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Gravity Rush 2 (et extension) – Et si on s'envoyait en l'air ?

Des pavés dans la mer

10 février 2017

Ahhh, Gravity Rush. Ou plutôt "Gravity Crush" en ce qui me concerne. Testé à l'époque sans trop savoir à quoi m'attendre sur une PSVita un peu avare en gros hits attirants, surtout pour le joueur très "occidental" que je suis, cette petite bombe avait su me rendre accro on ne sait trop comment en dépit de son aspect très "japoniais" et de sa jouabilité improbable et souvent pénible. En fait, Gravity Rush, c'était surtout un univers à part, avec une touche visuelle tout en cel-shading assez unique, une cité fascinante d'un point de vue architectural (Hekseville), une bande originale jazz-rock formidable et envoûtante (merci Kohei Tanaka), et des personnages amusants et sympathiques autour d'une protagoniste vraiment attachante (Kat). Début 2016, un remaster PS4 lui rendait plus qu'hommage grâce au travail de qualité de Bluepoint (également très performant sur The Nathan Drake Collection), et le tapis rouge était déroulé pour ce qu'on n'attendait presque plus : une évidente suite espérée par une fanbase relativement limitée en Occident, mais heureusement suffisamment forte au Japon. Le cliffhanger archi frustrant du premier volet allait se trouver des explications à travers un second volet qui se sera fait attendre, et snobera une PSVita orpheline d'une de ses plus belles égéries au profit d'une PS4 bien plus à même de mettre en valeur les aventures de Kat… mais aussi de Raven. C'est l'heure de la confirmation pour une jeune série qui se doit, avec la PlayStation 4, de franchir un cap et d'atteindre le fameux stade de la maturité. Alors, Gravity Rush 2 fait-il toujours autant tourner les têtes, et surtout dans le bon sens du terme ?



Note sur les conditions de jeu :

 

Bien que Gravity Rush 2 dispose d'une plus grande résolution sur PS4 Pro, c'est sur ma fidèle PS4 "de base" (toujours le modèle 1 To à l'effigie de Nathan Drake sorti en mai 2016) que je me suis fait ma propre expérience de ce nouveau titre. En effet, le verrouillage à 30fps étant également de mise sur la version "Pro", cette review devrait évoquer un aspect technique commun à toutes les expériences de jeu. À noter qu'il a été joué dans les deux semaines suivant sa sortie en version dématérialisée (la promotion occidentale de Sony auprès de la presse et des reviewers s'arrêtant là…), avec un patch 1.02 passé par là entre-temps. À noter que Gravity Rush 2 ne proposait pas de patch "day one", ce qui a tendance à se raréifier de nos jours… et témoigne a priori d'un titre plutôt bien fini pour le coup. Les screenshots ont tous été réalisés par mes soins.

 

 

 

 

La découverte d'un nouveau monde

 

 

Qu'on se le dise de suite : Gravity Rush 2 n'est pas un jeu évident à prendre en main, ni à appréhender, pour quiconque aurait zappé le premier volet. Pour le coup, il est plus que recommandé de vous y frotter, via la version remasterisée, qui a l'avantage de ne pas être spécialement chère et de proposer un titre somme toute assez court en ligne droite pour peu qu'on accroche rapidement à l'ensemble. En outre, un anime en deux courts épisodes fait la jonction entre les événements des deux volets, offrant un petit aspect transmédia à une jeune série désireuse de s'imposer sur le plan narratif. Passé cet avertissement initial, plongeons-nous dans le grand bain ! Le moins que l'on puisse dire est que d'un point de vue purement scénaristique, Gravity Rush 2 cherche à désorienter ses fans les plus impatients de retrouver Kat et ses incroyables pouvoirs gravitationnels d'entrée de jeu. Y a-t-il ici comme une volonté de rassembler aficionados de la première heure et novices désireux de découvrir la saga ? Possible.  L'aventure, telle que la démo (très prometteuse) nous la laissait espérer, met un petit peu de temps à se mettre en place, mais c'est aussi parce qu'il est nécessaire d'introduire tout un nouveau lore autour de Kat, de son chat Poussière et de son ami Syd, le sympathique flic de Hekseville rencontré dès le début du premier Gravity Rush, seuls éléments connus en débarquant dans cette nouvelle histoire. La suite cherche à nous désorienter quelque peu, ce qui n'est pas forcément un mal en soi : il faut réapprendre des bases connues et relativement peu modifiées, et en découvrir de nouvelles, axées pour le moment autour d'une gigantesque exploitation minière dans laquelle Kat semble plus ou moins réduite à l'état d'esclavage. On évolue au début exclusivement au sein du village flottant de Banga, qui semble dirigé d'une main de fer par la redoutable (et déterminée) Lisa, que notre héroïne ne semble pas spécialement porter dans son cœur. Et surtout, on apprend à nos dépens que Kat et Raven ont été séparées contre leur gré, que Hekseville est loin derrière et qu'il semble impossible d'y retourner un jour : de quoi achever le sentiment de rupture même si la jaquette du jeu laisse au moins espérer une retrouvaille entre ces deux "sœurs d'esprit".

 

 

Fort heureusement, après avoir amélioré (du mieux qu'elle pouvait…) son relationnel avec sa contremaître, et noué une certaine complicité avec la jeune et fragile Cecie, Kat finit par retrouver pleine possession de ses pouvoirs, et accède à un tout nouvel univers : l'immense cité flottante de Jirga Para Lhao, partiellement explorable dans la démo, et incroyablement plus vivante que pouvait l'être Hekseville en son temps. On est passé des débuts de la PSVita à une PS4 au top de sa "carrière" dans l'histoire des consoles de jeux, et ça se voit : l'univers proposé dans Gravity Rush 2 est immense, bien plus large à explorer, et offre une verticalité largement plus vertigineuse que son prédécesseur, qui avait déjà rudement impressionné à ce niveau. Sans trop en dévoiler, le deuxième volet des aventures de la Reine de la Gravité s'étale au travers d'une map aux limites pas toujours évidentes à cerner, et dans des proportions réellement impressionnantes. La touche visuelle qui avait tant séduit en 2012 est toujours bien présente, faisant de ce titre un des meilleurs représentants au monde d'un style cel-shading toujours délicat à maîtriser, mais qui fait mouche à merveille ici. La réussite visuelle qu'est Gravity Rush 2, qui ose des palettes de couleur bien plus variées que son aîné par ailleurs, ne réside cependant pas que dans une simple patte graphique. Il y a aussi toute cette architecture globale unique en son genre, qui visite les moindres spécificités d'une vraie mégapole – quartier d'affaires avec grands buildings, zone commerçante avec un marché coloré et dynamique, villas luxueuses, bidonvilles… D'une manière générale, on retrouve certaines des thématiques dépeintes dans les quatre zones d'Hekseville, mais avec une superficie et une variété revues à la hausse. On pourrait tout simplement disserter pendant de longs paragraphes sur la prouesse d'urbanisme que constitue Jirga Para Lhao, tant les équipes de Japan Studio se sont attelées à offrir à ce nouveau Gravity Rush un monde plus vivant, plus vaste et plus complexe. Tout juste pourra-t-on se plaindre éventuellement d'un résultat finalement trop "réaliste" exception faite de l'aspect flottant sur plusieurs niveaux : la nouvelle cité que Kat explore a un côté plus humain, qui lui fait perdre un peu de son côté fantastique si chatoyant et original.

 

 

Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir : au niveau des différentes zones traversées, Gravity Rush 2 s'autorise de gros délires. Les exploitations minières et les diverses failles, où Kat enchaîne défis sur défis et acquiert de nouveaux pouvoirs, sont là pour nous rappeler que les level designers de l'équipe de développement en prennent de la bonne. Celui qu'on appelle Gravity Daze au pays du Soleil Levant est globalement toujours aussi barré avec son lot de séquences loufoques sorties d'une combinaison d'esprits tordus. Sur la totalité de l'aventure (qui rien qu'en ligne droite, est presque plus longue que le premier volet à 100%, DLC inclus !), on voit du pays, et tous les lieux traversés ont leur charme unique. En outre, Gravity Rush 2 s'offre un simili mode photo pour immortaliser les différents voyages de Kat, qui peut soit photographier les nombreux PNJ (très différents et au character design toujours sympathique et inspiré), soit les paysages visités, soit s'offrir son petit moment Instagram. En exploitant le mode trépied de cette fonction, Kat peut alors prendre des selfies dans différentes tenues, avec bon nombre de poses à débloquer au fil de l'aventure, sachant que l'appareil photo est tout sauf un gadget inutile dans le titre. Utilisé dans pas mal de missions (souvent secondaires, certes) et requis pour l'accomplissement de certaines collections annexes, l'appareil photo est un de ces petits ajouts a priori inutiles qui permet également d'offrir une petite dimension sociale à un jeu ne nécessitant aucun mode multijoueur. En plus d'immortaliser bon nombre de moments et de lieux magnifiques, cette fonction permet de partir à la recherche de trésors additionnels disséminés aux quatre coins de l'univers, et dont les joueurs peuvent conseiller la localisation à d'autres en partageant leurs clichés sous forme d'indices. D'un simple point de vue exploration, et sans même parler des missions annexes (qui sont plutôt nombreuses et rallongent solidement la durée de vie ; on y reviendra), Gravity Rush 2 respecte une bonne vieille maxime seyant aux suites ambitieuses de son espèce : "bigger, better". De ce point de vue, il est indéniable que ce nouveau titre remplit à merveille sa mission, tant il donne envie d'en découvrir le moindre recoin, que ce soit pour farmer les gemmes, ajouter de nouvelles photos à sa collection, découvrir des fresques cachées… et toujours sans spoiler, vous n'êtes vraiment pas à l'abri de vos surprises.

 

 

 

 

La tête dans les nuages

 

 

Le monde aussi vivant qu'impressionnant visuellement de Gravity Rush 2 ne serait toutefois qu'un triste terrain vide s'il n'était pas bien garni. Alors oui, c'est une évidence, mais c'était en effet un des rares défauts du premier volet : si les quartiers de Hekseville étaient vraiment fascinants à arpenter pour les mirettes (et également pour le plaisir des oreilles), il n'y avait rien à faire en-dehors de la trame principale et de défis de scoring et de contre-la-montre très vite plus frustrants que réellement passionnants. Dans ce nouveau volet, fini l'ennui potentiel en marge de l'histoire : non seulement les missions principales s'enchaînent avec beaucoup de dépaysement, proposant très rarement deux fois de suite une action située dans la même zone, mais il y a une très jolie quantité d'activités annexes à expérimenter, et la majorité d'entre elles consituent tout sauf du remplissage. À titre personnel, je me suis surpris à avancer lentement dans la trame de base pendant sept ou huit épisodes au début du jeu, tant l'appel des missions annexes était fort. Ces dernières sont globalement très variées, assez peu se répètent, et elles offrent leur dose d'humour et de fan service pour compléter à merveille une histoire qui s'étend déjà davantage en longueur que son aînée. Il y a pas mal de choses à faire dans Gravity Rush 2, beaucoup même. On regrettera quand même que certaines missions traînent en longueur, comme pour rallonger une durée de vie assez solide de base et qui n'avait pas forcément besoin de ce type d'artifice. Si la plupart des quêtes annexes se limitent à une durée conforme à leur statut facultatif, d'autres seront quasiment aussi longues que certains épisodes obligatoires du scénario, ce qui est quand même un peu déséquilibré. Fort heureusement, leur narration souvent teintée d'un humour léger et touchant permet de compenser une éventuelle envie de râler. Ce n'est de toute façon pas du côté de son histoire que Gravity Rush 2 nous énervera ou décevra : sans trop en dire, il se conclut en effet sur une note très différente de son ancêtre, qui s'ouvrait un peu trop à une évidente suite qu'on a bien failli ne jamais connaître. Dans son ensemble, ce scénario offre son lot de rebondissements, de surprises, de grands moments, et ce sans céder à trop de lieux communs ou de longueurs – à part peut-être lors d'un épisode sur la fin dont on se demande s'il ne se fiche pas délibérément du joueur. D'une manière générale, ce que l'on pourrait qualifier d'épilogue est très réussi et plutôt surprenant dans sa globalité.

 

 

En plus d'offrir un terrain de jeu plus vaste et extrêmement varié, Gravity Rush 2 souhaite se montrer le plus équilibré possible, et propose de fait les évidentes améliorations de jouabilité et de level design qui suivent naturellement son évolution. Dans les missions, secondaires ou non, l'équipe de Japan Studio n'hésite pas à prendre des risques en amenant Kat sur des terrains jusqu'ici inexplorés. On avait eu l'occasion de tester des filatures moyennement convaincantes (mais qui passaient quand même on ne sait trop par quel miracle) dans le premier volet ; ici, ce sont de toutes nouvelles phases d'infiltration, avec jauge de méfiance des adversaires à tenir en compte, qui sont proposées. Ces séquences, assez régulières dans le jeu, constituent néanmoins un de ses points faibles. Séduisantes sur le papier, elles souffrent d'un mal chronique déjà perçu dans Gravity Rush premier du nom, à savoir la pénibilité de la moindre séquence de gameplay où l'héroïne est privée (de façon forcée ou juste recommandée) de ses pouvoirs extraordinaires. Un peu comme les horribles passages de plate-forme d'un Super Mario Sunshine en son temps, où Mario était privé du jetpack constituant l'élément moteur de gameplay du titre, Kat n'est jamais aussi frustrante à manier que lorsqu'elle ne peut que se diriger (à une vitesse pas toujours bien dosée) ou sauter avec un manque de précision parfois assez irritant. On pardonne sans difficulté la complexité du maniement des pouvoirs gravitationnels, uniques en leur genre et sur lesquels les développeurs ont fait plus que ce qu'ils pouvaient, mais on peste beaucoup plus sur des passages plus classiques, qui devraient être simples mais ne le sont pas. Il en va de même pour les rares séquences orientées plate-forme où la caméra (difficile à tenir lorsque la gravité part en vrille, mais encore une fois cela se légitime) n'est pas à la hauteur de la précision espérée. De fait, Gravity Rush 2 pêche un poil trop souvent au niveau de la maniabilité, et de soucis de caméra quand même assez pénalisants pour un jeu en trois dimensions aussi ouvert et dynamique. C'est l'un de ses rares mauvais points, et il est dommage de constater qu'avec de nouvelles possibilités de gameplay, pas grand-chose n'a évolué en près de cinq ans depuis un épisode initial quand même sorti sur une console portable tout juste lancée sur le marché.

 

 

Puisqu'on en est dans la distributions de mauvais points, évoquons pêle-mêle les détails qui font tache dans ce Gravity Rush 2. Aussi fun et agréable soit ce nouveau titre, il convient hélas de souligner avec objectivité tout un tas de défauts plus ou moins agaçants, qui pour la plupart relèvent de la technique pure. Si on veut bêtement chipoter, on s'attardera sur la feature aussi improbable qu'inutile que constitue la vue subjective : autant c'est bien foutu et il n'est pas désagréable de se balader tranquillement dans les rues d'un quartier avec cet angle de vue, autant c'est évidemment complètement injouable dès qu'on se met à jouer avec la gravité ou qu'on veut se lancer dans un combat. Le jeu n'étant de toute évidence pas pensé pour accueillir une version compatible PlayStation VR (et je ne vous dis pas les nausées au bout de deux minutes avec un tel titre…), on se demande un peu quelle est la pertinence d'un tel ajout. Cela constitue d'ailleurs le seul nouvel élément complètement discutable de ce nouvel opus. Le reste des nouveautés est au mieux pas toujours bien optimisé (les nouveaux pouvoirs sont intéressants, mais leur maîtrise demeure assez perfectible), mais toujours plutôt pertinent. D'un point de vue purement technique, Gravity Rush 2 est finalement limité à 30 images par seconde, aussi bien sur une PS4 normale que sur une version "Pro" (ce qui laisse toujours aussi dubitatif quand à la réelle utilité de cette version avancée de la console, soit dit en passant). À titre personnel, je préfère ce type de framerate pour des titres très cinématiques comme Uncharted 4 par exemple, mais un jeu d'action-aventure très "cartoon" et plein de dynamisme comme l'est Gravity Rush aurait mérité un peu plus de vivacité. Sans exiger forcément 60fps constants, peut-être pouvait-on espérer un peu plus… mais on atteint ici un niveau d'exigence pas spécialement objectif, et concrètement, les 30fps de Gravity Rush 2 sont tout à fait appréciables. Il n'y a que les chutes de framerate assez violentes lors de séquences un peu blindées d'animations en tous genres à l'écran qui peuvent faire grincer des dents. En fait, c'est plutôt du côté de l'étrange cache-misère très "silenthillesque" qu'il faut chercher de quoi vraiment râler : c'est sous forme de nombreux nuages (plutôt logiques au vu du côté céleste de l'environnement…) que Japan Studio trouve le moyen de masquer une distance d'affichage régulièrement aux fraises. Mais là encore, ce n'est pas le plus gênant : on pestera plutôt contre les affichages extrêmement tardifs de nombreuses textures, notamment lorsqu'on se rapproche du sol à toute vitesse. Gravity Rush demeure un vrai défi technique et souffre de fait de limites régulières qu'on pardonnait aisément en 2012 sur PSVita, mais qui incitent beaucoup moins à l'indulgence en 2017 sur une PS4 normalement maîtrisée par le studio.

 

 

 

 

Quand le chat devient panthère…

 

 

Cette petite série de points noirs, sur lesquels on ne peut clairement pas faire l'impasse, pourrait quelque peu entacher l'expérience d'un titre dont on aurait pu attendre un peu plus de maîtrise, comme évoqué précédemment. Concrètement, Gravity Rush 2 ne partage pas vraiment de défauts avec son aîné, et serait plutôt du genre à en rencontrer de nouveaux. Fort heureusement, aucun n'est vraiment très pénalisant et ne vient grossièrement noircir un très joli tableau. Surtout, à moins d'être complètement hermétique au concept de gameplay de base ou à son environnement, il est de ces titres qu'on ne lâche plus une fois dedans. Reste que ce second épisode s'adresse énormément aux fans de la première heure, ce qui peut autant constituer une force qu'une faiblesse. Fan-service à outrance, retrouvailles avec des personnages sympathiques du premier volet, Gravity Rush 2 est tout simplement la suite qu'attendaient tous les joueurs ayant apprécié l'opus d'origine sur PSVita (ou découvert tardivement avec le même plaisir sur PS4 via le remaster). Les quelques cinématiques ne viennent clairement pas suppléer les phases de dialogue façon bande dessinée, qui faisaient partie du charme irrésistible de Gravity Rush, et sont toujours aussi bien fichues et amusantes. Tout juste pourra-t-on déplorer que la VF (à l'écrit uniquement) souffre d'étonnantes imperfections grammaticales et de traduction, ou encore regretter que les expressions de Kat, Syd, Raven… soient reprises à l'identique sur les modèles du premier volet. Comme évoqué plus haut, tout l'aspect narratif de cette suite est franchement réussi, introduisant de nouveaux personnages charismatiques et/ou marquants (Lisa, Vogo, Kali…) au design inspiré et aux destinées vraiment intéressantes à suivre. En outre, comme espéré via les nombreux trailers du jeu, Raven joue un rôle plus important, et l'histoire prend davantage le temps de s'attarder sur le background de Kat, répondant à tout un tas de questions, y compris les nouvelles apparaissant au fil d'un scénario qui aurait pu sembler décousu s'il n'était pas en fin de compte tout à fait correctement ficelé. Et ce quitte à partir dans le grand n'importe quoi de temps en temps : Gravity Rush reste un bon gros délire nippon typique sur pas mal de points, sans pour autant sombrer dans des clichés qui auraient pu irriter à force. En terme de fond, du character design aux subtilités du synopsis, ce titre garde finalement plutôt les pieds sur terre sans trop jouer les tête-en-l'air, un comble pour une production dont le concept est de se jouer pourtant de toute notion d'équilibre.

 

 

Afin de pousser le plus loin possible l'évolution de Kat et une maîtrise améliorée de ses incroyables pouvoirs, Japan Studio a choisi de lui en offrir de nouveaux. À travers une utilisation pas très précise (pour ne pas dire hasardeuse) du pavé tactile de la Dual Shock 4, notre héroïne peut désormais alterner avec deux "styles" – lunaire et Jupiter – lui permettant d'être soit beaucoup plus légère, soit plus lourde, avec les avantages et inconvénients qui en découlent. Si le style Jupiter permet à la Reine de la Gravité de bénéficier d'une puissance plus brute dans ses différents coups, son maniement s'en voit plus lourd et les sauts très limités. À l'inverse, le style lunaire, qui pour le coup porte carrément bien son nom, la rend capable d'effectuer d'incroyables sauts et d'atteindre plus rapidement des ennemis véloces et difficiles à atteindre en temps normal. Cette dernière maniabilité, assez compliquée à maîtriser, pourrait par ailleurs presque passer pour une critique des fameuses jouabilités dites "lunaires" de nombreux jeux de plate-forme sur ces deux dernières générations de consoles. Mais surtout, dans les deux cas, on se dit que c'est cool, spectaculaire, mais d'une accessibilité quelque peu discutable, et pas toujours évident à maîtriser… et ce n'est pas la seule nouveauté de gameplay qui, après coup, puisse faire débat. En effet, à ce niveau, on peut quelque peu critiquer l'arrivée des talismans. Le concept de collecte, de fusion (et d'échange auprès de l'oracle Pandore) des talismans n'est pas extraordinairement bien expliqué, et surtout, on ne ressent pas spécialement leur effet sur la puissance et la résistance de Kat. La bonne vieille amélioration de pouvoirs passant par le même système de collecte de gemmes qu'en 2012 remplit toujours aussi bien son rôle, et cet ajout certes sympathique semble en fin de compte plus décoratif que vraiment utile. Peut-être suis-je personnellement passé à côté de leur potentiel, c'est possible ; toutefois, à aucun instant cette fonctionnalité ne m'a paru réellement vitale pour progresser avec plus d'efficacité. D'ailleurs, à ce sujet, Gravity Rush 2 propose trois modes de difficulté classiques, le normal semblant clairement correspondre à l'expérience du premier opus. Certains combats en fin de jeu sont un peu longuets et feront connaître quelques échecs (la faute notamment à des fragments d'énergie souvent mal placés ou très peu présents), mais aucun défi n'est vraiment insurmontable, surtout qu'un super pouvoir complètement fou apparaissant dans la dernière partie du jeu peut parfois inverser subitement la tendance en faveur d'une Kat bien mal embarquée.

 

 

Doté d'une durée de vie solide, offrant sa dose de challenge une fois que l'on s'attelle aux traditionnels défis généreux en gemmes précieuses (à condition de décrocher l'or, bien entendu), Gravity Rush 2 est un titre bien plus complet que son prédécesseur, dont il est plus que le digne héritier. On l'a déjà évoqué, mais l'univers conçu par Japan Studio invite vraiment à l'exploration et à l'accomplissement des nombreux défis et quêtes annexes proposées. Vraiment très joli, inspiré et original dans son design, et exploitant bien plus de palettes de couleur qu'un premier volet un poil trop cantonné à certaines teintes spécifiques, celui que la PSVita pleurera de ne jamais connaître nous plonge également dans une ambiance musicale d'exception. On avait déjà énormément apprécié l'œuvre de Kohei Tanaka entre rock endiablé, atmosphères jazzy de folie, thèmes orchestraux, mélodies électroniques soit ambiantes soit presque techno… Très peu de titres avaient fouillé autant de répertoires musicaux différents avec un tel panache que Gravity Rush. Eh bien, le couvert est ici remis avec brio : on retrouve quelques compositions à l'instrumentalisation ou au tempo revus, mais surtout, les styles explorés sont revisités dans de nouveaux morceaux inspirés, marquants, envoûtants, ou touchants. Le travail effectué est original, puise assez peu son inspiration dans d'autres classiques du jeu vidéo, un peu à l'image de la "marque" Gravity Rush dans son ensemble finalement : c'est un style global unique qui est créé ici, et à part peut-être une ou deux mélodies familières (le thème de Bismalia rappelle un peu l'ascension de la tour Shinra dans Final Fantasy VII), c'est une bande son terriblement réussie que signe Tanaka pour la seconde fois de suite. À une très forte identité visuelle s'ajoute également une personnalité musicale hors du commun, faisant de Gravity Rush 2 un accomplissement artistique dont on ne doutait de toute façon pas une seconde. Restait à appliquer au charme évident de la forme la solidité du fond, et dans l'ensemble, malgré les défauts évoqués çà et là, la synergie s'effectue plutôt bien, et la magie globale opère comme au premier jour, mais dans un environnement bien plus vaste, et beaucoup plus de possibilités. Reste à voir si l'ensemble aide à pardonner tout un tas d'imperfections qui pourraient faire rager les plus exigeants…

 

 

 

 

Il y a un peu deux façons de voir Gravity Rush 2. L'une, indulgente et passionnée, tend à s'émerveiller devant un titre très riche à la direction artistique exceptionnelle, qui satisfait la plupart de ses ambitions, pardonnant aisément les quelques difficultés qu'il peut rencontrer. L'autre, bien plus intransigeante et peut-être plus objective, viserait plutôt à faire preuve d'un peu de retenue en grattant le vernis magnifique d'une production pleine de petits défauts qui enrayent une formidable machine. Dans les deux cas, c'est en grande partie la connaissance de l'univers de Gravity Rush qui jouera sur l'appréciation finale. Résolument pensée pour les fans du premier volet, cette suite s'adresse en effet un petit peu trop à eux, et les plus exigeants se plaindront quelque peu d'une création qui n'a pas retenu toutes les leçons de sa grande sœur, malgré le cap technique et les années traversées. Seulement, si l'on fait abstraction d'une accessibilité potentiellement très délicate pour les novices, un verdict indéniable s'impose : Gravity Rush 2 est une suite d'excellente facture dont les errances sont bien trop peu pénalisantes, et tant pis si elles semblent se cumuler un peu trop sur la globalité. À aucun moment, elles ne viennent se regrouper pour entacher une création qui ne mise absolument pas que sur sa magie audiovisuelle pour séduire. À travers une aventure riche en rebondissements, d'une longueur très respectable et qui apporte son lot de réponses inattendues aux fans de la première heure, la nouvelle (et dernière ?) aventure de Kat se montre tour à tour mystérieuse, enivrante, émouvante et pleine de vitalité. Malgré leur relative perfectibilité, les nouveautés de gameplay constituent des efforts non négligeables dans un jeu qui relève toujours autant du défi technique, et comme le tout prend forme dans un univers au design hors du commun et merveilleusement construit, on ne peut que se lancer avec enthousiasme dans ce titre accrocheur, solide et très complet sur la durée, peu importent ses imperfections rarement dérangeantes. Reste l'éternel problème du public visé : si vous ne connaissez pas Gravity Rush, il sera plus que recommandé de faire vos armes sur le premier opus, en remasterisé tant qu'à faire ; si vous l'avez déjà fait, et que le concept et la direction artistique vous ont tapé dans l'œil, la probabilité que cette suite vous déplaise est très, très faible. Une possible révélation pour les novices, un accomplissement quasi assuré pour les fans : Gravity Rush 2 est tout simplement la suite qu'on espérait, et il faudrait être d'une exigence vraiment extrême pour ne pas y voir un successeur de haute volée.



J'ai adoré / aimé :


+ Gros espace de jeu, coloré, dynamique, sympa à explorer

+ Un véritable génie architectural comme rarement vu dans un jeu vidéo

+ La bande son aussi géniale et inspirée que dans le premier opus

+ Les cut-scenes sous forme de "visual novel", toujours cool et pleines d'humour

+ Beaucoup plus de variété que dans son aîné

+ Les nouveaux pouvoirs envoient du bois

+ Raven et les séquences l'impliquant à fond

+ Les personnages en général

+ Du fan service en veux-tu en voilà

+ Épilogue vraiment surprenant

+ Grosse durée de vie sans trop de répétitivité

+ Finalement, le 30fps ça passe…

 


J'ai détesté / pas aimé :

 

- … mais en 60fps ça aurait VRAIMENT tabassé (même si c'est chipoter)

- Chutes de framerate assez violentes quand c'est le foutoir à l'écran

- La vue FPS : okay c'est bien foutu, mais juste… pourquoi ?

- Caméra qui rend dingue dans les petits espaces ou lors de certains combats

- Maîtrise assez confuse de pas mal d'éléments de gameplay

- Jouabilité moyenne et frustrante lors des phases sans pouvoir

- Distance d'affichage pas folle même si habilement contournée

- Phases d'infiltration exigeantes dans le mauvais sens du terme

- Quelques missions inutilement à rallonge

- Des longueurs perfectibles dans le scénario

- De drôles d'erreurs de traduction ou de grammaire dans les textes français

- Pas terrible pour les joueurs qui n'ont jamais touché au premier volet

 

 

 

 

11 avril 2017 – Note sur le DLC :

 

C'est assez rare pour être signalé mais je me permets un petit addenda à un de mes articles, pour évoquer le DLC du jeu ici testé. Suite à ses reports, Gravity Rush 2 s'est vu offrir une promotion de taille sur le contenu additionnel dédié à Raven (dont le tarif initialement prévu n'était pas connu, mais vraisemblablement envisagé autour des 10 €). En effet, Sony l'a rendu tout simplement gratuit, un peu comme le fit Ubisoft avec Dead Kings, l'extension initialement payante prévue pour Assassin's Creed Unity. C'était donc l'occasion de s'y frotter et de rajouter ce petit supplément en fin d'article.

 

Une autre histoire : L'arche du temps – Le choix de Raven (c'est son nom complet…), publié un peu plus de deux mois après la sortie du jeu, était annoncé par Keiichiro Toyama comme un complément axé sur Raven exclusivement et ayant pour objectif de poursuivre "l'arc narratif laissé en suspens à la fin du premier Gravity Rush" (sic). Le créateur de la série, qui rappelons-le est également derrière les licences Silent Hill et Forbidden Siren, promettait également environ 5 heures en prenant son temps. Seulement voilà, cette promesse s'avère bien généreuse : ce DLC se boucle en 2, voire 3 heures en étant "complétioniste", avec un rythme inégal et pas mal de longueurs, et a tendance à apporter davantage de questions que de réponses. Situé davantage dans la timeline du premier volet, ce DLC ne permet d'explorer que Hekseville, si toutefois on peut parler d'exploration.

 

À part une pauvre collection annexe de souvenirs qui n'apporte rien, le personnage de Raven n'évolue pas, ne dispose que de deux pouvoirs exclusifs qui demeurent identiques du début à la fin en terme de puissance, et ne s'avèrent pas franchement transcendants. On progresse au travers d'une structure totalement linéaire où le monde ouvert que constitue le monde de Gravity Rush 2 n'est que tristement chimérique, et si le plaisir de retrouver le style propre à la série est forcément là, le sentiment de nouveauté propre au contrôle de Raven s'en trouve finalement assez bridé. Quant à l'aspect scénaristique, s'il ouvre quelques nouvelles portes, on est clairement dans la sous-exploitation et le questionnement supplémentaire (je n'en dirai pas davantage pour éviter tout spoil, mais on pouvait clairement espérer mieux).

 

En fin de compte, certes, c'est gratuit, mais était-ce une raison pour livrer un DLC aussi moyen dans l'ensemble ? Rien n'est moins sûr. Et quand on sait que c'est très probablement ainsi que se refermera la série, on est en droit d'être un minimum déçu, plaisir prolongé (quoique…) ou pas.

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