Lorsque l'on demande aux possesseurs de Xbox One, souvent discrets à ce sujet (ce qui, hélas, peut se comprendre), quelle est l'exclusivité majeure d'une machine souvent critiquée pour en manquer, une réponse revient quasi systématiquement. De plus, elle s'accorde parfaitement avec celle des joueurs ne disposant pas de la console de Microsoft lorsqu'on les sonde au sujet du titre qu'ils leur envient ; et pour cause, il s'agit de Forza Horizon 3. Oui, l'exclusivité Microsoft la plus acclamée depuis un peu plus d'un an et demi est un jeu de voitures, et cela n'a rien d'une blague pouvant faire sourire les mauvaises langues. Si les Halo et Gears of War convainquent toujours plus ou moins leurs fanbases respectives sur cette génération, c'est bien du côté de la licence Forza que se situe la vraie force de frappe de la marque Xbox depuis quelques années, et pas seulement parce qu'en face, Gran Turismo vieillit et fait grise mine… Retour sur un titre complet, doté de deux contenus additionnels un minimum conséquents, et dont il était grand temps que je fasse un tour d'horizon (hihi) détaillé sur ce site.
Note sur les conditions de jeu :
De mon acquisition d'un exemplaire physique du jeu fin 2016 jusqu'à mes derniers tours de roue sur le second contenu addtionnel, c'est intégralement sur Xbox One S que j'ai pu faire l'expérience de Forza Horizon 3 et de ses deux DLC Blizzard Mountain et Hot Wheels, également obtenus par mes soins à la grâce des promos Xbox Live Gold. L'intégralité des captures d'écran proposées a été réalisée par mes soins.
La Forza tranquille
Avec l'annonce puis le succès indéniable d'un Forza Horizon 2 très apprécié en 2014 (sur Xbox One, la version Xbox 360 étant à enfermer au placard à double tour après en avoir jeté la clé), il devenait évident que Microsoft allait renouveler son cycle de production visant à alterner entre un épisode "simulation" (la série-mère Forza Motorsport) les années impaires, et un épisode "arcade" (Forza Horizon donc) les années paires. Si l'on pouvait s'inquiéter d'un rythme de production aussi élevé du côté de Turn 10 et Playground Games, force fut de constater que jamais, en cinq années consécutives pour tout autant d'épisodes de "Forza", la série ne déclina ne serait-ce qu'une fois. Tout juste Forza Motorsport 5, fer de lance du line-up de la Xbox One à son lancement, reçut des critiques un peu moins élogieuses que d'ordinaire, la faute notamment à un contenu un peu chiche justifiable probablement par l'urgence de sa sortie. En attendant, le travail réalisé par Playground, en collaboration avec Turn 10 dont Forza demeure le bébé, avait largement séduit les joueurs en manque de jeu de course s'éloignant de la simulation pure et dure proposée par "FM". Face à l'absence prolongée de Burnout ou de Driver, au manque de renouvellement et de panache des Need for Speed, ou encore faute de coup de cœur pour The Crew, l'écosystème Xbox disposait d'une licence appréciée des joueurs et très maîtrisée à défaut d'être incroyablement novatrice.
En confirmant lors de l'E3 2016 les rumeurs aux allures d'évidence d'un Forza Horizon 3 pour l'automne à venir, ainsi que sa destination plusieurs fois évoquée (l'Australie, un territoire qui m'a toujours fasciné personnellement), Microsoft s'offrait alors une bonne raison de rallier à sa cause bon nombre de fans de jeux de caisse en manque, et de garder sous son aile celles et ceux qu'il avait déjà réussi à séduire (dont votre serviteur). À travers une bande-annonce explosive mêlant le prestige et l'élégance de supercars de luxe à la conduite racée en milieu urbain et sur des voies rapides, et l'aspect plus sauvage et brut de buggies désarticulés en pleine jungle (coucou MotorStorm Pacific Rift !), "FH3" témoignait on ne peut mieux de l'expérience entre simulation et arcade qu'il souhaitait offrir aux joueurs. Superbe, marquant, et clair d'entrée sur ses intentions (à l'opposé d'un Gran Turismo Sport toujours retardé à l'époque, et qui n'allait finalement sortir qu'un an après encore !), ce nouveau Forza au pays des kangourous semblait parti pour être un très bon voire excellent titre de plus au sein d'une série qui n'en manque pas, et faire figure de référence en son genre sur une Xbox One ayant une longueur d'avance sur la concurrence en terme de jeux de course automobile, manette de génie à l'appui. Restait néanmoins à voir si ce troisième Horizon, au-delà de promesses esthétiques très probablement tenues, avait ce petit truc en plus faisant de lui un grand jeu, pour ne pas dire, un system seller.
Drifters Paradise
Une fois n'est pas coutume, je ne vais pas spécialement chercher à vous convaincre de la qualité d'un titre à travers une review interminable. Tout d'abord parce que Forza Horizon 3 est sorti il y a plus d'un an et demi, ensuite car l'annonce d'un quatrième volet (au Japon ?) devrait probablement avoir lieu dans un mois et demi lors de la conférence Microsoft au prochain E3, mais aussi parce qu'il est de ces jeux globalement encensés sur lesquels tout a quasiment été dit. Cependant, une fois le solo exploré et complété dans ses grandes largeurs (une soixantaine d'heures de jeu à mon actif dessus), et ses contenus additionnels expérimentés en conséquence là aussi, il se trouve que "FH3" est un jeu sur lequel je souhaitais un peu revenir. À titre purement personnel, j'aime à le considérer comme le meilleur jeu de bagnoles de l'ère HD, sur lequel j'ai le plus pris mon pied, mais surtout, me suis amusé, évadé, et vécu une véritable "aventure automobile" en toute liberté comme aucun titre du genre ne m'avait semblé le permettre jusqu'ici. Comprenez bien que Forza Motorsport et même Gran Turismo, que j'adulais pourtant par le passé, sont des jeux vidéo exigeants et sérieux qui requièrent un investissement sur le long terme, et beaucoup de patience, et que ce temps, je ne l'ai plus vraiment – ou alors, je souhaite le consacrer à des jeux d'aventure complets et épiques. Lorsque vient l'heure de conduire un véhicule et d'oublier ce bien triste sentiment que je ne pourrai jamais le faire "dans la vraie vie", ce n'est plus à la chasse aux chronos et aux améliorations mécaniques millimétrées que j'ai envie de m'adonner. Je veux conduire rapidement le modèle qui m'intéresse, librement, me balader avec, explorer un monde ouvert vivant et fidèlement reconstitué au volant d'une voiture de rêve. Et comme je suis particulièrement compliqué comme type, je ne souhaite pas faire n'importe quoi non plus : je ressens la nécessité d'expérimenter une conduite un minimum précise, pas trop arcade mais suffisamment pour m'amuser quand même. Ce que Forza Horizon sait tout simplement mieux proposer que quiconque.
Conduire à toute vitesse dans des rues ou des espaces plus sauvages, exécuter des dérapages stylés (le sacro-saint drift indispensable à toute phase de scoring dans un jeu de caisses moderne !), prendre son élan sur une rampe pour effectuer une cascade ou un saut en longueur… bon nombre de productions du style se le sont permis. Pourtant, à travers ses innombrables défis répartis sur une carte aussi immense que sublime et passionnante à parcourir, "FH3" se démarque de la concurrence, et améliore même sa propre formule. Doté d'une précision de pilotage impressionnante pour un titre résolument orienté arcade dans l'esprit (et à la permissivité hors-piste limitée juste comme il faut), le troisième jeu de Playground permet d'exaucer les fantasmes au volant d'un paquet de joueurs parfois frustrés par le temps de jeu requis avant de pouvoir s'amuser autant. Au volant, ou plutôt devrais-je dire au pad, puisqu'une fois de plus la manette Xbox One fait merveille en terme de sensations. Et que dire du pad Elite, où rajouter une palette à activer au majeur permet à volonté de claquer de gros coups de frein à main pour s'offrir des 360° dantesques en Lamborghini Centenario à plus de 300 à l'heure sur une autoroute bordée par le bush australien, un incroyable soleil couchant en fond… de quoi enchaîner les prouesses, multiplier les points d'expérience et améliorer ses scores à l'infini sans jamais s'en lasser, sur chacune des près de 500 routes (et bouts de routes) constituant ce morceau d'Australie virtuelle. Forza Horizon 3 est une superbe ode à la liberté de conduire et d'explorer un univers magnifique à bord de très nombreux véhicules sous licence fidèlement modélisés, et que son (évident) mode photo sublimera pour le plus grand plaisir. À noter que ce dernier ne "booste" pas la qualité graphique du jeu et retranscrit, si vous n'utilisez aucun des filtres proposés, l'exactitude des graphismes in-game.
En plus de proposer un mode "festival" séduisant sur la durée et renforçant le sentiment de liberté (le scénario nous met dans la peau d'un pilote accessoirement "boss du festival", qui l'organise donc à volonté), et d'avoir magnifiquement rempli sa map de défis en tous genres (poursuite, épreuve chronométrée, vitesse moyenne sur un tronçon, franchissement de radars, cascades, zones de drift, etc.) et de très nombreuses courses et championnats (largement personnalisables), Playground a également choisi d'inscrire celle-ci dans un cadre absolument fascinant. La côte sud-est de l'Australie (où on roule à gauche !) ici reproduite est un régal pour les mirettes, de la ville très "américaine" de Surfers Paradise aux lacs roses en passant par de superbes bords de mer aux plages de sable fin, des forêts et jungles luxuriantes, et un désert taillé sur mesure pour les pointes de vitesse. En plus de remplir les innombrables objectifs et de partir à la recherche (pas assistée pour un sou) des panneaux bonus bien planqués à travers toute la carte, ou de granges contenant un véhicule unique caché, Forza Horizon 3 nous invite tout simplement à nous balader, à explorer, peu importe le véhicule utilisé… jusqu'à croiser un point d'intérêt, voire un "Drivatar" à affronter, témoin de la dimension communautaire forte d'un titre également très soigné sur le plan du multijoueur en ligne. Système de clubs, compétitions personnalisées (même en solo, d'ailleurs), comparaison avec les exploits de ses amis sur chaque défi… "FH3" est formidablement complet et ne donne jamais l'impression de privilégier le multijoueur aux yeux de pilotes qui espèrent un solo conséquent – l'auteur de ces lignes en tête. Un véritable bonheur tant le titre de Playground – qui, ne l'oublions pas, exploite avec une rare finesse technique le matériel mis à disposition par Turn 10 – semble ne rien négliger et avoir été travaillé dans les moindres détails.
Une fois votre voiture choisie parmi un nombre élevé de modèles de tous styles – et de toutes les époques – et modifiée selon vos besoins, grâce à des crédits dont l'acquisition se fait assez aisément, vous pouvez arpenter librement une Australie sauvage et fascinante sur fond de musique classique pour donner un côté encore plus grandiose à vos épopées sur quatre roues. "Timeless FM", puisque c'est ainsi qu'elle se nomme, est en effet la station radio la plus chouette à mettre en fond et de loin, passant en boucle de grands moments du genre donnant une dimension grandiloquente à votre conduite et à l'admiration des paysages. Beethoven, Strauss, Verdi, Tchaikovski, Brahms, Dvorak, Mozart… il manque peut-être juste une Chevauchée des Walkyries de Wagner (hélas déjà présente dans "FH2" !) pour atteindre la perfection au niveau de cette sélection grandiose et purement épique. Les autres stations, hélas, sont un peu plus en retrait, même côté electro où, à titre personnel, j'ai le sentiment d'avoir été habitué à mieux (même si le thème de l'écran-titre par Dusky tabasse, et qu'il est cool de retrouver Justice ou CHVRCHES dans la sélection). Si l'on veut se montrer très sévère et estimer que le relatif déséquilibre dans la qualité des radios constitue un des points faibles de "FH3", c'est aussi parce qu'on a bien du mal à en trouver d'autres. Certes, les plus exigeants regretteront le framerate verrouillé à 30fps (surtout sur Xbox One X en fait), ce qui peut néanmoins se comprendre de par les dimensions d'un environnement ouvert d'un seul bloc et extrêmement riche, qui ne subit par ailleurs aucune chute de framerate en condtions de pluie (où le réalisme est, comme le reste du temps, absolument saisissant) ; ou encore les freezes un peu plus grossiers, parfois à très vive allure, qui peuvent faire grincer des dents et donner l'impression que la console donne tout ce qu'elle a. Cependant, dans l'ensemble, aucune imperfection technique ne semble venir gâcher un ensemble d'une incroyable propreté, qui renforce la qualité d'une expérience de conduite libre jamais atteinte dans de telles proportions. Et c'est simple, côté défauts, c'est à peu près tout… du moins sur le jeu de base.
Montagnes glaciales et roues brûlantes
Je l'admets, cette dernière réflexion laisse supposer que les DLC de Forza Horizon 3 représentent une faiblesse tout aussi facultative qu'irritante. En vérité, autant vous rassurer : seule leur facturation dérange véritablement. S'ils sont vendus chacun à un tarif démesurément élevé de base (20 € chacun), ces deux contenus additionnels en complètent l'expérience de façon aussi durable que séduisante. D'abord, ils jouent la carte non pas de la complétion de l'univers mais du prolongement, offrant tout simplement chacun une nouvelle map au style exclusif et très bien fichu. Blizzard Mountain, la première de ces deux extensions, nous fait visiter les sommets enneigés de montagnes que le jeu de base nous laisse vaguement envisager, et fait donc la part belle aux voitures de rallye et autres 4x4. En dopant quelque peu une bonne vieille Audi Quattro pour en faire un monstre de la course de côte (et se la jouer Pikes Peak sur neige), c'est une toute nouvelle facette de "FH3" que Playground nous amène à explorer. Si aucun véritable nouveau type de véhicule n'est proposé, et que les radios demeurent strictement identiques (c'est donc reparti pour des pointes à 250 km/h dans une tempête de neige sur fond de Dies Irae…), la nouvelle zone à explorer est magnifique et propose de nouvelles pistes de gameplay, intégrant notamment les pneus neige et le fameux blizzard rendant la conduite particulièrement complexe. Alors certes, les défis proposés (cascades, zones de drift, radars…) et le système de panneaux bonus ne connaissent pas de réel renouvellement, mais on se prend toujours autant au jeu avec une insolente facilité et un plaisir de jeu intact. Rajoutant une bonne dizaine d'heures à un titre qui en occupe déjà bien entre 50 et 100 en fonction de votre addiction, Blizzard Moutain est un add-on d'excellente facture (sauf peut-être celle fournie en caisse) qui fera tout sauf jeter un froid.
Par la suite, une autre extension (cette fois-ci badgée Hot Wheels) fit son apparition, et j'admets m'être montré bien plus dubitatif à son sujet. La perspective de retrouver un environnement relativement urbain, basé sur une ville aux buildings ultramodernes en bord de mer s'inspirant avec une paresse relative de Surfers Paradise (mais différente de celle du jeu de base), et entouré de grandes voies aériennes aux innombrables loopings, ne m'emballait initialement que très modérément. En fin de compte, même si ce second DLC me semble bien plus dispensable que Blizzard Moutain, il y a fort à parier qu'on y trouvera son compte si l'on souhaite expérimenter des sensations de vitesse incroyables sur des tracés à la WipeOut ou F-Zero, sans jamais dépasser les 350 à 400 km/h pour autant. Les habituels défis sont de retour, et on pourra de nouveau compter sur près de dix heures de jeu supplémentaires, extrêmement orientées arcade pour le coup (avec des zones de boost type nitro avant d'entamer les plus beaux loopings de cette nouvelle carte), dont on ne pourra peut-être que déplorer une esthétique et des comportements physiques manquant forcément un peu de réalisme. Cependant, on s'amuse, ça change un peu de la recette originale, ça reste surtout maîtrisé, et là aussi, le plaisir est globalement prolongé. Hormis le prix clairement abusif, pourquoi s'en plaindre, en fin de compte…
Forza Horizon 3 a été très largement acclamé, et ce n'est pas un hasard. En ressentant à travers des dizaines d'heures une expérience extrêmement riche et prenante de conduite automobile virtuelle dans tout ce qu'elle peut proposer de mieux, on a l'impression de faire face au jeu le plus complet et le mieux équilibré dans un genre qui se montre souvent trop rigide et fermé (via les simulations pures et dures) ou trop délirant et pas assez immersif (au travers des titres arcade plus nerveux). Playground achève ici une progression parfaite de trois épisodes prenant de plus en plus l'avantage sur la série-mère Motorsport pour proposer ce qui est devenu le meilleur Forza et tout simplement le meilleur jeu de course existant sur consoles (et PC, du coup). Terriblement vaste et passionnant à explorer, quasiment jamais mis à mal techniquement, doté d'un contenu immense (et prolongé par deux extensions dans l'ensemble très convaincantes) aussi bien en solo qu'en multi, il est quasi garanti de succomber à ce roadtrip australien au volant de centaines de véhicules largement personnalisables, sublimées par une finition exemplaire. "FH3" est immense, superbe, immersif au possible, se renouvelle merveilleusement, et à travers la liberté incroyable qu'il propose, aucun doute n'est permis : si vous voulez vous amuser et vous évader à bord d'un engin motorisé à quatre roues, c'est le jeu vidéo qu'il vous faut – quitte, à défaut de posséder la machine assez gourmande pour le faire tourner correctement, à acheter une Xbox One juste pour ça. Oui, Forza Horizon 3 a tout du system-seller, et il serait du meilleur ton que Sony offre enfin à la marque PlayStation un jeu du niveau d'une franchise qui ne cesse de creuser son avance dans le domaine, car à l'heure actuelle, Forza est sans rival. Et Horizon probablement encore moins.
J'ai adoré / aimé :
+ Concept de festival (et progression associée) toujours d'excellente facture
+ Une équilibre entre pilotage pointu et gameplay arcade absolument parfait
+ Contenu très solide et au renouvellement quasi permanent
+ Extrêmement riche en solo comme en multi, ça fait plaisir
+ Modélisation fantastique des véhicules et des environnements
+ La météo dynamique, ultra réaliste et vraiment magnifique
+ Beaucoup de personnalisation, renforçant le sentiment de liberté
+ Une impression très forte de jouer au jeu de voitures ultime
+ Bon mode photo qui ne cherche pas à embellir la vraie qualité graphique du jeu
+ Deux contenus additionnels originaux qui complètent bien l'expérience
+ La radio classique, comme dans "FH2", absolument géniale…
J'ai détesté / pas aimé :
– … et les autres très en retrait et oubliables, peut-être sauf côté electro
– Le tarif de base des extensions, trop élevé (les promos étant réservées au Gold…)
– Quelques vilains freezes de 2-3 secondes à très haute vitesse