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Grand Theft Auto IV (et extensions) – La sainte trinité

Des pavés dans la mer

12 avril 2014

Attention pavé. Une discussion sur Twitter m'avait fait prendre conscience de l'intérêt de conter publiquement l'expérience très personnelle que j'ai de ce titre, et l'absence totale de review de ma part en cinq ans n'avait fait que me conforter dans mes choix d'en rédiger une nouvelle. Je vais en effet vous parler de Grand Theft Auto IV ainsi que de ses extensions, et commencer pour une fois par la fin, en annonçant que ce jeu a de très fortes chances de faire partie de mon "all-time top 5" à vie pour d'innombrables raisons. J'adule littéralement GTA IV et n'ai aucune honte de l'admettre. Ce jeu m'a fait voyager (pour de vrai), m'a fait définitivement entrer dans l'ère adulte de ma vie de gamer, et j'y ai passé des centaines d'heures, multi et solo confondus, alors qu'il est visuellement daté, que son framerate est à la ramasse, et qu'il est tellement sérieux et "noir" que beaucoup de gros fans de la saga s'y sont fait chier. Et le pire, c'est que je les comprends. Bref, après une intro pareille, je me sens plus que jamais obligé de me justifier.


 

 

 

À l'instar de ma review d'Ocarina of Time, il convient que je vous raconte un peu le contexte dans lequel j'ai découvert GTA IV, car je conçois tout à fait qu'il ait joué un rôle primordial dans l'appréciation que j'ai du jeu. Jusqu'en janvier 2009, je n'avais pour ainsi dire jamais joué à autre chose que du Mario/Zelda et à des adaptations de licences type Tintin ou Astérix sur consoles Nintendo, ainsi qu'à des jeux de foot et de bagnole sur PS1/PS2 (même si je ne renie en rien aucun des Gran Turismo, ou le premier Driver, ni les bons vieux PES sur PS2), et les Guitar Hero. En-dehors de cela, quelques rares exceptions sur NES/SNES (TMHT, F-Zero, Gradius…) et PS1 courant 2006-2007 (trilogie Crash Bandicoot, Klonoa). Je n'avais jamais touché au moindre Tomb Raider, Resident Evil, Final Fantasy, Metal Gear, Castlevania, Silent Hill et consorts. Et encore moins à GTA. Et puis, désireux de jouer un jour à l'hypothétique cinquième Gran Turismo, et tenté par LittleBigPlanet et même attiré par les magnifiques Uncharted et Assassin's Creed, j'ai fini par me prendre une PS3 d'occase début 2009, qui constitua d'ailleurs une affaire incroyable. En plus des nombreux jeux du lot ne m'intéressant pas plus que ça (et dont la revente assumée a favorisé le tarif d'anthologie que me coûta la machine), se trouvaient GTA IV et Uncharted. Soucieux de m'assurer du bon fonctionnement de chaque titre destiné à la revente, j'ai donc mis plus de 2 h à tous les installer, dont GTA IV, qui fut en réalité mon second contact avec un titre de la série, après Vice City (que je possédais mais davantage pour la collection qu'autre chose, n'y ayant joué que quelques minutes). Je l'avais également aussi vu tourner lorsqu'un ami était venu chez moi passer une semaine en août 2008, avec sa PS3 et le jeu, mais je n'avais pas vraiment fait davantage attention que ça. Bref, sur le coup, mon appréciation (sur un cathodique 55 cm, c'est important) fut du genre "ouais, ça a l'air pas mal, mais j'aurai jamais le temps de m'impliquer dans un tel jeu". Il faut dire qu'à l'époque j'avais un boulot, que c'était en plus à peine un an après mes débuts professionnels et que je rentrais encore "tard" tous les soirs (genre 20 h) et que je jouais pas mal à Super Mario Kart où ma carrière (notez l'omission volontaire de guillemets ici) était en pleine progression. Et je voulais me mettre à Uncharted dont le premier test m'avait directement emballé, d'ailleurs ce fut le seul jeu du lot (sur 9 titres) que je conservai. Pour le succès que l'on sait.

 

 

Pendant quelques mois, j'ai donc petit à petit franchi le cap du jeu plus adulte, en 3D/HD, devenant fan du premier Uncharted, investissant dans une TV 37" full HD avec ambilight, puis dans le premier Assassin's Creed, dans GT5 Prologue également, me constituant une petite liste de titres à faire à laquelle se greffèrent rapidement le premier MotorStorm, LittleBigPlanet donc, Mirror's Edge... et même Resident Evil 5, qu'un collègue de boulot m'avait prêté et que j'avais trouvé plutôt sympa. Et puis, début mai 2009, dans une brocante vraiment bien merdique du fond de l'Aisne, le lendemain de l'acquisition de mon premier smartphone (à croire que tout est lié), j'ai trouvé Grand Theft Auto: Chinatown Wars (pour DS donc) complet, comme neuf, à un tarif dérisoire. J'ai tenté. J'ai SURKIFFÉ. Ce jeu incroyablement fun, varié et plein de quêtes dans tous les sens constitua le compagnon idéal de mon aller-retour quotidien d'1 h 30 de TGV et me fit donc découvrir l'univers de Grand Theft Auto mais aussi et surtout de Liberty City. J'avais l'impression, avec cette vue du dessus, de jouer à un Zelda-like urbain avec des bagnoles et du sang (si si, dans ma tête je raisonnais ainsi, m'en voulez pas). Il devenait essentiel pour moi de refaire l'acquisition de GTA IV, que je reçus tout début juin. Au cours d'un dîner avec celle qui allait devenir ma femme à peine deux mois après, je lui demande si je continue RE5 (à peine entamé) ou si je me mets à GTA. Désolé pour l'analogie douteuse mais sa réponse lors de ce dîner a changé ma vie. Je me suis lancé dans GTA IV le 16 juin 2009, me suis tapé l'interminable installation puis ai pu savourer cette séquence d'intro incroyablement puissante, donnant le ton d'une aventure dont je ne connaissais bien évidemment pas encore les tenants et aboutissants, mais dont le motto saura trouver un sens extrêmement fort pour moi.

 

 

I'm looking for that special someone.

 

 

 

 

J'ai mis ÉNORMÉMENT de temps à finir GTA IV. À l'époque je jouais quand même vraiment peu sur ma PS3 toute récente, car j'avais assez peu de jeux, je jouais toujours beaucoup à SMK dans le but d'atteindre un top 5 mondial et de me préparer à fond pour le championnat (dont le résultat global donna raison à cet entraînement intensif), et puis j'avais un mariage à préparer, quoi ! Du coup, et ma liste de trophées est là pour en témoigner, je n'ai achevé ce jeu que trois mois et demi après. Et je m'y suis remis extrêmement régulièrement pour progresser dans l'interminable quête des 100%, très chronophage mais aussi captivante tant elle me poussa à explorer les moindres recoins de Liberty City. Ce fut également l'occasion de vivre une des expériences de couple geek les plus fun, à savoir la quête des 200 pigeons qui nous occupa une journée entière avec madame, qui adore prendre le volant et conduire (en respectant le code de la route et les passants !) et se balader dans ce jeu, sans se préoccuper vraiment des missions. Une fois les "clés de la ville" remises, il me restait à tâter d'un online hélas quelque peu déserté du fait de l'ancienneté du jeu (Red Dead Redemption et Max Payne 3, entre autres, étant passés par là, sans parler des modes multi des productions autres que celles de Rockstar). J'ai quand même eu la chance de vivre toute cette expérience avec deux amis dont un qui avait fait le jeu sur PC dès sa sortie et n'y avait plus touché depuis 3-4 bonnes années et que cela tentait bien de le refaire à fond. Le seul regret que j'ai concernant ce online, au final, est de ne pas avoir pu l'expérimenter du temps où il était fréquenté et constituait la seule expérience multijoueur en ligne proposée par Rockstar. Mais qu'importe, j'ai pu bien m'y amuser, et découvrir des bugs et glitches invraisemblables alors que le level max était déjà atteint. Un peu comme ce solo largement torché mais sur lequel je revenais régulièrement, juste pour conduire, me balader, faire sauter des trucs, et m'extasier devant Liberty City.

 

 

En effet, si GTA IV a eu un pouvoir si addictif sur ma personne, c'est en grande partie grâce à la cité dans laquelle il se déroule et que Rockstar a modélisée à la quasi perfection, tentant de reproduire une New York virtuelle le plus fidèlement possible. Il faut savoir que "Big Apple" ne me fascinait pas plus que ça avant de commencer à m'y intéresser via les séries Friends ou Sex & the City auxquelles je m'étais mis (encore grâce à madame…) très tardivement en 2006. Mais la reproduction si particulière que Rockstar fit de cette mégapole acheva de m'en rendre fan. Si j'ai tant souhaité me rendre à New York pour visiter cette ville et que j'ai eu la chance d'exaucer ce rêve, GTA IV n'y est aucunement étranger. J'ai vraiment découvert le concept d'open world avec ce titre qui m'a du coup ouvert beaucoup de portes sur la génération du moment, alors qu'initialement seuls 3-4 jeux me tentaient. Je dis souvent que je n'aurais jamais écouté autant de rock alternatif/indé si je n'avais pas été fan de Nirvana ; eh bien il en va de même pour les jeux vidéo modernes/adultes en 3D grâce à GTA IV, qui m'a encore davantage ouvert l'esprit d'un point de vue vidéoludique qu'Uncharted. Mieux encore : il me l'a ouvert sur tout un tas d'autres points. D'abord ce désir d'évasion et de voyage que je suis si heureux d'avoir pu concrétiser. Mais aussi une toute nouvelle conception des œuvres de fiction "visuelles" (cinéma et séries). Le nombre de films (et leur style…) auquel je me suis mis par la suite lui est clairement dû quelque part. Idem pour certaines séries. Et que dire de la banalisation d'une VOST en laquelle j'avais tendance à ne voir jusqu'ici que le reflet de la prétention de crétins élitistes désireux de se la péter parce qu'ils visionnent leurs films/séries en VOST. Bon, il y a encore tout un tas d'abrutis dont c'est vraiment le cas (et qui n'apprennent que dalle parce qu'ils se contentent de lire les lignes de texte), mais pour le coup c'est tellement plus authentique ainsi. Je ne peux que saluer le choix de Rockstar de ne pas avoir fait localiser les performances vocales tant je sens qu'on aurait tourné à la catastrophe — et tant pis pour ceux qui n'ont pas envie de faire les efforts requis. R* montrera à plusieurs reprises que son côté rebelle se manifeste jusque dans le déni total de l'assistanat infect qui gangrène toute une génération de jeux vidéo, et même de consommateurs en général.

 

 

Bon, c'est bien beau tout ça, mais j'en vois déjà qui lèvent la main et s'apprêtent à me dire "ouais donc GTA IV t'a converti à la VOST et aux films de gangsters et aux jeux plus adultes, mais ça plein d'autres jeux auraient pu le faire..." ET DONC JE TE METS UNE BAFFE ET JE TE LAISSE PAS FINIR TA QUESTION PARCE QUE JE SUIS LOIN D'AVOIR FINI MON EXPOSÉ. Les questions à la con c'est à la fin. Merci.

 

 

 

 

Grand Theft Auto IV n'est certes pas le premier jeu vidéo à proposer une sandbox aussi vaste, et pire encore : cette dernière était plus vivante et surtout plus délirante dans des opus passés. On pourrait dire que le passage à la nouvelle génération a justifié cette nécessité d'un réalisme plus froid et plus cru mais le concurrent Saints Row 2 sorti plus ou moins à la même époque avait pris un parti inverse : moche mais totalement barré. Et euh, de toute façon, il faut être honnête : GTA IV n'est pas le jeu le plus photoréaliste qui soit. Concrètement, jamais Rockstar n'a brillé sur ce point, se démarquant une nouvelle fois avec une patte graphique incroyablement spécifique, caractérisée notamment par les traits caricaturaux de tous ses personnages, de Niko Bellic aux PNJ les plus insignifiants en passant par les innombrables acteurs majeurs de l'intrigue. Au final, de l'ensemble se dégage une classe unique, une touche visuelle qui n'appartient qu'à lui et le rend identifiable instantanément, avec cet horizon quasi infini comme jamais on n'en a vu sur console. Le jeu propose une profondeur de champ invraisemblable et mieux encore, Rockstar gagne un pari très délicat pour l'époque en affichant la map dans son intégralité sans le moindre temps de chargement lorsque l'on se dirige d'un bout à l'autre de Liberty City. Du coup, la console souffre du fait d'un chargement quasi continu, et le jeu rame. GTA IV n'est vraiment pas fluide et finalement, ça permet d'encore mieux appréhender la conduite de ces grosses bagnoles américaines de 3 tonnes dont les suspensions semblent aussi vérolées que celles des lits d'un motel à putes de l'Oklahoma qui n'en aurait changé aucun en 30 ans. Ajoutons à cela une météo de chien (il y a pas mal de brouillard et de crachin, et quand il fait beau, on sent qu'on est en automne voire au tout début du printemps) et le côté très crasseux des différents microcosmes fréquentés : non, GTA n'est pas un hymne bling-bling au RN'B, au tuning et aux missions totalement déjantées, mais un véritable film noir interactif au scénario dont l'écriture se révèle très soignée, d'une profondeur sans égal. C'est à partir de ce point que véritablement, il se différencie de n'importe quel autre titre qui aurait pu me filer le déclic.

 

 

Concrètement, la force de ce GTA tient en très grande partie dans le charisme (pourtant très relatif) de son protagoniste. C'est con à dire mais j'adore Niko Bellic, et je vais oser : je me retrouve vachement dans ce personnage, avec qui je présente quelques similitudes en terme de personnalité, ce qui facilite grandement l'immersion et même l'empathie. C'est ce qui manque un petit peu aux personnages d'un Heavy Rain par exemple pour être un jeu vraiment proche de la perfection dans son genre. Concrètement, je fais partie de ces gens pour qui la motivation extrême liée à l'accomplissement d'une quête personnelle est quelque chose de très profond et de très important. La façon dont Niko se rend à Liberty City dans le but d'y trouver la personne qu'il est venu y chercher, quitte à devoir sacrifier énormément et parfois même trahir ses idéaux ou se compliquer la vie me fascine littéralement. Cet immigré serbe est un personnage grognon, atypique, sans charme physique ni moral, une sorte d'anti-héros dont on suit la destinée et l'histoire avec passion, car l'intrigue se veut relativement captivante, axée autour d'un secret qu'il tarde à dévoiler. On prend plaisir à voir le niveau de son anglais s'améliorer au fil d'une expérience de vie terriblement immersive bien qu'évidemment peu recommandable. Pas mal de gens ont critiqué le fait que l'on débarque à Hove Beach avec le statut de larbin des Balkans et qu'en dépit d'un énorme tour de la ville et de centaines de milliers de dollars sur le compte en banque, le statut social de Niko n'évolue pas vraiment dans le jeu. Concrètement, je trouve cette fausse évolution et surtout les deux fins possibles aussi violentes que géniales. En vérité, le scénario et les "issues" possibles traduisent mieux que quiconque ne l'a jamais fait l'échec total du concept de rêve américain. L'incarnation d'un personnage grisé par ses illusions et ses espoirs, au travers d'une fin décevante pour lui quelle que soit l'orientation prise, mise en scène par une cinématique finale impressionnante de frustration, est probablement une des meilleures retranscriptions numériques de la personnalité et des espoirs déchus d'un individu.

 

 

 

 

Je me rends compte, vu que je n'écris que des trucs décousus et que je ne me relis délibérément jamais, que je n'ai aucunement évoqué la bande son du jeu. Comme de coutume, Rockstar néglige la composition de tout score spécifique à l'ambiance in-game, largement compensée par une quinzaine de radios alternant pop-rock classique, house, jazz, rap pur et dur, metal, electro ambiante, RN'B, funk ou rock indé, ainsi que deux radios exclusivement consacrées aux talk-shows. Je ne peux ainsi évoquer cette partie de GTA IV sans faire partager l'un des détails les plus intimes de mon expérience du jeu (qui contient un léger spoiler que je vais minimiser le plus possible) : la façon dont il m'a fait découvrir l'un de mes groupes désormais cultes, à savoir les Smashing Pumpkins, au travers de leur morceau "1979". J'ai en effet très vite accroché à ce morceau diffusé sur Liberty Rock Radio sans avoir la patience d'aller en chercher le titre (c'était encore au début du jeu, avant qu'il n'accentue réellement mon emprise sur ma personne et ma volonté de m'ouvrir à davantage de choses). J'aimais parfois rouler de nuit sans but dans la ville éclairée de néons aléatoires en l'écoutant, sans savoir à quel point ce morceau et le visuel que je lui associais pouvaient être véritablement liés. Puis vint cette incroyable séquence de rupture avec un des personnages féminins du jeu ayant trahi Niko (j'étais en train d'écrire "m'ayant trahi", c'est dire !), entre deux ruelles sombres aux abords des docks de Bohan (le Bronx du jeu). Il est environ 6 h du matin et mon pote Little Jacob me laisse à mes illusions perdues, et je saute dans ma Banshee (l'équivalent GTA de la Dodge Viper) sur fond de soleil levant donnant un ton rose pâle à l'horizon de Liberty River et au pont reliant Broker et Bohan. Et là surgit "1979" et son rythme aussi entraînant que mélancolique, comme symbole d'une love story trop belle pour être vraie et à laquelle le jeu a réussi à me faire gober. Cette chanson si puissante sur la nostalgie d'une vie éloignée, qui collait si bien à cet instant. Je pense qu'on a tous des morceaux associés à des moments de notre vie et c'est normal — mais je ne pensais pas pouvoir un jour en associer un à une existence virtuelle. "1979" est depuis le titre le plus lu sur mon iTunes.

 

 

Outre ces questions d'identification il est vrai très personnelles, et cette notion de quête d'un but à tout prix que je trouve incroyablement saisissante et bien retranscrite, j'ai trouvé que GTA IV épate par son niveau d'écriture globale. Ce ne pourrait être un film car bien trop long, mais une série d'une ou deux saisons avec ses rebondissements, trahisons, surprises, déceptions, au travers du melting-pot le plus varié qu'une ville virtuelle puisse proposer. C'est en me rendant à New York que j'ai pu me rendre compte à quel point le boulot de Rockstar sur l'authenticité de la réalisation avait été incroyable. La plupart du temps, je n'avais même pas à m'aider de mon plan (ai-je dit au passage que GTA IV a révolutionné mon sens de l'orientation déjà plutôt développé dans la vraie vie ? non ? et vous pouviez pas le deviner ? sérieux...), car je connaissais tellement Liberty City par cœur que j'arrivais à reconnaître des lieux, des artères, des chemins logiques que j'avais tant arpentés virtuellement. Que l'on parle de Star Junction (Times Square), le cœur de l'île d'Algonquin (Manhattan) et des multiples néons dont le jaune des innombrables taxis n'a pas besoin pour ressortir, de l'énorme promenade de Hove Beach (Brighton Beach / Coney Island) au sud de Broker (Brooklyn) où savourer des hot dogs le long de la plage sur fond de grande roue, ou encore de l'immensité de Middle Park (Central Park) et de son lac central autour duquel se baladent des joggeurs et Vespa-like, constituant d'ailleurs le cadre d'une des missions les plus marrantes et décalées du jeu. Jamais je n'avais autant apprécié de faire le tour d'une ville numérique entière et d'en connaître toutes les rues au point de pouvoir prétendre, sans l'ombre d'une hésitation, que je pourrais être chauffeur de taxi dans cette ville si elle existait réellement. New York reste un peu plus complexe en vrai quand même, surtout avec ses sens uniques de merde partout dans Manhattan. Mais revenons à Liberty City et aux activités qu'elle propose : en marge d'une quête principale longue de près de cent missions (dont certaines littéralement épiques et très longues comme "Three Leaf Clover"), le jeu propose pour la première fois de la saga une histoire se déroulant à l'heure d'internet et j'ai donc perdu un temps invraisemblable à me faire tous les sites web de l'internet fictif et complètement barré conçu exprès pour ce titre. Ce n'est même pas un mini-jeu car inutile et n'apportant quasiment rien à l'achèvement des 100% (en-dehors du site de rencontres, et encore). Mais c'est un univers de plus à explorer, totalement fou et caricatural, à mourir de rire, les sites de news préfigureraient presque le Gorafi quand on y pense.

 

 

 

 

Proposer une satire violente et crue de la société américaine et de ses dérives, ça a en effet été maintes et maintes fois effectué, au final ça n'a pas forcément grand-chose d'original. Mais quand on en est plus ou moins acteur et qu'on a l'impression de se sentir régulièrement visé par les critiques de scénaristes habiles et malins qui se foutent de la gueule de tout ce qu'ils trouvent, et touchent quasiment toujours au bon endroit, on en vient à se remettre en question sur tout un tas de détails. Se rendre dans des magasins de fringues hors de prix pour maintenir son appartenance à une société basée sur l'apparence. Bouffer de la junkfood parce qu'on nous la vend comme pas chère et qu'elle sait se placer aux coins de rue les plus stratégiques. Regarder des shows débiles et des dessinés animés complètement fareflus à la TV affalé sur un canapé, écouter des talk-shows racistes et misogynes à la radio en ricanant comme un gros beauf. Et quoi de mieux au final pour échapper à tout ça que de sortir dans la rue armé d'un fusil à pompe, de piquer la grosse cylindrée italienne du businessman des beaux quartiers qui croit qu'il peut la laisser garée comme ça sans rien craindre, puis de semer un merdier pas possible et de justifier le nom de la Cité de la Liberté ? Grand Theft Auto permet cette libération et cette folie meurtrière gratuite que personne ne s'autoriserait dans la réalité mais qui défoule tellement bien dans un jeu vidéo.

 

 

Au final, sur fond d'un des univers les plus crédibles et réalistes jamais conçus virtuellement (en dépit de faiblesses techniques excusables pour le coup), le tout servi par une trame incroyablement bien dessinée et qui prend au corps pour plusieurs dizaines d'heures, Rockstar offre le plus beau condensé de ce qu'il avait été capable d'offrir jusqu'ici. J'ai été énormément séduit et captivé et cela m'a conduit à investir dans toutes leurs productions ultérieures tant on sent une équipe plus indépendante et audacieuse que la moyenne, toujours très pro, jamais désireuse de sortir un jeu pile au moment requis par le cahier des charges d'un éditeur exigeant. Take-Two sait qu'il doit quasiment tout à Rockstar sur qui il compte plus que tout au moment de faire ses bilans annuels et je ne peux que les remercier d'accorder à cette équipe de développement si méticuleuse le temps dont elle a besoin pour parfaire ses titres et nous offrir des expériences aussi riches, immersives et captivantes.

 

 

 

 

 

Évoquer GTA IV et sa qualité scénaristique ne serait rien sans le clou du spectacle que constituent ses deux extensions. L'un des trophées/succès du jeu évoque une "impossible trinité" qui, il faut l'avouer, n'a dû avoir aucun sens pour les joueurs l'ayant débloqué à l'époque. Ce n'est qu'en publiant ses deux DLC (probablement les deux meilleurs d'une génération qui en a usé et abusé...) que Rockstar a apporté des réponses. Qui aurait en effet cru que l'intrigue globale de GTA IV constituait en réalité un thriller à plusieurs embranchements très inspiré d'un Pulp Fiction ? C'est pourtant ce que R* a réussi à concevoir avec brio au travers de deux épisodes additionnels publiés à quelques mois d'intervalle en 2009, suscitant forcément l'attente et la curiosité des fans d'une saga qui avait vaguement divisé avec cet épisode si noir et cru, qui pour certains avait trahi les bases de la série après le totalement barré San Andreas. Me concernant, j'ai repris le train en marche relativement à temps, puisqu'achevant la trame principale de GTA IV peu avant que la seconde extension ne soit publiée. C'est dans ces conditions que j'ai acquis une Xbox 360 pour Noël 2009, sur la seule et unique base de l'exclusivité (qui allait s'avérer temporaire…) dont Microsoft bénéficiait pour ces deux DLC qui, vous vous en serez doutés, valent plus que le détour. Venons-en maintenant à la critique (plus succincte et un brin moins personnelle, je vous rassure) de The Lost and Damned puis de The Ballad of Gay Tony.

 

 

La première des deux extensions de GTA IV nous met dans la peau de Johnny Klebitz, membre du gang de motards The Lost, dans une Liberty City encore plus crasseuse sur fond de hard rock et de metal bourrin. On se rend assez vite compte qu'on incarne un PNJ rencontré au gré des missions foireuses de Niko, tantôt allié, tantôt ennemi (car il faut le dire, Niko et le gang des Lost n'étaient vraiment pas très copains). A priori, cette extension n'a pour seule réelle nouveauté que de proposer une meilleure conduite à moto ainsi que la gestion d'un groupement de motards associés lors des chevauchées fantastiques sur fond de "Highway Star" de Deep Purple — et croyez-moi, sur les voies rapides que propose la ville, cette sensation déchire sa race. Mais on prend très vite conscience que Rockstar nous offre cette incroyable possibilité de revivre, en plus de la trame spécifique à cette extension, quelques missions du jeu principal dans la peau d'un autre personnage et sous un angle totalement différent. Ceux qui se demandaient comment Johnny avait pu survivre à tel ou tel braquage lorsque GTA IV ne nous avait permis de vivre que l'échappée solitaire de Niko seront servis. C'est également un plaisir de retrouver la même ville mais en arpentant des zones différentes : on explore ainsi davantage Alderney la mal-aimée (censée représenter les aspects urbain et industriel du New Jersey faisant face à New York de l'autre côté de l'Hudson), que GTA IV nous avait fait tardivement visiter. On expérimente de nouvelles missions annexes, d'autres mini-jeux, bien que la map soit identique, proposant juste un filtre visuel un peu rétro/grainé collant assez bien à l'esprit. Et cet épisode renouvelle intégralement le parc de radios : si la plupart des stations ont le même nom, leur playlist est intégralement différente. Là où The Lost & Damned fait très fort, c'est qu'il trouve le moyen de ne jamais nous faire décrocher des radios rock/metal imposées dans quasiment tous les véhicules, car ça colle beaucoup trop bien à l'esprit rock & roll de cet épisode pour avoir envie de voir ce qui a été changé sur les autres stations. Et à vrai dire, on ne le découvrira en profondeur que dans l'autre extension, où il sera quasiment de rigueur de ne plus "switcher" sur les radios rock de l'univers des bikers.

 

 

The Lost & Damned a toutefois de quoi faire légitimement décrocher ceux qui trouvaient GTA IV trop sinistre et sérieux, tant il contribue à insister sur l'atmosphère lourde et sans avenir d'une ville où les espoirs ne se concrétisent jamais, se rangeant cette fois du côté des parias de la société. Mais Rockstar avait plus d'un tour dans son sac et se devait de renverser totalement les acquis avec The Ballad of Gay Tony et l'introduction du troisième protagoniste de cette fameuse "impossible trinité" : Luis Lopez.

 

 

 

 

 

En effet, lorsque débarque le second volet des épisodes additionnels de GTA IV, on sent que l'accent est mis sur une antithèse totale du premier : couleurs vives, musique disco, ambiance de la nuit très gay-friendly. On passe de deals d'héro douteux, motos, metal et misère urbaine à luxure, discothèques, yachts et folie des grandeurs. Le tout dans un scénario un peu plus long que celui déjà très correct de The Lost & Damned (qui prend bien 8 à 10 heures pour une première partie, soit l'équivalent de pas mal de jeux vendus tels quels à 70 €…). Cette fois-ci, on se retrouve dans la peau de Luis Lopez, le bras droit / garde du corps / beau gosse latino de "Gay Tony", propriétaire de discothèques très en vue, et homosexuel notoire. La caricature du milieu de la nuit, des boîtes gays, des strass & paillettes devient alors complètement folle et nous ramène dans un esprit très Vice City, très jet-set. C'est le foutoir le plus total avec des missions vraiment déjantées, avec une mention très spéciale à celles que peut confier Yusuf Amir, fils d'un émir richissime qui attend de Luis qu'il l'aide à réaliser des rêves totalement barrés comme ajouter à sa collection de véhicules un tank de l'armée (à faire décrocher d'un hélicoptère en plein vol !!) ou pire, carrément une rame du métro de Liberty City. L'extension propose également une immersion très réussie dans les boîtes de nuit avec jeu de danse en rythme, une setlist d'anthologie pour quiconque apprécie les bons hits club/house, et de nouvelles activités comme le golf et surtout le base jump. Cette partie-là de GTA IV est vraiment loufoque, drôle et colorée, et rassurera ceux qui trouvaient l'ensemble trop terne et se prenant trop au sérieux. Toutefois, la trame de l'histoire de Luis ne fait que rejoindre celles de Niko et de Johnny. Ce n'est qu'en complétant GTA IV et ses deux extensions que l'on prend conscience que Rockstar avait tout bien écrit à l'avance afin de nous proposer un scénario très complet dont certains des chapitres pouvaient se vivre sous divers angles... dont un mettant en scène les trois personnages à la fois, incroyablement bien foutu avec le recul, et qui fait prendre plus que jamais conscience d'à quel point R* a conçu ce jeu autour d'une écriture redoutablement efficace et inspirée des plus grands standards cinématographiques du genre.

 

 

Je tiens à clôturer cette chronique avec un ultime aparté témoignant de l'étonnant pouvoir que ce jeu peut avoir sur moi : en dépit d'une quête vraiment longue, je me le suis refait sur 360 par la suite, puisque le pack que j'avais obtenu pour bénéficier en exclusivité des extensions contenait également le jeu de base. Même en l'ayant déjà fait deux fois sur PS3 (pour les 100% et connaître les différents embranchements scénaristiques que déclenchaient les nombreux choix possibles), je l'ai ainsi fait une troisième fois... et serais prêt à recommencer encore et encore. Alors que sur cette génération, contrairement aux jeux rétro, j'ai remarqué qu'on n'est vraiment pas souvent du genre à se refaire un jeu même quand on l'a bien aimé. GTA IV, malgré tous ses défauts qu'il faut objectivement admettre, je le referai très certainement encore et ne m'en lasserai jamais. Il est un petit peu comme cette personne que l'on vient à chercher, parfois pendant des années, pour ne plus jamais la lâcher ni s'en lasser, même si on a des tonnes de trucs à lui reprocher, parce qu'elle a ce petit truc qui en fait cette personne si spéciale pour qui on est prêt à tant donner et sacrifier. That special someone...

 

 

 

 

Je ne vais pas y aller par quatre chemins: Grand Theft Auto IV est à mon sens un chef-d'œuvre vidéoludique qui a marqué mon existence. Je me doute bien que la perception que j'en ai est extrêmement personnelle et peut presque faire peur à quiconque n'aime pas trop ce genre de jeu, voire ne cherche pas à trop s'impliquer dans un jeu vidéo. En outre, son aspect visuel et ses performances techniques totalement datées (qui étaient déjà limites pour 2008) ont franchement de quoi enfoncer toute forme de crédit que l'on pourrait accorder à l'appréciation que j'en ai. Mais ce titre, à travers une expérience de gameplay incroyablement permissive, un scénario d'une solidité et d'une richesse à toute épreuve, une ambiance et une bande son m'ayant marqué à jamais, et son style visuel si propre et tellement démarqué de standards de plus en plus uniformisés, en fait pour moi un des meilleurs jeux vidéo auxquels j'aie pu jouer de ma vie. La seule chose que je puisse faire pour remercier infiniment Rockstar de ce boulot de titan est de consommer avec fidélité leurs créations, et l'avenir m'a montré que j'avais placé ma confiance et ma fidélité sur le bon studio tant ils se montrent incapables de me décevoir. Mais quelles que soient les expériences extrêmement positives qu'auront pu me procurer des Red Dead Redemption, L.A. Noire, Max Payne 3 ou justement Grand Theft Auto V, aucune ne peut rivaliser avec cette notion de feeling si unique qui n'appartient qu'à ce GTA, à Liberty City, à Niko Bellic et à la relation si particulière que je peux entretenir avec ce titre. Définitivement, dans ma vie de joueur mais aussi de consommateur et peut-être même d'homme tout simplement, il y a eu un avant et un après GTA IV.

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