique crédible et attachante, pas sexualisée pour un sou, et qui se trouvera au cœur de pas mal de moments forts d'une intrigue renforçant une personnalité plus marquée et travaillée. Elle devient alors un side-kick de premier choix, et l'on en en vient à regretter de ne pas avoir vue mise en valeur de la sorte plus tôt dans les précédents volets et particulièrement dans le tout premier, qu'on pardonnera du statut de son coup d'essai de toute façon convaincant.



Si ce bon vieux Victor Sullivan est égal à lui-même (capital sympathie toujours intact, répliques toujours aussi fun, et encore plus apprécié depuis un épisode 3 ayant renforcé ses liens avec Nathan), c'est du côté de Sam Drake que repose une grosse partie de la narration d'Uncharted 4: A Thief's End, pour ne pas dire de son expérience de jeu globale. Plus on progresse dans l'aventure, plus on comprend que l'aîné des Drake (mais s'appellent-ils vraiment "Drake", d'ailleurs ?…), de par son histoire, ses relations avec son héros de frère, et son apport considérable à l'ultime quête de celui-ci, constitue la clé de voûte de cet épilogue de la saga de Naughty Dog. Et pourtant, il y avait de quoi être dubitatif. Si son arrivée (ou plutôt, devrait-on dire, son retour…) dans la série se montre quelque peu téléphonée, cette sorte de doppelgänger de Nate permet de compléter une action qui serait finalement moins explosive et variée sans lui et tous les trucs qu'il a pu apprendre à son cadet. Seule ombre au tableau : ce personnage a été de toute évidence imaginé bien après Uncharted 3, et du coup il est frustrant de ne devoir qu'à son retour dans la vie de Nathan certaines techniques que ce dernier n'a du coup jamais explorées dans la trilogie d'origine. On pense bien sûr à tout ce qui touche au grappin, que Sam lui a enseigné dès leur adolescence, offrant des aptitudes spectaculaires que Nate semble subitement redécouvrir à son contact. C'est d'ailleurs une des seules incohérences d'un scénario qui, s'il n'atteint bien sûr pas les sommets d'émotion, de maturité et de The Last of Us, se montre clairement le plus abouti de la saga. Ce qui devait de toute façon être le cas pour la conclure en beauté. Ce bond en avant en terme d'écriture, Uncharted 4 le doit principalement à un homme : Neil Druckmann.

 

 

 

 

On l'a dit, il y a un avant et un après The Last of Us, et en intégrant à la série Uncharted l'homme à qui Ellie et Joel doivent leur formidable (et méritée) success story, Naughty Dog s'offre une histoire plus sombre, plus mûre, explorant davantage le profil des personnages, renforçant leurs liens et surtout l'empathie du joueur envers leur destinée. C'est avec une certaine surprise teintée de mélancolie que l'on termine alors Uncharted 4, abaissant le rideau sur une série au meilleur des moments, ne l'ayant pas laissée passer par la case de l'épisode de trop, même si le rythme parfois monotone et trop contemplatif de cette ultime expédition en laissera certain(e)s sur leur faim par moments. Toutefois, on défiera quiconque ayant apprécié les aventures précédentes de Nathan Drake, et ayant tant qu'à faire goûté à The Last of Us et aux plus anciennes productions de Naughty Dog, de ne pas être touché par un épilogue complètement inattendu, franchement émouvant, et qui conclut sur une note parfaite un volet résolument pensé pour les fans. Outre le déjà célèbre easter egg rappelant ce bon vieux Crash au souvenir de tous (un peu sous forme de crève-cœur d'ailleurs, un retour du "bandicoot" étant toujours espéré en vain par de nombreux fans), c'est clairement du côté de la superproduction vedette de 2013 qu'il faut chercher des clins d'œil, discrets ou bien visibles. En plus de quelques références cachées, "U4" en est une suite directe sur le plan de la direction artistique, reprenant toutes ses forces techniques (notamment au niveau des décors délabrés et/ou envahis par une nature ayant repris ses droits), mais aussi certaines idées de sa bande son si régulièrement acclamée.



Après trois volets dont l'ambiance musicale fut confiée à un Greg Edmonson la soignant avec brio (et offrant donc un thème principal devenu culte), c'est ici à Henry Jackman (valeur sûre de ces dernières années du côté du septième art) que revient l'honneur de composer la bande originale de cet épisode crépusculaire. Le changement de style est plutôt radical, avec beaucoup moins de compositions enlevées et grandiloquentes, et peu de morceaux "couleur locale" un peu cliché — même si c'était très réussi dans les trois précédents volets, on appréciera cette volonté de ne jamais céder à la facilité. Non, bien au contraire, on penche plus souvent du côté de l'intimiste, de l'acoustique, avec notamment des interprétations à la guitare sèche et au piano du thème principal de la trilogie de base, merveilleusement posés sur des scènes où ce type d'ambiance est loin d'être évident à appliquer. La recette musicale de The Last of Us, qui avait su marquer tant de joueurs (mélomanes ou non), est ici reprise avec beaucoup de soin. Elle accompagne efficacement notre gentleman voleur de trésors au travers de son ultime épopée en proposant une proximité encore jamais atteinte avec lui, accentuant la volonté bien visible de Naughty Dog de conduire le joueur à faire corps avec son héros comme jamais encore dans la série. Plus encore que la fin d'une saga, c'est celle d'un homme que l'on vit, et le titre de cette production n'est pas anodin. "La fin d'un voleur" n'est pas une vaine expression : Uncharted 4 ne ment pas à ce sujet, soucieux de tenir son engagement de refermer un des plus beaux chapitres de l'histoire du jeu d'action-aventure.

 

 

 

 

Toutefois, qu'on se le dise : Uncharted 4 aura peu de chances de séduire ceux qui n'avaient pas adhéré à la formule jusqu'ici, à moins de rechercher une claque technique. On tient ici le testament d'une bien belle saga qui sait s'arrêter à temps avant de verser dans la redondance et de vouloir trop en faire, tout en se posant en maître étalon évident d'un cycle de consoles ayant trouvé son patron sur le plan de la réalisation. Reste qu'il s'impose avec un peu trop de facilité au sein d'une génération qui attendait un peu désespérément, depuis deux ans et demi, un porte-étendard digne de ce nom, là où la précédente les avait vu honnêtement défiler en nombre, s'arrêtant en 2013 sur une autre production Naughty Dog faisant l'unanimité comme rarement. À l'heure du bilan, il conviendra en effet de s'interroger sur la trace qu'il laissera dans l'histoire du médium en comparaison avec le deuxième volet, acclamé en son temps, ou un The Last of Us signant le chant du cygne d'une période dorée pour le jeu vidéo narratif, enfin libre de s'exprimer à hauteur de ses ambitions de concurrent du cinéma. Pour l'heure, sur PlayStation 4 et sur ce qu'on qualifie encore de "huitième génération de consoles", Uncharted 4: A Thief's End n'a pas spécialement de rival dans son genre, et surtout, prend une avance incontestable sur toute autre production au point de se demander qui pourra l'égaler en terme de réalisation. On ne parle pas ici que d'une technique maîtrisée mais d'un ensemble, où narration, atmosphère et immersion fusionnent comme rarement (pour ne pas dire jamais) le jeu vidéo a su le faire dans un titre à progression linéaire. Seules ombres au tableau, son gameplay certes plus fouillé mais encore perfectible, et son manque de rythme par moments empêcheront peut-être, par la suite, ce dernier Uncharted d'être vu comme le meilleur avec le recul. En tout cas, en l'état, seuls des gamers (légitimement) exigeants trouveront vraiment à y redire, mais pas forcément pour une question de contenu et de challenge.



D'un point de vue défi et (surtout) de durée de vie, en effet, ce grand final constitue l'apothéose d'une série jusqu'ici peu acclamée pour sa rejouabilité, surtout en solo. Les Uncharted sont effectivement des titres que l'on apprécie de se refaire comme on revit un bon film, mais jamais vraiment dans le cadre d'une expérience de replay value. Ici, outre un mode extrême toujours aussi retors (et moins crétin que le mode "brutal" grotesque de la Nathan Drake Collection, beaucoup trop dur et aux checkpoints parfois mal disposés car quasi fatals), un des trophées sobrement intitulé "Speedrun" nous invite à rusher un jeu pas forcément taillé pour cela, mais qui nous offre une nouvelle approche plus dynamique et imposant une certaine tactique entre baston et inflitration lors des phases grouillant d'ennemis. Une interrogation déjà soulevée durant le premier loop et qui rappellera une nouvelle fois des choix stratégiques déjà expérimentés à plusieurs reprises dans The Last of Us. En outre, à l'instar de celui-ci, les collectibles ne se limitent enfin plus qu'à une simple chasse aux trésors (qui sont au nombre de 109, soit plus nombreux que dans n'importe quel épisode précédent), mais aussi à l'examen de tout un tas de documents et d'artefacts annexes, ou d'interactions et de conversations optionnelles avec les PNJ à ne pas manquer. On déplorera juste que les choix de réponses proposés dans certains dialogues, ce qui avait été mis en avant dans un des trailers, soient en fait aussi rares et sans incidence aucune dans le relationnel entre les personnages — au moins au cours de la séquence qui suit. Il y avait peut-être un petit quelque chose de plus à creuser ici, mais ne serait-ce pas être un peu trop gourmand ? Et tout simplement, d'une manière générale, le moindre petit reproche que l'on voudrait adresser à Uncharted 4, au-delà de la redondance d'une jouabilité ayant peu évolué d'une génération à une autre, ne relèverait-il pas du perfectionnisme masochiste ? C'est bien là la marque des grands jeux : on en vient à les titiller sur des détails infimes, parce qu'on refuse leur quasi perfection apparente. Ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'Uncharted 4: A Thief's End porte une évidente autre marque des plus grandes œuvres d'art numériques de son genre : la sensation de manque une fois terminé, et ce d'autant plus qu'on sait désormais que tout est fini et que nous ne revivrons très probablement plus jamais cela. Après nous avoir déjà porté ce genre de coup au cœur avec The Last of Us, Naughty Dog sait vraiment soigner ses conclusions.

 

 

 

 

Voilà, c'est fini. Uncharted 4: A Thief's End est terminé, et clôture avec lui une série magistrale dont on ne pourra vraiment regretter qu'un gameplay un peu convenu et ayant finalement connu trop peu de bouleversements. Or, comme il n'y a globalement rien à redire en terme de sensations de jeu, tant l'immersion est totale et parfaitement gérée, il faudra bien s'arrêter sur autre chose si l'on veut absolument lui formuler des reproches. Mais pourquoi tant s'acharner à chercher la petite bête, me direz-vous ? Parce qu'il est presque agaçant de voir une telle saga se conclure de haute volée avec tant de maestria, et de se dire qu'on n'a pas spécialement d'équivalent avec qui la comparer avec objectivité. Qu'on se le dise : le dernier Uncharted fera date sur énormément de points et n'est pas que "le plus beau jeu vidéo jamais sorti sur console à ce jour". Il referme avec brio les aventures d'un personnage charismatique et sympathique avec lequel on aura souffert jusqu'au bout de sa "carrière" de chasseur de trésors. Faire revenir sur le devant de la scène Nathan Drake après le chef-d'œuvre que fut The Last of Us constituait un gros risque, tout comme certains ajouts ayant semé initialement des doutes légitimes, mais force est de constater que Naughty Dog a su tirer parti de l'expérience de son survival d'anthologie pour peaufiner les qualités de sa série d'action-aventure, et d'offrir un bouquet final de toute beauté à son héros qui méritait la fin digne qui lui est offerte ici. S'il est fort probable qu'il séduira davantage les fans de longue date qu'il se trouvera un nouveau public, et qu'il n'est pas forcément un concurrent crédible au titre de meilleur jeu vidéo de tous les temps (ce dont, en fait, on se fout), le doute n'est pas permis : Uncharted 4: A Thief's End est un très, très grand jeu que l'on n'oubliera pas, et qui surtout, a rempli ses objectifs et tenu l'essentiel de ses promesses. Et c'est ce qu'on attendait de lui. Merci les "Dogs".



J'ai adoré / aimé :


+ La tuerie graphique totale attendue, gros respect, on n'avait jamais vu ça sur consoles

+ Un framerate constant de 30fps qui retranscrit très bien l'aspect cinématographique

+ Le cocktail aventure / action / émotion toujours incroyablement maîtrisé

+ Des personnages et une écriture ayant gagné en maturité, mention spéciale à Elena

+ Sam, un pari risqué, pour un personnage plutôt réussi et pertinent

+ Quelques bons rebondissements pas toujours attendus malgré l'aspect "cheap"

+ Une OST en rupture avec les précédents, et fort soignée

+ Le fan service absolument merveilleux et touchant au possible

+ Grande variété de décors et d'univers à explorer et à savourer

+ Les nouvelles phases de gameplay : jeep, bateau, plongée… au top !

+ Bonne durée de vie, grâce peut-être aux phases "lentes" et plus ouvertes

+ Enfin d'autres trucs à collecter que les trésors, pour davantage d'exploration

+ Une fin globalement inattendue, réussie et émouvante pour tout conclure en beauté

 


J'ai détesté / pas aimé :


- Le jeu d'une génération… par défaut ?

- Rythme inégal, et un peu trop souvent lent

- TPS quelque peu daté dans ses mécaniques

- Des gunfights en fin de compte sans réelle nouveauté

- IA et infiltration à peine améliorées depuis le temps

- Un méchant secondaire beaucoup trop sous-exploité

- C'est fini :'(

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