Et si on entamait 2019 par le remake d'un jeu culte ? Après tout, c'est bien ainsi que débuta 2018 avec celui de Shadow of the Colossus, ce qui m'avait permis d'enfin apprécier un titre me laissant jusqu'ici sur ma faim. Deux ans après avoir lancé 2017 avec un Resident Evil VII biohazard convaincant dans l'ensemble, malgré une seconde partie oscillant entre discutable et ratée, ce nouveau cru débute donc avec une étonnante fusion de ces deux dernières expériences : Resident Evil 2 est de retour, vingt-et-un ans après sa sortie initiale sur PlayStation, amputé de toute mention de "remake" dans son titre, et porté par le tout nouveau moteur de jeu conçu par Capcom pour "RE7". Longtemps espérée par les fans, la remise au goût du jour du premier jeu vidéo dirigé par l'aussi excentrique que talentueux Hideki Kamiya (Devil May Cry, Viewtiful Joe, Bayonetta…) débarque donc non pas comme un simple remake mais bel et bien avec le budget et les ambitions d'un gros triple A, et première vraie grosse cartouche dégainée par l'industrie vidéoludique dès janvier. Cependant, la seule réécriture du mythe, sur le fond comme sur la forme, peut-elle vraiment suffire ?
Note sur les conditions de jeu :
Cet article fait suite à une expérience "complète" de Resident Evil 2 via une version commerciale acquise par mes soins, intégralement joué sur PlayStation 4 Pro. Cette critique se base sur deux parties (d'abord Leon, puis "Claire bis") pour un total cumulé d'un peu moins de 19 heures de jeu, intégralement en difficulté normale. N'ayant jamais joué (ou presque) à l'opus original, je ne ferai qu'une très brève comparaison avec ce dernier, cet article ayant principalement pour but d'analyser ce que vaut la version 2019 en tant que telle, à destination de quiconque n'aurait pas non plus joué au jeu de 1998. Enfin, toutes les captures d'écran, même les plus horribles, ont été prises par mes soins. Notez enfin que même si j'essaie de ne (presque) jamais tester deux jeux se suivant directement, surtout tournant sur le même moteur, le statut de remake de ce "RE2" justifie de s'y attarder malgré une critique de Resident Evil VII il y a près de deux ans.
Plantes et zombies
Je ne vous ferai pas l'affront de revenir sur la genèse compliquée de Resident Evil 2 durant la deuxième moitié des années 90, n'ayant même pas touché une seule fois de ma vie à ce titre sur PlayStation (ni même à son portage Nintendo 64, que je n'ai jamais possédé !) pour donner du corps à l'intérêt porté à sa conception. Tout juste me permettrai-je de rappeler que le premier projet d'Hideki Kamiya en tant que réalisateur (produit par Shinji Mikami, créateur de la série) fut chaotique et manqua de ne jamais voir le jour, et ressuscita miraculeusement pour accoucher d'une des meilleures ventes de l'histoire de Capcom, au succès d'estime suffisamment immense pour justifier un tel engouement des fans face à la perspective d'un remake moderne. En effet, malgré des portages successifs sur PC et Dreamcast, puis plus tard sur Gamecube, jamais "RE2" ne fut amélioré ou recréé de zéro comme son illustre prédécesseur en eut l'honneur, avec le fameux "Rebirth" de 2002. Avec l'émergence des consoles HD et le passage de la franchise à la vue TPS, caméra à l'épaule, intrônisée par un quatrième opus qui chamboula absolument tout le gameplay légendaire de la série, celui que l'on nomme Biohazard 2 au Japon constitua très vite le client idéal pour un remake moderne basé sur la jouabilité de Resident Evil 4… qui plus est, mettait en scène le même protagoniste en la personne de Leon S. Kennedy. Au même titre qu'un Silent Hill (dont on rêve un peu désespérément qu'il bénéficie un jour d'un traitement similaire…), "RE2" était devenu extrêmement daté dans ses contrôles, et je vous avouerai qu'avoir lancé la version GC par curiosité m'a beaucoup refroidi : c'était évidemment génial à l'époque, mais dieu que ce type de maniabilité est lourd et peu ergonomique désormais. Pour profiter dans les meilleures conditions de l'expérience de survie horrifique que Resident Evil 2 souhaite offrir aux joueurs, une révision totale du titre s'imposait, et en tant que grand spécialiste du recyclage, Capcom l'a très bien compris. Néanmoins, le célèbre éditeur-développeur nippon ne compte aucunement céder à la facilité : ce n'est clairement pas à un vulgaire "portage HD" auquel on aura droit, mais bel et bien à une réécriture complète d'une œuvre essentielle de son époque, et ce sans Kamiya ni Mikami.
À titre personnel, comme vous vous en doutez, j'ai accueilli l'annonce de ce "nouveau RE2" avec bénédiction. Ayant, comme pour tant d'autres licences, totalement raté la trilogie originale sur PS1 et même pas touché à ses rééditions multiples (notamment toutes celles sur GC que je possède, pourtant !), ce remake même pas tant critiqué que cela par des joueurs lassés d'une telle politique de recyclage avait toutes les raisons de s'attirer mes faveurs. C'est donc sans aucun a priori ni la moindre influence des nombreux connaisseurs du jeu d'origine autour de moi que j'ai pris mon courage à deux mains et entamé la campagne de Leon, personnage dont j'étais plus familier que Claire Redfield (je ne "connaissais" que son grand frère Chris via Resident Evil 5). Autant vous l'avouer tout de suite : sur mes quatre ou cinq premières heures de jeu, j'étais littéralement sous le charme, retrouvant notamment tout ce qui m'avait emballé dans Resident Evil VII biohazard deux ans plus tôt, avec l'avantage non négligeable d'une vue à la troisième personne, caméra à l'épaule, bien plus agréable me concernant en dépit de l'immersion indéniable de la vue subjective de l'opus de 2017. Même le framerate de 60fps, pas vraiment ma tasse de thé en vue TPS, ne me dérangeait pas tant que ça du fait d'une application absolument impeccable rythmant drôlement bien les déplacements et contribuant, à sa façon, au maintien d'une certaine angoisse au sein d'un commissariat fascinant à explorer. Jusqu'à ce que l'on en sorte (parce que oui, toute l'action de Resident Evil 2 ne se limite pas juste à cet immense musée reconverti en quartier général du "Raccoon Police Departement"), il n'y a quasiment rien à redire sur le level design de cette zone à la construction admirable, labyrinthique comme il faut, d'une cohérence indiscutable, et dont l'exploration intelligente se fait un peu comme le donjon d'un Zelda qui contiendrait différentes formes de clés extrêmement bien planquées. Je pourrais honnêtement vous en vanter les mérites pendant des heures, mais préférerai vous recommander vivement de découvrir cela par vous-mêmes. Les créatures infectées ayant envahi les lieux ajoutent bien entendu la petite touche d'horreur et de tension nécessaire à une visite très rarement rassurante d'un bâtiment à la modélisation (presque toujours) admirable et que l'on finit par connaître par cœur tant le scénario nous y impose d'aller-retours en tous genres.
Cela doit se sentir avec cet éloge du commissariat de Raccoon City : il y a évidemment un "mais". Si le scénario ne casse pas trois pattes à un canard, il a le mérite d'offrir une excellente introduction avec cette visite d'une station-service en pleine nuit, juste avant de rejoindre la ville en proie à une pandémie encore inconnue de nos deux protagonistes, même si je reste convaincu que c'est une fois cette introduction terminée qu'il aurait été de bon ton de nous demander qui on souhaiterait contrôler pour la suite des événements, et non avant de lancer le jeu. Seulement voilà, sur ce que l'on peut considérer assez légitimement comme sa seconde moitié, Resident Evil 2 va afficher bon nombre de tares plombant pas mal une expérience initialement de très haute volée. Si les nouvelles zones visitées par la suite s'avèrent heureusement toujours passionnantes et terriblement oppressantes (il n'y a rien à redire à ce niveau) et que le switch très temporaire sur un personnage secondaire aussi mystérieux que fascinant se justifie tout à fait et diversifie quelque peu la jouabilité, "RE2" se prend les pieds dans le tapis sur certains points qui font assez mal. Le premier rappelle hélas tristement un souci propre à la conception du dernier volet conçu par Capcom sur le même moteur de jeu, et laisse supposer qu'il n'a pas été corrigé depuis : une fois un certain stade atteint, la difficulté (en normal, donc) devient pratiquement inexistante au vu d'une quantité de munitions (et de ressources permettant d'en fabriquer) beaucoup trop généreuse face à la quantité d'ennemis à abattre, surtout qu'une bonne partie peut être intelligemment évitée. On en vient à en faire déborder ces coffres présents dans toutes les safe rooms où sauvegarder, dont il demeure par ailleurs toujours aussi loufoque que le contenu se transfère comme par magie de l'un à l'autre. Après, je vous le concède : si vous n'avez pas une grosse expérience du survival-horror, il est possible que tombiez cependant dans le piège vicieux que constituent ces zombies quasi invincibles exigeant de leur vider un chargeur complet dans la tronche pour vous en débarrasser définitivement ; auquel cas, en effet, la quantité mirobolante de munitions à disposition ne sera pas de trop. Reste qu'en optant régulièrement pour l'infiltration, notamment pour éviter les immondes lickers, plus effrayants que n'importe quelle autre créature infectée, vous consommerez assez peu d'ammo et pesterez davantage contre la répartition aussi inégale que frustrante des trois types de plantes de soin. Non mais sérieusement, il devait y avoir un destockage massif de plantes violettes au general store de Raccoon City, c'est pas possible autrement… il faut dire qu'elles ont si peu d'utilité que la théorie du stock d'invendus tient presque, finalement.
Un autre point particulièrement irritant de ce titre, mais hélas propre à ce style de jeu en général et surtout dû à une volonté de respect de l'œuvre originale, se situe au niveau d'un scénario sombrant dans le grand ridicule par moments, et là encore, c'est à nouveau une fois sorti du commissariat que tout part en vrille. La rencontre avec Ada Wong a beau constituer un tournant fascinant – le personnage s'entourant d'une aura mystérieuse donnant envie d'en savoir davantage sur elle tout autant que l'on s'en méfie comme la peste – son développement et surtout celui de sa relation avec Leon confinent au grotesque. Certes, c'est de l'horreur, des histoires de zombies qui envahissent une ville, c'est rarement très profond, mais quand on a vu passer depuis des jeux comme The Last of Us à qui cette réécriture emprunte quelque peu par moment dans l'ambiance, on aurait pu espérer une légère amélioration d'un synopsis qui part bêtement en vrille. Surtout, la nullité de niveau "série Z" dans laquelle s'enfonce l'histoire de ce Resident Evil fait encore plus tache de nos jours, lorsqu'elle est mise en scène avec autant d'ambition. Le jeu étant globalement sublime, sauf sur des effets de reflets totalement loupés (dont il aurait mieux valu se passer plutôt que de forcer aussi lamentablement dessus, honnêtement), la grossièreté de son écriture ressort de fait d'autant plus. L'acting n'est jamais aussi désespérant que lorsque les moyens mis dans sa réalisation sont incroyables, et on en vient alors à se dire que "RE2" aurait peut-être gagné à carrément se priver de toute cut-scene, surtout que ce n'est même pas sur ce point qu'il brille le plus techniquement. Absolument bluffant in-game en-dehors de quelques rares errances techniques peu dérangeantes la plupart du temps, il laisse beaucoup plus sur sa faim dès que l'on tape dans la cinématique : déjà, les 60fps passent beaucoup moins bien dans ce type de situation (comme toujours), et hormis des modélisations faciales souvent magnifiques (cheveux de Claire mis à part…), c'est loin d'être exceptionnel dès qu'on verse dans autre chose que des phases de gameplay. Et vu que de nombreuses scènes vont bien au-delà du simple cliché et versent plutôt dans le ridicule, il est difficile d'apprécier cette composante du "nouveau" Resident Evil 2.
Claire obscure
Quand on ne connaît pas du tout "RE2" et qu'on le lance pour la première fois, on est fatalement intrigué(e) par cette possibilité de lancer l'histoire en incarnant soit Leon S. Kennedy donc, nouvelle recrue du "RPD" se rendant lui-même sur les lieux pour comprendre pourquoi plus personne ne lui donne de nouvelles à l'approche de ses premiers jours à Raccoon City, ou Claire Redfield, jeune étudiante dont le frère aîné n'est autre que Chris, héros du premier épisode. Dans celui-ci, on incarnait alternativement ce dernier ou Jill Valentine, et sa suite proposait également de se glisser dans la peau de deux personnages. En méconnaissance totale du concept, il n'y a qu'en finissant le titre (après une toute petite dizaine d'heures grand maximum) que l'on comprend que la fin totalement expéditive et modérément compréhensible n'en est pas une, et qu'il faudra enchaîner sur une "campagne bis" pour en saisir tous les tenants et aboutissants. Bien avant qu'un certain Yoko Taro ne s'éclate avec un concept de faux New Game+ exigeant de rejouer plus ou moins le même jeu avec un point de vue différent, Resident Evil 2 exige du joueur qu'il complète les histoires de Leon et de Claire, peu importe dans quel ordre, pour connaître l'intégralité du scénario et assister à sa "vraie fin". Là aussi, comme un symbole de l'ensemble d'une œuvre décidément très changeante, jouer la partie de Claire m'a fait alterner les hauts et les bas, jusqu'à une conclusion modérément satisfaisante, à la réalisation tout juste convaincante, mais dont il n'est pas honteux de se contenter. Intelligent dans sa façon d'aborder plus ou moins la même histoire mais sous un autre angle, avec d'autres rencontres et antagonistes, des affrontements spécifiques et des lieux exclusifs (rendant l'exploration encore plus grisante, tout comme la recherche des documents à collectionner et des fameuses figurines "Mr. Raccoon" super bien cachées), le second loop de "RE2" nous replonge en terrain connu mais avec ces petites différences, parfois jusqu'au placement des objets clé, qui augmentent à leur façon l'angoisse ambiante – et j'imagine que si l'on opte pour "Leon bis", c'est pareil. L'intensité et l'excellent level design aussi labyrinthique que flippant font de cette seconde partie tout sauf une corvée, à l'exception peut-être des rares passages que l'on n'avait pas trop appréciés lors de la première visite. Dans l'ensemble, refaire Resident Evil 2 une deuxième fois, avec quelques subtilités permettant de changer l'expérience, a tendance a enrichir celle-ci, et ce même pas forcément parce qu'elle complète son scénario assez moyen. Cela le rendra juste encore plus court et expéditif, mais ne nuira en rien à son incroyable intensité. En outre, si la quête de Leon trouve ses réponses, celle de Claire sera plus nébuleuse et se trouvera une issue imprévue, qui ne satisfera cependant que parce que l'on s'en contente par défaut.
L'un des problèmes majeures concernant Claire est que ce personnage est, de mon point de vue, beaucoup moins réussi que Leon. Son naturel souriant en toutes circonstances, même si son anxiété évolue quand même au fil des événements, a tendance à exaspérer, un peu comme la modélisation abominablement ratée de ses cheveux, et chacune de ses retrouvailles avec Leon mériterait une nomination aux Razzie Awards du jeu vidéo si une telle cérémonie existait (tiens, je devrais peut-être déposer le concept… ?). Alors certes, on mettra ça sur le compte d'une volonté de ne pas trop réécrire l'histoire, mais en fin de compte, c'est presque du côté des personnages secondaires que l'on trouvera les rôles les plus intéressants, et les "mieux écrits". Peut-être aurait-il fallu que Leon et Claire se contentent d'être jouables et n'interagissent que rarement avec leur entourage ? Ce sont, après tout, deux personnages très agréables à jouer, à l'animation plutôt convaincante, dont la résistance aux événements ne choque pas outre mesure, et avec lesquels on ressent diaboliquement bien la tension ambiante, que l'on soit pourchassé(e) par le terrifiant Mr. X ou que l'on craigne de voir un des ignobles lickers traverser le faux plafond – et s'écraser à nos pieds dans un bruit épouvantable, face auquel garder son calme sera une épreuve. De façon assez surprenante, "RE2" ne brille pas par la partie explicite de son écriture mais bien davantage par celle basée sur sa seule mise en scène, qui elle confine carrément au génie. Dans sa maîtrise du rythme et de la tension post-pandémie, il y a quelque chose, là encore, de The Last of Us ; alors oui, je sais, vous allez sans doute trouver que j'abuse un peu du comparatif avec le hit de Naughty Dog (qui n'est pas un vrai survival qui plus est), mais que voulez-vous, celui-ci a marqué son temps et se montre terriblement influent encore des années après sa sortie. Reste que sur de nombreux points, on ne peut qu'y penser, notamment dans ces séquences où l'on tente d'éviter tout combat faute de munitions suffisantes, ou bien où l'on marche sur la pointe des pieds pour ne pas éveiller l'ouïe d'infectés aveugles et plus dangereux que tous les autres. Qu'on soit bien d'accord : c'est bien Resident Evil qui a mis en place ces concepts en premier lieu avant que "TLoU" ne les modernise quinze ans plus tard, mais ce remake nous en offre du coup une magnifique synthèse.
Sur le plan de l'ambiance pure et dure, il n'y a pas de débat possible : Resident Evil 2, version 2019, est une monstrueuse baffe. On avait loué l'aspect immersif de "RE7" deux ans plus tôt, porté par une vue subjective renforçant grandement le sentiment de peur constante, et il faut avouer que la perspective de la réutilisation du même moteur mais en vue TPS, façon Resident Evil 4, pouvait inquiéter quelque peu dans sa conception – ceci d'autant plus que par moments, dans les déplacements, on sent qu'on est sur le moteur d'un FPS auquel une vue "caméra à l'épaule" aurait été greffée tardivement en guise d'alternative. Il était cependant indispensable de pouvoir retrouver Leon et Claire, de s'identifier à ces deux personnages cultes de la série, et le pari de l'angle de caméra est parfaitement relevé pour apporter une certaine proximité avec le personnage et ses craintes permanentes (non, je ne dirai pas que cela rappelle encore The Last of Us, même si je n'en pense pas moins). Comme expliqué en amont, la réalisation est globalement hyper soignée, avec une mention particulière à la pluie particulièrement sublime, et une gestion extrêmement réussie de tous les effets de lumière et d'ombre. Chaque passage plongé dans une pénombre partielle est divinement bien foutu, et on ne pourra à la rigueur que regretter l'impossibilité d'allumer sa torche à volonté pour jouer davantage avec une lumière qui n'a pourtant rien de scripté. Plus étonnant encore, contrairement au septième épisode, illuminer une pièce ne signifie absolument pas la rendre "safe", ce qui a pour effet de maintenir un stress palpable en toutes circonstances. Non seulement le fameux Mr. X (j'y reviendrai peu après) se fiche totalement d'une quelconque notion de zone de confort – safe rooms mises à part, même s'il adore rôder autour – mais les créatures contaminées peuvent tout à fait encore traîner dans des couloirs parfaitement illuminés. On pourra cependant limiter leurs interventions en bâtissant des volets de bois de fortune sur les fenêtres dont ces chers morts-vivants auraient explosé la vitre : une petite subtilité de gameplay au réalisme discutable, mais à la pertinence tout à fait louable, et qui nous poussera encore davantage à bien maîtriser la gestion de notre inventaire.
Cependant, bien au-delà de visuels très travaillés qui rendent toute cette horreur abominablement réaliste, c'est surtout du côté sonore que toute la tension de "RE2" va s'illustrer, avec beaucoup de talent. Alors certes, je ne le nierai pas, mes conditions de jeu (home cinema 5.1 avec caisson de basse) constituent un gros plus et rendent l'immersion totale ; cependant, il y a fort à parier qu'il en soit de même au casque. En terme de bruitages, c'est tout simplement une véritable leçon de sound design qui est donnée à la concurrence, et dont tout survival-horror devra s'inspirer à l'avenir. Sans abuser de bruits soudains inappropriés et dénués de logique, Resident Evil 2 fait en sorte que chaque micro événement se produisant dans son environnement soit restitué à la perfection côté audio, de façon à donner l'impression d'évoluer véritablement dans ses labyrinthes cauchemardesques et d'identifier d'où vient le danger. Bien sûr, c'est du côté des pas oppressants du terrifiant Mr. X que la principale prouesse se situe. Cette espèce de géant indestructible, arme biologique conçue par Umbrella sous le nom de code T-00, se promène sans relâche d'un pas aussi robotique que décidé dans les lieux où il traque le joueur, bien décidé à lui faire la peau. Le bruit de ses bottes métalliques génère une résonnance sourde dont on identifie peu ou prou la provenance exacte, et ajoute ici un supplément d'angoisse déstabilisant au possible qui rend l'exploration encore plus anxiogène. Cet ennemi quasi permanent étant totalement invincible, et ne pouvant qu'être temporairement mis à genou, on cherchera donc à l'éviter dans un jeu du chat et de la souris qui nous fera régulièrement dévier du chemin optimal et tomber sur d'autres horreurs imprévues. Du coup, on en vient assez étrangement à banaliser la quasi absence de bande son dans un titre qui a par ailleurs le culot de proposer de télécharger l'originale de 1998 sous forme de contenu additionnel payant. Un move assez vilain de la part de Capcom, qui aurait pu à la rigueur se contenter de récompenser le joueur ayant complété une première campagne par le déverrouillage de ce qui avait tout d'un bonus "au mérite", et de laisser les plus impatient(e)s passer à la caisse. En outre, son prix fort en tant que "vrai nouveau triple A", cumulé à l'absence de gratuité pour la BO d'époque, m'inviteront cependant à vous recommander une certaine prudence vis-à-vis d'un titre qui vous occupera deux week-ends cumulés grand maximum – pour une vingtaine d'heures très intenses, cela dit. Quand on vous dit que ce jeu navigue entre deux eaux…
Resident Evil 2 est-il déséquilibré ? Il y a un peu de cela. En choisissant de développer un remake d'une œuvre culte ne trahissant que rarement les principes et surtout le scénario d'origine, Capcom a assumé de prendre certains risques, dont ceux de voir la crédibilité et l'écriture moquées car restées vingt ans en arrière (un point sur lequel on ne pourra donc pas trop leur en vouloir) et ce même si le célèbre Hideki Kamiya n'est plus aux commandes. On pardonnera bien moins les errances de construction rendant le titre bien moins passionnant dans sa seconde moitié (allez, disons son dernier tiers), la faute à une tension moins prégnante essentiellement due à une gestion maladroite du challenge. "RE2" reste cependant, sans avoir besoin de taper dans son mode hardcore, une merveille de jeu d'horreur, porté par une réalisation et une mise en scène bluffantes in-game (beaucoup moins côté cinématiques, le scénario relativement décevant n'aidant pas) et surtout, une maîtrise hors du commun du sound design et d'innombrables effets en tous genres qui en font un survival-horror à la troisième personne de référence. Extrêmement bon lorsqu'il s'agit de jouer sur la notion de stress en dépit d'un bestiaire limité, doté d'une construction à la fois classique et ingénieuse, ce "RE2 Remake" ne trouve souvent ses limites que lorsque l'on veut le disséquer dans ses moindres recoins, ou râler sur un système de campagne en deux temps qui présente autant d'avantages que d'inconvénients. Il en résulte un titre à refaire si l'on aime ou adore sa version originale, et un très bon jeu extrêmement flippant et bien fichu la plupart du temps, à faire quand même si possible dans les meilleures conditions audiovisuelles pour prendre son pied et suer constamment. Certes, on pourra peut-être déplorer son tarif davantage orienté "triple A" que "remake", surtout couplé à l'absence d'OST de 1998 offerte en bonus, mais si tous les jeux cultes et très datés de cette période (au hasard, Silent Hill, Mafia, Max Payne…) pouvaient bénéficier un jour d'un remake aussi soigné, on signerait direct.
J'ai adoré / aimé :
+ Le sound design exceptionnellement immersif et donc flippant
+ Les lickers et Mr. X sont "délicieusement" angoissants
+ Modélisation franchement sublime la plupart du temps
+ Gros, gros travail de mise en scène in-game
+ 60fps parfaitement constants, en tout cas sur PS4 Pro…
+ … et qui constituent sans doute le meilleur framerate sur ce genre de jeu
+ Trois grandes zones fascinantes, au rendu riche et convaincant
+ Un level design labyrinthique, passionnant à explorer de fond en comble
+ Les collectibles plutôt pertinents et sympa à chercher
+ C'est quand même chouette de retrouver Leon, Claire… et Ada !
+ Les phases en "perso alternatif" sont tout à fait convenables
+ Dans l'ensemble, c'est ce qu'on attend d'un remake
+ 8 à 10 heures par "campagne", la garantie de l'intensité
+ Le concept des deux scénarios qui se recoupent…
J'ai détesté / pas aimé :
– … pour assez peu de différences quand même
– Le fait de devoir refaire presque le même jeu peut agacer certain(e)s
– Bande son extrêmement en retrait, pour ne pas dire inexistante
– Le coup de l'OST de 1998 payante, du vrai gros foutage de gueule
– Certaines textures sont vraiment infâmes (reflets, cheveux surtout)
– Plusieurs scènes sont franchement consternantes, 20 ans après…
– Encore ce problème de dosage du challenge sur le dernier tiers du jeu
– Les zombies qui "ressuscitent" deux à trois fois, c'est un peu too much