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Hollow Knight (et extensions) – Au creux du cœur

Des pavés dans la mer

7 avril 2021

Que 2017 fut grande ! En ce millésime qui vit naître la Nintendo Switch, bon nombre de titres d'exception virent le jour, et en particulier vers la fin de l'hiver et le début du printemps. De The Legend of Zelda: Breath of the Wild à Persona 5 en passant par NieR:Automata ou même Horizon Zero Dawn, ce furent tout simplement un mois et demi d'anthologie, comme rarement le jeu vidéo en a connu, que cette année incroyable nous livra. Au milieu de ces grosses productions espérées et de ces coups de génie inattendus en provenance du Japon, un petit jeu indépendant conçu par une poignée d'Australiens désireux de se faire une place dans l'industrie voit le jour sur Steam, avant d'être porté un an plus tard sur consoles avec tous ses contenus additionnels offerts. Ce titre sans prétention, présenté comme un "metroidvania" empruntant également à Dark Souls et annoncé à une époque où l'on osait encore croire en la Wii U, s'appelle Hollow Knight et constitue sans l'ombre d'un doute un des meilleurs jeux indépendants à avoir jamais vu le jour, justifiant toute l'attente fébrile placée en sa suite, la bien nommée Silksong. Oubliez tout ce que vous ont appris tout un tas de jeux vidéo et venez vous plonger avec moi dans une visite étonnante de Hallownest…



Note sur les conditions de jeu :

 

Mon expérience de Hollow Knight se base sur une partie complétée "un peu au-delà des 100%" (pour ne pas trop en dire), en un peu plus de 70 heures de jeu, sur la version PlayStation 4 de l'édition "Cœur-du-vide" offerte aux abonnés PlayStation Plus en novembre 2020. Mes sessions de jeux ont été intégralement diffusées sur Twitch et vous pouvez en retrouver l'intégralité des rediffusions sur ma chaîne YouTube, à travers une playlist dédiée. Enfin, comme toujours, toutes les captures d'écran de cet article ont été effectuées par mes soins.

 

 

 

 

L'hymne du vide

 

 

Ahhhh, l'Australie. Cette terre mythique si loin de tout, source de tant de fantasmes de voyageur, et sujette à tant d'angoisses dès que l'on pense à l'improbable faune qui l'habite… et dont on est bien content qu'elle soit confinée sur cette immense île éloignée du reste du monde. Dans l'univers des jeux vidéo, ce territoire fascinant est malheureusement bien plus souvent évoqué lorsqu'il s'agit de censure d'apparence abusive, ou bien de vieilles versions PAL en 50Hz communes aux pays européens, que pour la richesse de ses studios de développement. En toute honnêteté, avant de faire connaissance avec le carré magique constituant la Team Cherry, je n'étais capable de citer que la défunte Team Bondi – conceptrice de L.A. Noire – comme studio issu du subcontinent océanien. Désormais, je connais également Ari Gibson, William Pellen, Jack Vine et David Kazi, auteurs de Hollow Knight, projet né d'une game jam, comme beaucoup de titres indépendants (rappelez-vous de Celeste et de sa conception initiale sur PICO-8 !). Pourtant, sa genèse n'aura pas été simple, jonglant entre annonces enthousiasmantes, reports forcément inquiétants ou décevants, annulation de versions (pas de chance pour la Wii U qui s'en verra privée), et distribution un peu au comptes-gouttes selon les plates-formes : d'abord arrivé sur PC le 24 février 2017, les aventures du "chevalier creux" débarqueront ensuite sur Mac et Linux le 11 avril, avant d'attendre le 12 juin 2018 (et la période de l'E3) pour enfin sortir sur Switch, plate-forme où il était extrêmement attendu, du fait d'un grand intérêt de ses développeurs pour la machine hybride de Nintendo.

 

 

Il faudra même attendre le 25 septembre de cette même année, soit plus d'un an et demi après sa première publication sur Steam, pour voir Hollow Knight paraître sur PlayStation 4 et Xbox One affublé du sous-titre Voidheart Edition – littéralement "Édition Cœur-du-vide" en français – et embarquant au passage tous ses contenus additionnels ainsi que ses mises à jour diverses et variées. C'est cette dernière que j'ai eu l'occasion de découvrir, avec la ferme intention de jouer à ce que je considérais comme "le dernier grand jeu de 2017 me manquant encore" (parce que oui, désolé pour les fans, mais Divinity: Original Sin II ne m'intéresse pas du tout). Je confesse m'être lancé dans Hollow Knight avec l'espoir légitime de prendre une jolie claque et d'en tirer un souvenir impérissable : un projet quelque peu ambitieux, qui risquait de mal tourner si d'aventure le résultat n'était pas à la hauteur de mes espérances. Après une première session d'à peine trois heures en présence d'une petite centaine de spectateurs témoins de ma découverte, un premier verdict s'imposait d'ores et déjà : j'avais hâte d'y retourner. Ce constat, j'allais le faire tout simplement au terme de chacun de mes streams sur le jeu de la Team Cherry, n'ayant qu'une envie à chaque fois – je voulais constamment retourner à Hallownest, m'y enfoncer un peu plus profondément, découvrir de nouveaux biomes et saisir de nouvelles entrées dans un journal riche en rencontres plus ou moins agréables. Mieux encore : j'en venais à me dire que ce jeu, je l'aimais tellement que j'allais également en consigner un long compte rendu sur ce site, après des mois sans plus rien y écrire d'autre que quelques projets inachevés ou avortés (même mes articles prévus sur Control, Final Fantasy VII Remake ou Demon's Souls, je le crains, vont passer à la trappe). Vous l'aurez déjà compris, cette critique aura pour but de narrer en détail l'histoire d'un incroyable coup de cœur, puisque c'est très simple : Hollow Knight est un chef-d'œuvre. Reste quand même à vous expliquer pourquoi.

 

 

 

 

Ori soit qui mal y pense

 

 

Le genre que l'on aime à appeler "metroidvania", baptisé via cet étrange mot-valise empruntant à deux séries très populaires aujourd'hui très en retrait (pour rester poli), a inspiré un sacré paquet de développeurs indépendants à partir du moment où ces derniers ont enfin eu la chance de connaître leurs heures de gloire au début de la décennie récemment achevée. Cependant, relativement peu ont accédé à une certaine notoriété, et c'est tout naturellement du côté de Ori and the Blind Forest que le genre se trouvera un nouveau porte-étendard en 2015. Un titre absolument magnifique en tous points, aussi bien à jouer que dans sa réalisation, et un véritable coup de cœur personnel sur Xbox One à l'époque de ma découverte de la console, qui connaîtra d'ailleurs une suite tout aussi excellente cinq ans plus tard. Il m'a été régulièrement demandé, durant mon expérience de Hollow Knight, si je le trouvais meilleur que les deux Ori, ce à quoi je ne me sentais pas capable de répondre tant que je n'estimais pas avoir fait le tour du titre de Team Cherry ; je suis désormais convaincu que oui, c'est un meilleur "metroidvania" et même un meilleur jeu vidéo dans son ensemble. Ceci pour une bonne et simple raison : la quasi perfection dont son game design fait étalage de bout en bout, là où Ori and the Blind Forest ET Ori and the Will of the Wisps se montraient parfois – rarement ! – quelque peu brouillons, la direction artistique à tomber de ces deux créations prenant parfois un peu trop le pas sur un gameplay souffrant de temps en temps de petites erreurs de finition, allant du parfaitement tolérable au franchement irritant. Même s'il est vrai que j'ai découvert Hollow Knight quatre ans après sa sortie initiale, et qu'il a sans doute dû recevoir bon nombre de correctifs en tous genres depuis tout ce temps, l'expérience de jeu qu'il propose demeure d'une précision redoutable que son présumé "rival" n'atteint que rarement, la faute là encore à un accent peut-être moins mis sur l'exigence de design globale. Si Hollow Knight a la prétention assumée d'être un jeu complexe voire difficile, les Ori se veulent clairement plus "user-friendly" et c'est en cela que les deux titres se démarquent, en faveur de l'un me concernant ; la comparaison va néanmoins s'arrêter ici car il est grand temps de justifier pourquoi le jeu de Team Cherry m'a davantage marqué, ou même, pourquoi je l'ai trouvé meilleur dans son style.

 

 

 

 

De façon assez étonnante, on n'a pourtant pas affaire à un jeu vidéo spécialement révolutionnaire en la personne de Hollow Knight, dont la base consiste à réciter la partition du "metroidvania" parfait : un level design labyrinthique avec des passages secrets un peu partout, des pouvoirs ou objets à débloquer pour accéder à certains lieux repérés au fil de l'exploration, ainsi que le backtracking régulier qui en découle naturellement. Sur le fond, le titre de Team Cherry en est presque banal, tant on a le sentiment d'avoir déjà eu l'occasion d'expérimenter un titre de ce style, mais c'est dans l'exécution de tous ces codes qu'il va se sublimer. On peut en effet reprendre une formule connue et en faire une véritable merveille du moment que son utilisation est intelligente, précise et méthodique, et c'est exactement ce qui est fait ici. Dans un premier temps, le platforming quasi inévitable dans une production de ce style est redoutablement maîtrisé, et devient particulièrement délicieux au gré des pouvoirs que l'on débloque. Les phases les plus délicates dans ce style, heureusement optionnelles pour la plupart, rappellent pas mal Super Meat Boy (celles et ceux les ayant atteintes comprendront très bien pourquoi), et préfigurent l'excellence d'un Celeste. Oui, rien que ça. Mieux encore : en faisant le choix de puiser son inspiration dans les Souls chers à FromSoftware, les développeurs façonnent une narration en pointillés étonnante qui se marie à merveille avec le concept d'un "metroidvania", nous poussant à tout explorer pour saisir les subtilités d'une histoire intelligemment racontée et faire la connaissance de nombreux PNJ à la destinée aussi mystérieuse que fascinante. Ses inspirations vont d'ailleurs au-delà du jeu vidéo, puisque l'esthétique globale a quelque chose de très Tim Burton dans l'esprit, quand elle n'a pas de faux airs de Ghibli par moments (savoureux mélange n'est-ce pas ?). Afin de préserver un maximum de surprises pour quiconque hésiterait à se lancer dans Hollow Knight et souhaiterait se préserver de toute forme de spoilers, je resterai délibérément évasif sur tout un tas de détails liés à ce qui fait le charme de sa direction artistique et de son surprenant scénario, mais sachez que le jeu n'enfonce jamais de portes ouvertes et prend soin de disséminer des éléments narratifs avec parcimonie, le tout afin de servir une de ses forces essentielles : son exploration, qui ne rebutera que celles et ceux d'avance fatigué(e)s par d'incessants aller-retour au sein d'une map particulièrement compliquée et un peu unique en son genre. Si cela ne vous fait pas peur et/ou que vous souhaitez un peu de défi après des années de cartes se dessinant automatiquement à chaque nouvel écran atteint, préparez-vous pour un voyage particulièrement déroutant.

 

 

 

 

L'exploration par l'égarement

 

 

Le concept de la carte de Hollow Knight diffère en effet assez massivement de ce à quoi nous ont habitué des productions similaires : ici, se déplacer et errer à gauche et à droite, dans l'espoir de mieux savoir où on se situe, ne suffira jamais. Il faudra en effet trouver des bancs où s'assoir pour consigner sur la carte le chemin parcouru, sous réserve que la région du jeu explorée ait été cartographiée au préalable par un PNJ dont c'est l'étrange spécialité. En vous asseyant dessus, vous pourrez également régénérer de l'énergie, ce qui heureusement, l'essentiel du temps, n'est pas spécialement difficile en-dehors des combats contre les boss, face à qui trouver un moment opportun pour se soigner relève souvent du challenge. Vu que la jauge de vie de notre brave petit chevalier insectoïde évolue au gré de fragments de masque (bien) cachés, et que l'on peut puiser dans l'âme récupérée sur chaque ennemi occis pour se soigner, la mort arrivera rarement durant l'exploration… à moins de vraiment pas bien surveiller le nombre de points de vie restants, surtout dans des zones hostiles où des ennemis plus redoutables vous guetteront. En outre, et à l'instar d'une production FromSoftware là encore, le titre de Team Cherry n'hésite pas à sanctionner régulièrement un joueur qui prendrait la confiance trop rapidement : même le mob le plus anodin peut faire perdre bêtement de la vie, cette dernière se soignant bien évidemment contre davantage d'âme qu'on n'en récupère sur l'adversaire que l'on abattra en représailles. Dans Hollow Knight, il faut jouer prudemment, et garder à l'esprit que la monnaie du royaume d'Hallownest, les Géos, n'est jamais définitivement acquise. En s'inspirant encore une fois des Souls, le jeu nous invitera à affronter notre ombre (heureusement très peu coriace) à l'endroit où l'on trépasserait pour récupérer notre bourse, qui serait définitivement perdue si une autre mort venait à se produire en chemin. Et comme dans un jeu FromSoftware, la quête imprévue visant à sauver notre caillasse gagnée à la sueur de notre front devient terriblement périlleuse lorsque la pression de tout perdre définitivement – et de "farmer" en conséquence – vient s'en mêler.

 

 

 

 

Vous l'aurez compris, si monnaie il y a, c'est que vous serez amené(e) à acheter bon nombre d'objets, entre morceaux de carte, fragments de masque ou de réceptacle d'âme, clés, et surtout charmes. Ces derniers, dont la quantité et la variété impressionnante donnent une dimension RPG fascinante au vu de tous les builds imaginables en conséquence, seront la clé de votre progression. Équiper la bonne combinaison de charmes, dans la limite (faiblarde) des emplacements à disposition, fera la différence aussi bien dans votre manière d'explorer Hallownest que d'aborder les combats avec votre aiguillon  (oui, ici on n'utilise pas une épée, mais un aiguillon dont la puissance et les types d'attaque évolueront aussi au gré de vos trouvailles). Une grande partie d'entre eux devra être trouvée dans des recoins bien planqués du royaume, au même titre que les pouvoirs et améliorations permanentes dont l'essentiel sera nécessaire pour finir un titre au scénario tout sauf linéaire, et qui a de grandes chances de provoquer un sens d'exploration très différent d'un joueur à l'autre – de quoi s'incliner une nouvelle fois devant un level design délicieux, où toutes les pièces d'un immense puzzle s'assemblent comme par magie. Celle des grands jeux, assurément. Là encore, je reste délibérément vague tant il est plaisant de découvrir par soi-même les bénéfices de chaque nouveau charme ou les nouvelles skills à débloquer, même si certaines sont un peu prévisibles pour un "metroidvania". Reste que si vous n'êtes sujet(te) à aucune allergie au backtracking ou – vu que j'ai croisé quelqu'un que cela semblait insupporter – au mouvement de recul du personnage à chaque coup d'aiguillon donné (ce qu'un des charmes peut corriger…), la découverte de Hallownest et de ses nombreuses régions a de grandes chances de constituer une expérience des plus plaisantes… qui plus est, vous occupera bien plus longtemps, pour poursuivre la comparaison, qu'un Ori, ceci en partie grâce à un niveau de difficulté clairement plus élevé. Et attention, je ne parle pas ici d'un challenge déséquilibré et frustrant : non, on est bien face à un jeu vidéo à la jouabilité exemplaire, mais couplée à d'innombrables éléments de game design rendant l'ensemble précis, intelligent et exigeant, bien que pouvant quand même en rebuter certain(e)s.

 

 

 

 

Réseau sans fil parfaitement configuré

 

 

Le défi global que propose Hollow Knight pourrait, selon les points de vue, constituer un point négatif tout à fait subjectif mais compréhensible. Comme le jeu vous fera rencontrer de nombreux boss, que presque tous sont indispensables pour progresser et voir le bout de l'aventure, et qu'une bonne partie d'entre eux ne sera clairement pas simple à vaincre, le ragequit demeure hélas de l'ordre du possible chez les joueurs les moins patients. C'est peut-être un des rares défauts du jeu, si tant est qu'on puisse objectivement le considérer comme tel : on n'est pas en présence d'un jeu que n'importe qui, à force d'insister, peut terminer. D'abord parce qu'il ne propose pas de niveaux d'expérience permettant de triompher des affrontements les plus compliqués – heureusement quasi tous facultatifs – grâce à un bon vieux "farming" des familles : à plusieurs reprises, vous ne pourrez tout simplement pas disposer d'un équipement plus complet lors de vos rencontres contre des ennemis redoutables, et surtout, pour certains, qu'il sera obligatoire de défaire pour avancer dans l'histoire. Seul votre style de jeu et la gestion de votre build, qu'il faudra adapter à votre manière de jouer et d'appréhender les combats, pourront faire la différence. Ainsi, d'une certaine façon, le jeu de Team Cherry peut s'avérer plus difficile à finir que n'importe quel "Soulsborne", surtout si vous n'êtes pas du genre complétiste. Sa mystérieuse carte regorge en effet de surprises cachées vraiment partout, parfois de façon un poil tordue, ceci en partie car suivre le lore de Hallownest n'a que rarement quelque chose d'évident. Le synopsis du titre est assez obscur, pour ne pas dire abscons par séquences, et la manière dont il essaie de nous éloigner de toute forme de fil rouge confine tantôt à l'excès de zèle de la part de développeurs qui souhaitent qu'on se perde pour de vrai. Pour faire simple : dans un jeu From Software, mourir fait partie de l'expérience et du gameplay ; dans Hollow Knight, c'est le sentiment d'égarement qui joue ce rôle, voire un peu trop par moments. Au point d'éprouver une satisfaction quasi similaire – pour ne pas dire totalement comparable – à celle d'une victoire contre un boss retors à chaque fois que vous verrez s'afficher "Carte mise à jour" lorsque vous vous poserez sur un banc !

 

 

 

 

Néanmoins, à partir du moment où vous acceptez le propos d'ensemble de l'œuvre, et que vous consentez à vous enfoncer dans les méandres d'une des maps les plus labyrinthiques jamais conçues tout en essayant de rassembler les pièces d'un puzzle narratif franchement subtil, vous aurez le sentiment que la Team Cherry a remporté son pari et votre adhésion. En s'affranchissant pratiquement de tout fil conducteur et en dispersant les quêtes nécessaires à l'accomplissement de votre seul et unique but, Hollow Knight rappelle un petit peu un certain The Legend of Zelda: Breath of the Wild (eh oui) : vous pouvez en effet explorer pratiquement toutes les régions de la carte dans l'ordre que vous voulez et compléter les "missions" de l'arc narratif principal sans ordre précis. Si tout un tas de lieux et de raccourcis requièrent, comme tout bon "metroidvania", d'avoir débloqué le pouvoir ou l'objet nécessaire pour les débloquer, il n'y a pas spécialement de route prédéfinie à suivre pour compléter la trame principale, dont il y a fort à parier que vous oubliez régulièrement le sens et le déroulement. La comparaison (clairement involontaire du fait de leurs sorties quasi conjointes) avec le chef-d'œuvre de Nintendo EPD se poursuivra également au niveau de la curiosité permanente qui découle de l'exploration des environnements conçus par notre fine équipe de développeurs australiens. Combien de fois me suis-je surpris à répéter inlassablement "oh, tiens, c'est quoi ça ?" ou "j'irai voir ça après", tout en plaçant sur ma carte des balises visant à noter des points d'intérêts à explorer ultérieurement ? Fouiller les moindres recoins de Hallownest est une aventure en soi, et bien que donnant l'impression, de temps en temps, de nous faire passer par des lieux où on a déjà mis les pieds, la carte de Hollow Knight s'avère d'une richesse immense et offre un dépaysement de plus en plus surprenant au fil du temps, bien aidée en cela par l'absence de toute forme de marqueur de quête (vous pourrez néanmoins y apposer vos propres balises sous forme de pense-bête). Comme le fera assez bien Celeste à peine un an plus tard, le titre de la Team Cherry se révèle d'une variété surprenante en terme de direction artistique au gré des régions traversées, là où on l'imaginait un peu naïvement se limiter à des tons grisâtres et un peu trop de nuances de bleu. Ne vous arrêtez pas aux apparences : il s'agit d'un jeu véritablement très surprenant, dont le contenu incroyablement vaste offre beaucoup plus de nouvellement qu'on ne peut l'imaginer, et ce sans parler des DLC… tout simplement gratuits, qui s'imbriquent avec beaucoup de malice dans sa structure. Au point d'être, là aussi, tout à fait explorable sans même savoir que l'on a fait irruption dans un des contenus additionnels du jeu !

 

 

 

 

Cherry on the cake

 

 

Le renouvellement, puisque j'y viens, est une des innombrables forces de ce petit bijou qu'est Hollow Knight. Je ne vous cacherai pas avoir été très surpris lorsque je m'étais renseigné au préalable sur sa potentielle durée de vie, qui semblait exploser dans les grandes largeurs celles des Ori que je trouvais d'une longueur tout à fait correcte et équilibrée pour des jeux de leur envergure (surtout le premier, vraiment comparable en terme de stature "indépendante" pour le coup). Le fait est que la création de nos amis australiens est effectivement très dense, et qu'elle ne doit pas sa longévité surprenante à un quelconque abus de backtracking ; au contraire, c'est plutôt du côté de son étonnante richesse qu'il faut trouver une explication aux dizaines d'heures qu'on y passe. Fort d'une grande quantité de zones à découvrir et visiter de fond en comble, le titre de la Team Cherry se distingue par une ribambelle d'objets cachés, plus ou moins liés à des quêtes au script quelque peu erratique. Entre les (nombreux) charmes à l'usage aussi fascinant qu'indispensable, voire déterminant une fois correctement combinés, les fragments de masque à rassembler pour augmenter la jauge de vie du héros, ceux augmentant sa réserve d'âme (cette précieuse ressource collectée en tuant des ennemis, aidant à se soigner et utiliser des coups et pouvoirs spéciaux), les nouvelles capacités, les larves à libérer pour rassembler leur communauté… Hollow Knight regorge de secrets, parfois incroyablement bien cachés, quand il ne recèle pas tout simplement des régions parfaitement optionnelles pour l'accomplissement de la trame principale. Cette dernière, qui passe régulièrement au second plan, s'enrichit également au gré de vos pérégrinations et des rencontres avec des PNJ insectoïdes délicieusement charismatiques à côté de qui il serait dommage de passer (coucou ZOTE THE MIGHTY). Je resterai délibérément évasif à ce sujet, mais là encore, il y a du FromSoftware dans la manière aussi inspirée que délicate de distiller des morceaux de narration çà et là, notamment à travers les personnages croisés aux quatre coins d'Hallownest.

 

 

Un précepte de vie d'une pertinence extrême, que j'espère que vous retiendrez.

 

 

Au passage, un petit "trigger warning" des familles s'impose : il y a aussi du FromSoftware dans cette fascination pour les insectes en tous genres, jusqu'aux vilains arachnides de toutes sortes… heureusement peu représentés au sein d'un bestiaire démesurément vaste et varié, hélas entaché de quelques espèces particulièrement pénibles au comportement irritant même ma grande patience. Il s'agira d'ailleurs d'un des extrêmement rares défauts d'un titre qui n'en présente pas vraiment, vu qu'on ne peut même pas lui reprocher une quelconque faiblesse technique qu'un développement si "limité" aurait pu justifier (au point d'être pardonnable). J'ignore certes ce qu'il en était day one sur PC et ne pourrai jamais le savoir, mais la Voidheart Edition dispose de toute évidence de tous les correctifs rendant l'expérience optimale sur console, en plus d'embarquer avec elles tous les DLC, sans indiquer d'une manière ou d'une autre où ils peuvent bien se trouver. J'en profite par ailleurs pour vous conseiller, si d'aventure vous souhaitiez ne rien vous faire spoiler, de ne jamais jeter un œil à la liste de trophées et/ou de succès (sachez au passage que la version PlayStation 4 est celle qui en contient le moins, et qu'il y a davantage de succès in-game sur les autres supports), qui risquerait de vous gâcher quelques surprises. Notez au passage que Hollow Knight se paie le luxe d'être intégralement traduit dans notre langue, et pour le coup, je pourrais à la rigueur râler très brièvement sur une localisation française régulièrement imparfaite, qui comprend quelques fautes un peu grossières et témoignant d'une relecture peut-être approximative par moments. Elle demeure cependant excellente l'essentiel du temps – avec des lignes de script d'une rare finesse qui donnent beaucoup de personnalité à tous ces PNJ à l'animation relativement sommaire – et surtout, vous ne trouvez pas que ça donne l'impression que je me force à chercher un défaut pour la forme ?

 

 

 

 

Enfin, s'il faudra du coup une bonne vingtaine d'heures (au moins) pour terminer le jeu – en tout cas, battre son boss de fin et accéder aux crédits – et sans doute au moins le double voire le triple pour en débusquer tous les secrets et compléter tous les défis, ceci se fera avec un accompagnement musical à la hauteur de la grande diversité de l'aventure. Les thèmes musicaux alternent entre calme relatif teinté de mystère, mélancolie poignante, et rythmes plus soutenus lors des combats, jusqu'à rappeler le maître Antonio Vivaldi pour certains (oui, rien que ça). Là encore, l'œuvre résulte du travail de composition d'un seul homme, Christopher Larkin, compatriote des développeurs et ayant déjà travaillé sur le sound design et la bande originale d'autres jeux indépendants par le passé. L'atmosphère musicale de Hollow Knight, faite quasi essentiellement de piano, violons et percussions, ose également la harpe et l'orgue pour des résultats saisissants et marquants dès la première écoute, sans omettre tout un tas de petites subtilités géniales comme le tintement de verres à vin pour rappeler le son du cristal dans une des zones du jeu. Tantôt apaisante, parfois angoissante, la "soundtrack" du jeu donne constamment le ton recherché par ses créateurs en fonction des environnements traversés. Véritable petit bijou de bout en bout, elle sait se renouveler avec brio et se savoure avec grand plaisir, à l'image d'un titre dont on craint régulièrement la redondance, mais qui ne sombre pratiquement jamais dedans. En somme, le titre de Team Cherry, en plus de proposer un gameplay précis et exigeant, et de livrer au joueur un monde fascinant servi par un level design impeccable, s'offre en guise de cerise sur le gâteau une ambiance sonore pas loin d'être unique, travaillée avec grand soin et qui s'accorde en parfaite harmonie avec le reste de la direction artistique du titre, pour un bilan d'ensemble prodigieux quasi sans ombre au tableau. Il faut juste accepter un peu plus de challenge et moins de balises que d'ordinaire – voire mieux, pouvoir constater et acclamer l'intelligence de ces dernières, bien moins visibles et claires que dans beaucoup d'autres jeux vidéo. En voulant s'inspirer des meilleurs, Hollow Knight rivalise avec eux, lorsqu'il ne les dépasse tout simplement pas vu qu'il se paie le luxe de s'affranchir de presque toute forme de défaut.

 

 

 

 

Ainsi s'achève cette critique de Hollow Knight, avec la satisfaction d'avoir fait attention à ne pas trop en dire, en passant sous silence un paquet de détails et de composantes d'un jeu que je souhaite vraiment vous recommander. Certes, vous l'aurez déjà compris si vous avez lu les paragraphes précédents, mais c'est un fait : la Team Cherry a façonné un bijou rare, ceci d'autant plus qu'il a été développé par une si petite équipe, tout en offrant un contenu aussi immense et d'une telle qualité. Partant d'un postulat un peu idiot, à savoir que c'est un titre qui ne révolutionne pas grand-chose en apparence, je suis parvenu à une conclusion implacable : on est clairement face à un des meilleurs jeux de la décennie. Il n'y a pas grand-chose à dire de plus lorsque l'on fait face à une création aussi propre, fruit d'un travail incroyablement appliqué et dont la finesse se ressent au moindre écran et dans la moindre séquence de gameplay, même la plus insignifiante, qui transpire tout l'amour et la passion de ses développeurs. Vous pensiez avoir affaire à un énième "metroidvania" indépendant avec une jolie direction artistique ? À la place, vous découvrirez un véritable petit chef-d'œuvre, qui sait puiser le meilleur de chacune de ses illustres inspirations – allant bien au-delà des canons du genre – et les assembler avec une maîtrise insoupçonnée, pour accoucher d'un ensemble cohérent, complexe et d'une richesse rare, qui donne très envie de toucher à sa suite. Si en plus de cela, et pour couronner le tout, vous êtes du genre "complétiste", avec une petite tendance au masochisme quand cela touche au challenge, il y a fort à parier que votre vie de joueur connaisse un avant et un après Hollow Knight, tout simplement.



J'ai adoré / aimé :

 

+ Un modèle de "metroidvania" sur absolument tous les plans

+ Le système de carte, audacieux, original et intelligent

+ Toutes les inspirations sont assumées sans en abuser

+ Immense diversité de régions et de styles artistiques

+ Absolument que des bonnes idées de game design

+ Jouabilité d'une précision redoutable, un véritable sans faute

+ L'aspect RPG, avec les charmes et tous les builds possibles

+ Durée de vie impressionnante pour un titre de cette envergure

+ Les contenus additionnels gratuits (!), riches et de qualité

+ Contenu post-fin / additionnel d'une générosité vertigineuse

+ Le scénario et surtout, la manière de le faire découvrir

+ Bande originale magnifique et inspirée

+ Bestiaire conséquent et malin, comme tout le reste

+ La grande variété des boss, leurs attaques, leurs patterns

+ Du challenge en veux-tu en voilà

+ Les PNJ, charismatiques, amusants, touchants

+ Localisation française à la hauteur (malgré quelques loupés)

+ Irréprochable techniquement, en tout cas sur PS4

+ L'absence de fil rouge et le sentiment de ne jamais être guidé…

 


J'ai détesté / pas aimé :

 

– … au point que ça manque un petit peu de temps en temps, parfois

– Quelques ennemis au comportement franchement imprévisible et insupportable

Chercher un 3ème point négatif pour en mettre autant que dans mes critiques de Persona 5 et Link's Awakening

 

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