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The Legend of Zelda: Twilight Princess – De l'ombre à la lumière

Des pavés dans la mer

7 avril 2016

Il n'est jamais trop tard. Près de dix ans après la sortie de The Legend of Zelda: Twilight Princess, qui plongea la Game Cube dans la pénombre tout en offrant à la Wii ses habits de lumière, Nintendo sacrifie une nouvelle fois au rituel du remaster dont votre serviteur peut enfin profiter. À l'instar des deux opus N64 ratés (plus ou moins délibérément) à l'époque et finalement enfin joués sur 3DS (bien que je doive littéralement reprendre Majora's Mask à zéro) et d'un Wind Waker également zappé jusqu'à sa réédition HD, j'allais pouvoir corriger une énorme lacune dans ma culture vidéoludique et peut-être enfin justifier la surabondance d'un sceau hylien que j'arbore partout jusqu'à ma propre peau. Après avoir fini par reconnaître l'immense qualité d'Ocarina of Time et encore davantage succombé au charme si original de The Wind Waker, et plutôt séduit par l'aspect plus sombre d'un Majora's Mask dont je compte sérieusement venir à bout, que me réservait donc ce Twilight Princess dont je ne savais absolument rien, de son univers global jusqu'à ses mécaniques de gameplay en passant par ses personnages ? L'heure est venue de faire la lumière sur un verdict laissé dans l'ombre bien trop longtemps.



Note sur les conditions de jeu :

 

Il est important de préciser que je n'ai absolument jamais joué aux versions Game Cube et Wii de The Legend of Zelda: Twilight Princess, bien que les possédant de longue date dans ma collection (depuis 2008 pour les deux, en fait). Pour rappel, il m'a fallu attendre 2014 pour enfin apprécier Ocarina of Time à sa juste valeur, enchaînant sur un Wind Waker qui acheva de me convaincre que oui, je pouvais plus qu'adhérer aux Zelda 3D après des années de bouderie. Lorsque me faire Twilight Princess s'imposa enfin à moi comme une étape évidente, la question de la version à jouer se posa, et sérieusement. D'un côté, une version Wii en 16/9è, plus appréciable et confortable sur ma grande TV, mais dotée d'une maniabilité m'exaspérant clairement. De l'autre, une version Game Cube hélas en 4/3, sur une console dont je ne dispose toujours pas du câble RGB officiel (ceci est un appel du pied, merci d'en prendre note), mais avec une manette adaptée à ma façon de jouer à un Zelda, et surtout… fidèle au détail majeur auquel tiennent les puristes : Link y manie bien son épée de la main gauche ! L'arrivée d'une version HD mit fin à mes interrogations, combinant 16/9è, retour à un Link gaucher, et évidemment maniabilité avec un pad traditionnel. J'avais par ailleurs beaucoup aimé le combo Pro Contrôler + GamePad sur The Legend of Zelda: The Wind Waker HD, et avais du coup hâte de revivre ce type d'expérience de jeu fort agréable et surtout très ergonomique. Toutefois, en-dehors des tampons spécifiques à cette version Wii U et à quelques petits changements mineurs sur lesquels il n'y a pas spécialement lieu de s'attarder, je ne reviendrai pas vraiment sur ce qu'apporte cette réédition. Tout juste m'étendrai-je un peu davantage sur le soin apporté à des graphismes dont j'ai quand même également cherché à m'assurer de la qualité sur la version d'origine. C'est donc le jeu de 2006 que je m'emploierai à juger au maximum ici. À noter que les screenshots ont tous été réalisés par mes soins.

 

 

 

 

Mon étonnante propension à éviter toute forme de spoil m'a totalement protégé de la moindre information concernant ce qui constituait le premier Zelda 3D à esthétique vraiment réaliste de l'histoire de la série. Certes, les opus N64 avaient constitué un énorme bond en avant avec l'avènement d'environnements en trois dimensions très riches et passionnants, mais le passage sur Gamecube avait permis de nourrir les espoirs les plus fous. La console nous ayant offert quelques titres visuellement de très haute volée et plutôt matures, on pouvait légitimement espérer que la légendaire saga fêtant à l'occasion ses 20 ans nous offre enfin un volet tirant au maximum les capacités d'une machine pas loin de tirer sa révérence, après un Wind Waker évidemment charmeur, mais qui avait misé sur un parti pris graphique qui fait encore couler de l'encre aujourd'hui. Aussi, pour conclure une génération de consoles en beauté, Miyamoto et son équipe nous annoncent un Zelda plus "adulte", aussi bien dans son esthétique globale que dans son atmosphère. La jaquette de Twilight Princess, tout comme son titre aux allures de film "trop dark" pour ados, mais aussi et surtout ses premiers trailers, nous confortent dans cette idée : ce nouvel épisode des aventures de Link va largement plus lorgner du côté de la pénombre et de l'atmosphère oppressante de Majora's Mask que du soleil et des longues balades au gré du vent marin de Wind Waker. Pourtant, c'est là une première chausse-trappe fort habile de la part de Nintendo : ce nouveau Zelda va en réalité naviguer entre deux eaux et jouer sur une dualité permanente qui constituera l'essence même du soft, de son environnement global jusqu'aux bases de son gameplay.



Lorsque l'on débute Twilight Princess, on a l'étrange impression d'avoir affaire à une sorte de réécriture du scénario d'Ocarina of Time, 8 ans après. Si les environnements sont encore plus beaux, passage à une nouvelle génération (qui plus est en fin de vie, et donc exploitée dans ses moindres recoins) oblige, on est plongé(e) dans une atmosphère très calme, celle d'un petit village où Link n'a encore rien d'un héros légendaire, bref du grand classique à cette différence près que notre elfe muet est déjà presque adulte, et d'une taille enfin respectable. Et surtout, il semble apprécié par tout le monde au sein du village d'Ordon, notamment des enfants qui le voient comme un modèle. Seule son amie d'enfance Iria, avec qui on devine comme une sorte de romance platonique d'entrée de jeu, semble mettre la distance nécessaire et ne pas hésiter à lui reprocher certaines attitudes qu'il pourrait avoir. C'est d'ailleurs ce qui va occasionner le point de départ d'un scénario qui met un peu trois plombes à se mettre en route : la blessure d'Epona, la jument que Link chevauche notamment pour aider Fahd à ramener son bétail à l'étable. Encore plus belle et élégante que dans Ocarina of Time, la monture du jeune Hylien ne peut d'ailleurs pas être appelée à la rescousse aussi aisément que dans le titre auquel Twilight Princess sera régulièrement comparé (et pour cause, c'est celui dont il se rapproche le plus et de loin). En ramassant des herbes en forme de fer à cheval, Link peut siffler l'air mythique permettant de faire apparaître Epona, mais encore faut-il les trouver. Mais surtout, c'est en partant à la recherche des enfants du village (dont Iria) disparus durant une bien curieuse nuit, que le destin de notre (futur) héros va prendre une toute autre dimension. Pour ne pas dire qu'il va y entrer…

 

 

C'est quasiment sans l'ombre (haha) d'une explication qu'on se retrouve en effet projeté dans un monde parallèle où notre héros prend l'apparence on ne peut plus déroutante d'un loup plus ou moins en cel-shading (coucou Ōkami). Encore plus perturbant, c'est dans un sombre cachot que l'on peut prendre le contrôle de notre nouveau héros à quatre pattes, désarmé et assisté d'une sorte de fille fantôme volante et dotée de pouvoirs en tous genres, comme la téléportation, qui semble aussi prête à nous aider à sortir de là qu'à nous vanner en permanence. On ne sait quasiment rien d'elle, les présentations ne se faisant pour ainsi dire pas du tout, et tout juste apprend-on à manier ce magnifique canidé (assisté de cette aide aussi providentielle que suspecte) et à le tirer des tréfonds de ce que l'on suppose être le premier donjon du jeu (spoil gratuit : ben en fait, pas encore), que le premier bouleversement scénaristique intervient. Cela pourra en surprendre, mais dois-je rappeler que je ne savais absolument rien de Twilight Princess, y compris de cette transformation en loup, avant d'y jouer ? À noter que même l'amiibo "Link Loup" ne m'avait pas mis la puce à l'oreille, n'y prêtant que vaguement attention en me disant que le jeu justifierait certainement cette fort jolie figurine. Ma candeur et ma naïveté m'ont donc amené à beaucoup apprécier cette découverte d'un monde crépusculaire et d'un château d'Hyrule en totale décrépitude, et de la rencontre aussi inquiétante qu'intéressante que l'on allait faire en haut de sa tour principale, dans un décor ma foi de toute beauté. On est à peine à deux heures de jeu que l'aspect sombre et quelque peu "torturé" du scénario se révèle déjà, et on sent qu'on va affronter des destinées d'une certaine intensité dramatique. De ce point de vue, Twilight Princess nous livre les prémices d'une écriture étonnamment soignée pour un épisode de Zelda, saga qui nous a peu habitués à une certaine profondeur à ce niveau (le sinistre Majora's Mask mis à part, justement).

 

 

 

 

Cependant, offrir une intro un peu choc qui puisse faire fuir les plus jeunes ou ceux voyant en Zelda une série "cartoon" renvoyant des ondes positives, ça ne suffit pas. Il faut que le scénario tienne la route sur sa longueur, et puisqu'on en parle, que la tenue globale de son histoire soit efficace. Malheureusement, l'introduction de Twilight Princess est assez longue. Pour avoir été découragé à plusieurs reprises en son temps par Ocarina of Time dont je trouvais la période "Link enfant" pénible (sentiment toujours partagé, dans une moindre mesure, maintenant que j'ai fini ce sacré jeu), il y a fort à parier que "TP" aurait pu vite me gonfler dans un contexte différent. Fort heureusement, j'ai pu y jouer dans des conditions de jeu assez idéales comme je n'en avais quasiment jamais connu jusqu'ici dans ma vie, et fort en outre d'une expérience bien plus solide m'aidant davantage à appréhender ce genre de titre, et à juger avec plus de recul de ses forces et de ses faiblesses. Toutefois, quoi qu'il en soit, son introduction est longue, un peu comme celle de cette chronique finalement, dont vous aurez compris qu'elle se met au diapason du titre qu'elle critique assez régulièrement. Mais si vous avez l'habitude de me lire, vous ne devriez plus vraiment être surpris(e) !



Il faut en effet pas mal de temps avant de comprendre que le jeu nous fera alterner entre un Link "classique" (et rapidement mieux équipé que l'adolescent en haillons du début avec son épée de bois pourrie) et le loup que chevauche celle dont on ne tardera pas à apprendre qu'elle répond au doux nom de Midona (Midna en VO). L'identité de cette compagne d'infortune, dont on réalise vite qu'elle est à des années-lumière des pénibles Navi et (surtout !) Exelo, ainsi que son étrange destinée, constitueront un fil rouge scénaristique à peine de second plan dont on se régalera par ailleurs au point d'en faire un personnage attachant et de toute évidence très marquant dans l'histoire de la saga. Toutefois, l'alternance entre les deux formes de Link ne se fera pas à volonté avant un certain temps, car la logique de progression liée aux trois premiers donjons exige de passer par des phases où on contrôle exclusivement Link ou bien sa version animale. On doit en effet, pour accéder aux donjons en question, et y récupérer des artefacts capitaux pour Midona, se coltiner une quête de fragments lumineux à rapporter à des sources d'eau d'où rejaillira la lumière dans toute la zone visitée. Chacune de ces mini-quêtes, évidemment obligatoire pour progresser, est un chouïa lourde mais sait approcher de son terme avant de trop le devenir. À noter qu'elle a été légèrement raccourcie sur Wii U, où le nombre de fragments (visibles sur la carte, mais pas évidents à dénicher une fois la bonne zone localisée) est réduit de 16 à 12. Passée cette étape, on n'a jamais vraiment accès de suite au donjon de la région associée de suite, qui exige là encore d'autres accomplissements, fort heureusement toujours bien pensés et plutôt variés (mention spéciale au combat de sumō contre un vétéran Goron, qui exige l'apprentissage de cette pratique auprès d'un des villageois les plus importants d'Ordon). C'est long mais ça a le mérite de varier les phases de gameplay et de faire voir du pays, car on voyage beaucoup, et sans réels raccourcis au début.

 

 

Ce début de jeu a le mérite, à l'inverse d'un Ocarina of Time que je persiste à trouver chiant au début, de proposer une action "adulte" et des moments épiques assez tôt. Le franchissement du pont d'Ordinn avant de le voir se briser en son centre constitue une scène particulièrement forte et superbement mise en scène. Les deux premiers "donjons" auraient pu poser à mes yeux le même souci de design et d'ambiance que dans son illustre prédécesseur, mais d'emblée, je les ai trouvés mieux foutus, et plus proches du statut de temples que l'Arbre Mojo par exemple (et pourtant, dieu sait combien le tout premier donjon de Twilight Princess y fait implicitement et intelligemment référence). L'avantage, c'est que le troisième, qui conclut habilement la première partie du jeu, est un premier gros sommet de level design. Je vais encore m'attirer les foudres de certains, mais ce donjon aquatique constitue à mes yeux ce que le fameux Temple de l'Eau d'Ocarina of Time aurait dû être. Non, on n'y galère pas pour des contraintes purement ergonomiques, mais juste parce qu'il est véritablement complexe et que la résolution de certaines énigmes y est tout sauf évidente. Après, le jeu n'aide pas beaucoup en se montrant peu clair sur l'étendue réelle des fonctions du grappin, ce qui en étant mieux explicité m'aurait évité de buter bêtement sur la même salle pendant près d'une demi-heure. Reste que ce "palais des abysses", dont l'accès final est une copie conforme de son illustre aîné (heureusement que tout ce qui précède a le mérite de se montrer plus original !), est d'ores et déjà un premier très grand moment, alors qu'en fin de compte on est assez tôt dans le jeu. Tout un paradoxe dans tout ceci aura été long à mettre en route, mais c'est un peu ce qui caractérisera le mal redondant du titre : il est long, parfois c'est une excellente chose tant cela offre une aventure de grande facture, parfois ça en devient contraignant.

 

 

 

 

C'est en concluant cette première partie de quête (qui constitue environ un tiers du titre, en réalité !) qu'on commence à en apprendre un peu plus sur Midona et que Hyrule devient surtout un presque open world où Link se trouve libre de circuler, bloqué seulement par de rares contraintes liées à des objets manquants. Concrètement, on se retrouve dans une structure de progression (aussi bien sur le plan du level design global que du scénario) assez classique qui reprend les bases des deux épisodes majeurs de la saga sur Super Nintendo et Nintendo 64. Twilight Princess, par certains côtés, ne fait que réciter une partition déjà connue, mais avec beaucoup de brio et d'élégance. Le titre est réellement magnifique et il s'agit, et c'est logique, du plus beau Zelda jamais sorti jusque-là, magnifié par une version HD qui lui rend encore plus hommage et affine la jouabilité, notamment sur les systèmes de visée. D'un point de vue musical, pas mal de gens ont trouvé ce titre un peu en retrait par rapport aux canons de la série. Cela pourrait se justifier de par une présence très en retrait de la musique comme élément de gameplay (pas de flûte ou d'ocarina à disposition, et une histoire faisant moins entrer en jeu l'aspect musical que Link's Awakening ou Ocarina of Time, pour ne citer qu'eux). Mais cette appréciation étant très subjective, certains y trouveront leur compte… notamment votre serviteur.



Côté bande son, Twilight Princess s'en tire en effet plus que bien à mes oreilles, même s'il commet des maladresses un peu dérangeantes (par manque d'inspiration ?). Si quelques thèmes déjà connus sont légèrement réorchestrés, on saluera le travail de composition extrêmement soigné sur le thème principal des plaines d'Hyrule, taillé sur mesure pour les concerts symphoniques qui le magnifieront ultérieurement (peut-être encore plus grandiose que celui de l'océan de Wind Waker, c'est dire !). Concrètement, l'overworld theme surpasse ici celui d'Ocarina of Time, d'autant plus qu'il se voit réinterprété en une forme plus intimiste et inquiétante une fois la nuit tombée sur le monde de Zelda. Les thèmes des donjons se montrent plutôt inspirés et bien calés sur la thématique proposée, mais présentent un défaut récurrent : une boucle très vite atteinte, et un sentiment de répétitivité qui peut agacer si l'on se focalise trop dessus. Je reviendrai d'ailleurs sur lesdits donjons, qui constituent en mon sens une des (nombreuses) forces du titre. Globalement, en-dehors de quelques thèmes pénibles, comme toujours associés à des magasins et activités annexes (celui du magasin de Balder, sérieusement… je comprends le délire, mais je n'y adhère vraiment pas), tout passe super bien, et comment ne pas évoquer les différents thèmes de Midona, aussi marquants que le personnage associé, et celui du village caché découvert dans le dernier tiers du jeu et qui m'a offert une sensation de coup de cœur similaire à ma découverte de la vallée Gerudo. Là encore interprété principalement à la guitare acoustique, rythmé et calé sur l'aspect "far west" du village en question, sorte de suite logique de morceaux comme "Gerudo Valley" donc mais aussi "Vamo' Alla Flamenco" (Final Fantasy IX), on tient peut-être le thème le plus osé et le plus culte de Twilight Princess.

 

 

 

 

Puisque je viens de vous parler d'une thématique "far west" dans un des nombreux lieux visités par Link, il convient d'introduire cette partie dédiée aux univers représentés par un petit aparté sur un point que j'ai trouvé particulièrement frappant dans ce Zelda. Si Link est connu pour être le Héros du Temps, qui fait le fameux "lien avec le passé", rarement l'intemporalité de la saga a été aussi bien mise en relief. L'univers de base de la série est unanimement reconnu comme prenant place dans un contexte médiéval, qui est la plupart du temps maintenu tout le long des jeux. Ici, on semble alterner entre diverses ères dès que l'on entre dans une nouvelle zone, et surtout dans un nouveau donjon. Là où Ordon et la citadelle d'Hyrule se situent clairement dans une période moyenâgeuse, l'univers des Gorons a quelque chose de préhistorique, là où deux des derniers donjons tapent carrément dans le futuriste (et peuvent un peu choquer de prime abord, avant que leur ambiance globale et leurs idées de progression ne les rendent appréciables). Le tout en passant par un temple enfoui dans le désert aux allures de pyramide égyptienne, un vieux manoir abandonné dans la montagne, des châteaux au faste rappelant la Renaissance ou aux esthétiques baroques. Pourtant, tout cela se tient dans une cohésion d'ensemble admirable. D'ailleurs, d'une manière générale, à part peut-être une utilisation réellement erratique des pouvoirs magiques de Midona (on pensera surtout aux téléportations d'objets massifs, assez grotesques), ce Zelda se distingue par une cohérence globale très appréciable.



Là où je trouve quasiment toujours quelque chose à redire sur les donjons des Zelda, ceux de Twilight Princess se montrent particulièrement inspirés et réussis. La sensation de complexité est bien présente, les énigmes sont parfois bien retorses (toujours une ou deux par donjon qui prennent bien la tête), en fin de compte la seule déception se trouve au niveau de boss certes spectaculaires, sans doute bien pensés, mais extrêmement faciles à battre. Aucun ne m'a posé problème jusqu'au game over, et ne m'a même obligé à utiliser de fées salvatrices. Une fois leur pattern découvert, tout n'est plus question que d'exécution, et c'est franchement répétitif. Pour ne rien arranger, Midona est d'une (trop) grande aide. En plus d'être un personnage secondaire bien plus sympathique, intéressant et surtout moins pénible que ses célèbres aînés, la jeune fille aux pouvoirs surprenants donne des renseignements précis et beaucoup trop utiles, et n'attend pas l'échec pour le faire. On tient ici une synthèse d'un des points faibles principaux des Zelda 3D, tristement sublimés ici, peut-être encore davantage que dans un Wind Waker terriblement peu punitif, qu'un "mode héros" proposé exclusivement sur Wii U permet fort heureusement de faire oublier. Il reste quelques phases compliquées certes, mais souvent à cause d'une redondance de combats complexes à cause du nombre d'ennemis, ou d'une jouabilité hasardeuse. Par exemple, la célèbre séquence du pont est un joli piège pour quiconque viserait un "one credit" ou se lancerait dans le speedrun ; non pas qu'elle soit difficile, mais la maniabilité délicate d'Epona (un peu frustrante car pas vraiment améliorée depuis Ocarina of Time, alors que plusieurs années et une génération entière de consoles sont passées par là…) rend ce passage plus frustrant qu'autre chose, et on est heureux de voir la cinématique splendide qui s'ensuit… autant parce qu'elle est classe que parce qu'on est content d'être débarrassé de ce passage galère.

 

 

 

 

Vu qu'on parle jouabilité, faisons un tour d'horizon des nombreux objets proposés et de leur utilisation. Bon, en réalité, ils ne sont pas très nombreux, et on s'étonne de voir l'inventaire se remplir franchement vite, d'autant plus que les grands classiques s'enchaînent les uns après les autres (lanterne, boomerang, bombes, arc, grappin…), reprenant notamment à l'identique des éléments de gameplay d'Ocarina of Time avec un insolent manque d'originalité. On pense notamment au combo tunique bleue + bottes de plomb, permettant à Link de marcher sous l'eau tout en s'affranchissant de la jauge de vie en apnée. Néanmoins, cette combinaison trouve un prolongement intéressant avec les "hydrobombes" conçues exclusivement pour les explosions sous-marines. Il y a par ailleurs trois types de bombes, et des sacs plus grands à récupérer, tout comme le carquois permettant d'embarquer plus de flèches, cela au travers de quêtes annexes et de mini-jeux sympathiques qui égaient grandement la quête lorsque celle-ci pourrait sembler trop glauque. Mention à la partie de pêche, notamment en barque, qui se montre incroyablement apaisante, bien davantage que dans son modèle à mes yeux. Traquer les couples d'insectes dorés pour satisfaire la collection de l'extravagante mais attachante princesse Machaon constitue également une recherche agréable imposant de bien fouiller les moindres recoins d'Hyrule, même si c'est une tâche bien moins compliquée que de rassembler les 60 âmes errantes à travers la map (alors que leur quantité par zone est clairement explicitée, pour le coup). D'autres activités supplémentaires sont à compléter et pourront vous faciliter l'aventure, et pour ma part j'ai pris beaucoup de plaisir à m'y adonner entre deux donjons, renforçant pas mal une durée de vie déjà assez conséquente.



Pour en revenir aux items, ce Zelda propose évidemment son lot de nouveautés. Si l'on ne peut que regretter la disparition de la feuille de Wind Waker permettant de flotter dans les airs (habilement remplacée par les bonnes vieilles poules, même si celles-ci ne sont présentes qu'en de rares occasions), on appréciera l'arrivée de quelques nouveaux objets au maniement et aux possibilités étonnantes. D'abord l'"aréouage", sorte de… euh… rouage mécanique permettant de grinder sur des rails incrustés dans les murs, et plus rarement, d'activer certains mécanismes. L'engin est surprenant au début et ne semble pas avoir sa place dans un Zelda, mais on y prend vite goût, et la sensation de vitesse lorsqu'on en use est rapidement grisante. Ensuite, le boulet surpuissant (mais lourd à porter) qui permet de fracasser à courte distance des ennemis en un seul coup, ainsi que d'autres obstacles solides (armures, blocs de glace…). Cette nouvelle arme dévastatrice devient rapidement un allié de choix dans certains combats délicats. Enfin, la baguette magique qui donne vie aux statues et leur permet de nous suivre constitue l'élément majeur d'un donjon bien précis, avant de servir à une progression intéressante mais quelque peu trop assistée en vue d'une étape ultérieure. L'effet reste sympathique, et tout comme chaque objet, son utilisation ne se limite pas au seul donjon où on l'y trouve, mais il sert de nouveau en d'autres occasions (parfois indispensables pour progresser). De manière générale, le fait que Twilight Princess exige d'utiliser régulièrement les différents objets obtenus dans les donjons ou au cours de votre exploration est un petit plus non négligeable, amenant le joueur à profiter de la grande diversité de gameplay qu'il propose. Et tout ça, ce n'est qu'une partie de ce qui est proposé du côté de Link !

 

 

 

 

 

En effet, la version animale de notre héros légendaire bénéficie de ses propres spécificités (liées ou non à l'aide de Midona, surtout utile dans le cadre de combats de groupe ou de phases d'escalade aussi spectaculaires que guidées). L'une des plus séduisantes consiste à exploiter les sens bien particuliers du loup. Celui-ci peut retenir des odeurs de personnages passés par un lieu particulier pour user de son flair et suivre leur trace, au travers d'une interface aux effets "lunettes de visée nocturne" dont on apprend vite à ne plus jamais se passer, tant elle peut révéler d'éléments intéressants. Je pense ici à des âmes perdues dans le monde du crépuscule dont on peut écouter les pensées, aux spectres dont on doit arracher les âmes, à certains ennemis invisibles de leur statut de fantômes. Cela révèle également des zones clairement mentionnées comme "à creuser", et qui recèlent soit des rubis, soit des cœurs, soit des passages sous un mur ou des cavernes secrètes. Le loup peut aussi discuter avec tous les animaux rencontrés (y compris les fameuses poules !), ainsi que "chanter" sur la base de ses magnifiques hurlements dans certaines séquences envoûtantes au possible. L'une d'entre elles invoquera notamment de temps en temps un spectre de loup que Link doit aller retrouver sous sa forme humaine pour enclencher une scène de rencontre surnaturelle avec un guerrier fantôme lui apprenant de nouvelles techniques d'utilisation de l'épée et du bouclier, ce qui constitue un très gros point fort dans le but de complexifier les combats et de varier les attaques.



Si Link n'est initialement équipé que d'une épée et d'un bouclier (dont il obtient les versions améliorées au gré de son aventure, comme de coutume), il ne disposera clairement plus que des simples attaques et esquives s'il rencontre ce maître d'armes de l'au-delà. Les techniques enseignées sont pertinentes, agréables à exécuter, et donnent beaucoup de relief et de tactique aux affrontements contre les ennemis les plus coriaces, comme certains chevaliers en armure suréquipés. Il faut bien entendu pour cela user et abuser de l'excellent système de verrouillage qui, s'il facilite forcément le ciblage des attaques, permet de rester focalisé sur les adversaires avec précision et se montre extrêmement bien pensé. On pardonnera ainsi avec aisance les quelques ratés où le viseur alterne parfois avec un ennemi non désiré, ce qui arrive heureusement rarement. À noter qu'une grosse partie des armes est évolutive, que ce soit en terme de puissance, de capacité d'utilisation ou même d'amélioration (ce qui justifie finalement un inventaire vite rempli). Prenons par exemple de l'arc, qui couplé au masque de visée, donne un effet "sniper" absolument génial pour shooter des ennemis à une grande distance sans qu'ils n'aient le temps de vous voir. Ce même arc, décidément redoutable, peut également envoyer des bombes à distance. Je pourrais continuer à parler des objets comme les classiques flacons et tout ce qu'ils peuvent contenir de fées, potions et autres breuvages plus ou moins efficaces, de la lanterne dont la jauge d'huile doit être constamment vérifiée, et ainsi de suite ; mais autant résumer cela en une phrase : Twilight Princess propose une expérience de gameplay extrêmement complète, ergonomique, et franchement parfaitement optimisée à la manette, si bien que sur cette version HD, je n'ai pas autant eu à user du GamePad pour afficher la carte ou l'inventaire que sur Wind Waker où c'était devenu un réflexe.

 

 

 

 

Visuellement splendide, musicalement inspiré, scénaristiquement mûr et souvent sombre, et cerise sur le gâteau, très complet et agréable en terme de jouabilité : que reprocher à Twilight Princess ? Il y a pourtant des choses à redire. J'ai plusieurs fois évoqué un assistanat un chouia pénible car souvent non désiré et arrivant trop vite. D'une manière générale, ce Zelda est de toute façon trop "facile". Pas qu'il se boucle aisément : comme je l'ai déjà dit, il est très long, et la résolution des énigmes, dans et hors des donjons, peut parfois occuper un petit peu. Mais surtout, le game over y est rare, et vu que je n'ai quasiment jamais utilisé de fées pour survivre à une pénurie de cœurs, cela prouve bien que la résistance de Link est trop élevée — à moins que ce ne soit l'agressivité des ennemis qui soit à revoir. Une armure particulièrement cheatée que l'on peut débloquer vers la fin du jeu nous rend même invincible… tant qu'on a des rubis. Ceux-ci prolifèrent en quantité tellement grotesque que la bourse, qui heureusement voit sa limite passer de 500 à 1000 puis même 2000, est quasiment toujours pleine, en-dehors des grosses dépenses trop rares et parfois même facultatives. On retrouve ici une des tares d'Ocarina of Time, dont "TP" n'a pas su tout magnifier comme on peut ici le constater. Les coffres contenant des rubis par 50 voire 100 sont trop nombreux et frustrent d'autant plus qu'on espère y trouver l'un des 50 tampons exclusifs à la version Wii U (ce qui signifie qu'il y avait donc encore davantage de rubis dans la version d'origine !!) ou surtout un des très nombreux fragments de cœur, vu que ceux-ci sont plus répandus que d'ordinaire. En effet, il ne faut plus en réunir quatre pour reconstituer un conteneur entier, mais cinq désormais, ce qui doit bien être le seul nouvel élément compliquant un petit peu la tâche "défensive". Mais le jeu se montre tellement généreux en petits cœurs disséminés partout, et surtout tellement peu punitif sur les dégâts ennemis, qu'on a tout intérêt à passer directement au Hero Mode pour trouver un peu de challenge…



C'est clairement au niveau de cette trop grande facilité, couplée à la longueur (peut-être frustrante justement) qu'elle cherche à compenser, que Twilight Princess trouve peut-être sa faille principale. Quasiment intouchable dans son rôle d'héritier d'un Ocarina of Time qu'il égale voire surpasse sur la majorité des plans, il trouve cependant le moyen d'être beaucoup plus simple que le tout premier titre 3D d'une saga qui faisait déjà la part belle aux grands espaces un peu trop vides et aux combats très rarement perdus d'avance. La quête se traverse du coup avec des appréhensions bien davantage liées au contexte souvent glauque qu'à la réelle crainte de ne pas sortir en vie d'un donjon. C'est d'autant plus dommage que ceux-ci savent angoisser le joueur avec des petits coups de pression bien placés, mais en fin de compte, jamais vraiment confirmés dans les faits. Sans exiger la difficulté terrible d'un Adventure of Link, on aurait pu espérer voir l'ambiance sombre couplée avec un titre plus retors. Nintendo a pris le risque de proposer une aventure plus mature, bien qu'entrecoupée de passages plus enfantins, pourquoi ne pas en avoir profité pour rendre la quête plus complexe et livrer une version définitivement adulte ? D'autant plus qu'à l'instar d'un Majora's Mask, pas mal de passages sont réellement glauques ou flippants, avec de jolies visions de cauchemar de temps en temps.

 

 

 

 

Qu'on ne s'y trompe toutefois pas : Twilight Princess demeure un grand jeu, parce que bien construit, joli, envoûtant, et doté d'un background d'une qualité rare dans la série. Doit-on de ce fait le sanctionner sur un potentiel "adulte" pas tout à fait accompli ? Rien n'est moins sûr. Il convient en effet de rappeler que ce Zelda a vu son développement pas mal chamboulé : initialement prévu pour sortir exclusivement sur Gamecube à l'automne 2005, le titre dirigé par Eiji Aonuma s'était vu repoussé pour sortir finalement un an plus tard, simultanément sur une Wii débutante dont les joueurs devaient littéralement apprendre les contrôles très particuliers. De fait, il n'était pas envisageable de proposer une expérience de jeu "hardcore" avec une maniabilité nouvelle à appréhender pour tous, ce qui peut justifier cette simplicité, ces grands espaces nécessaires pour se faire à la jouabilité, et ce niveau de vie descendant vraiment difficilement. Certes, "TP" aurait pu sortir quand même à temps sur Gamecube puis se voir réédité dans une édition "simplifiée" un an plus tard, mais Nintendo souhaitait de toute évidence livrer aux joueurs une copie identique sur les deux supports, quitte à priver la version initiale de ce qui aurait pu la rendre encore plus forte. Un tel choix est bien trop délicat à critiquer faute de connaissance des tenants et aboutissants et du contexte particulier dans lequel cette double sortie simultanée s'est effectuée, d'autant plus que le pari de refermer une époque et d'en ouvrir une nouvelle avec le même jeu était vraiment très intéressant.



En outre, ce Zelda séduit décidément bien trop dans sa forme et son fond en même temps (une vraie performance !) pour qu'on ait envie de lui taper dessus pour ne pas offrir assez de challenge — d'autant que le "Hero Mode" est finalement là pour ça. Dans l'ensemble, j'ai plutôt passé mon temps à osciller entre progression du scénario, littéralement passionnant, et complétion d'objectifs additionnels intéressants à jouer, et apportant à leur façon un petit plus à l'histoire de chaque personnage. Les PNJ de ce Zelda sont nombreux, et si beaucoup sont véritablement hideux (choix esthétique sans doute assumé, mais quand même très discutable), tous ont leur personnalité, leurs anecdotes, et le script global du titre vaut le coup d'en lire la moindre ligne. Teintés d'humour et tantôt de mélancolie, les nombreux dialogues de Twilight Princess constituent un petit supplément d'âme qui m'a paru de qualité supérieure à l'ordinaire, et beaucoup d'entre eux suscitent l'empathie du joueur. Bon, Midona est clairement un ton au-dessus du reste, mais de toute façon, elle doit être le meilleur personnage croisé jusqu'ici dans la saga. Oui, j'ose, mais il faut faire parler ses coups de cœur : cette alliée de qualité en est vraiment un, et il y a fort à parier qu'elle joue un sacré rôle dans mon appréciation finale de ce très grand Zelda.

 

 

 

 

 

Vous l'aurez compris, j'ai passé un excellent moment devant The Legend of Zelda: Twilight Princess. Le fait de l'avoir découvert via une version HD sublimée a un peu joué, mais ce sont le titre d'origine et ses arguments d'époque qui ont su me convaincre. Face à ce qui est le plus bel épisode de la série sorti à ce jour (surtout dans cette réédition), c'est surtout le constat d'avoir affaire à une sorte de réécriture des deux grands épisodes que furent A Link to the Past et Ocarina of Time qui constitue un critère d'appréciation capital. En effet, le mythe est ici revisité avec brio, proposant une quête très bien rythmée, alternant exploration, activités annexes de qualité, donjons passionnants et combats plus techniques que jamais. Merveilleusement servi par un gameplay qui n'a jamais été aussi complet voire tactique, ce Zelda terriblement attendu ne se contente à aucun moment d'interpréter une composition déjà bien connue de tous (à part peut-être sur la bande son, justement !). Twilight Princess ose approfondir une bonne partie de la recette qui avait été réussie jusqu'ici, mais prend également le risque de livrer une histoire bien mieux écrite que d'habitude, avec des personnages forts, une alliée mémorable, et une atmosphère que l'on n'aura pas peur de qualifier de plus adulte que d'ordinaire. Et tant pis si le challenge pêche un peu : c'était déjà le cas dans les excellents Ocarina of Time et Wind Waker, sur qui "TP" a progressivement pris le pas dans mon cœur de joueur et fan de cette saga légendaire. Encore me fallait-il arriver au terme de cette épopée envoûtante, mélancolique et inquiétante pour m'assurer qu'elle se conclurait sans fausse note et offrirait un finish à la hauteur de sa progression terriblement accrocheuse. Je peux désormais l'avouer sans honte, Twilight Princess est mon Zelda 3D préféré, et c'est vraiment parce que je dédie une passion sans borne aux quatre premiers épisodes "d'avant OoT" que je ne le place pas plus haut dans un panthéon personnel qu'il a fait vaciller comme jamais.



J'ai adoré / aimé :


+ Vraiment (très) long

+ Rythme super bien géré qui ne laisse pas de place à l'ennui

+ Très beau, très varié, très riche, un véritable voyage

+ La bande son, comme dans tous les Zelda… bien qu'inégale

+ Les quêtes annexes toutes divertissantes et bien pensées

+ Présence d'un "Hero Mode" augmentant le challenge

+ Dualité de design et de gameplay maîtrisée à la perfection

+ Jouabilité au top, pleine de bonnes idées toutes bien exploitées

+ Des donjons variés avec du caractère et un super level design

+ Chaque nouveauté tentée est réussie

+ Le scénario travaillé et adulte

+ L'ambiance sombre et angoissante

+ Envoûtant et onirique, comme d'hab

+ Midona, meilleur PNJ de la saga, c'est tout

 


J'ai détesté / pas aimé :


- Vraiment (trop) long… surtout sur l'intro, en fait

- Il va falloir faire quelque chose pour cette histoire de rubis partout

- Encore des PNJ au design atroce… fait exprès ou pas, c'est affreux

- Quelques thèmes musicaux prometteurs mais répétitifs et peu inspirés

- Epona trop en retrait et surtout pas très maniable

- Beaucoup trop facile et assisté

- Un Zelda adulte qui ne s'assume pas jusqu'au bout

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