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Days Gone – 730 jours trop tard ?

Des pavés dans la mer

25 avril 2019

Il y a des projets dont l'annonce ne produit pas forcément la hype escomptée auprès du public, parce que la direction artistique ne fait pas l'unanimité, que le concept n'emballe personne et/ou semble déjà vu et revu, ou encore, le plus souvent, du fait d'un mauvais contexte. Annoncé à l'E3 2016 au milieu d'une conférence PlayStation spectaculaire et mémorable qui révéla également le sublime God of War et l'inattendu Marvel's Spider-Man, Days Gone est un peu de ceux-là. En nous teasant un jeu d'action-aventure axé survie dans un monde ouvert rempli de zombies, Sony nous donnait l'impression de quelque chose de réchauffé, de trop connu d'avance, même si à l'heure où The Last of Us Part II n'était pas encore officialisé, on pouvait être tenté(e) de se dire "allez, pourquoi pas, sur cette génération on n'a pas encore vraiment de jeu de ce type". En tout cas pas sur PlayStation, et ce n'était pas du côté de State of Decay 2, chez "l'ennemi" Xbox, qu'un rival de poids risquait de se trouver. Maintes fois retardé, mis à disposition pour le grand public près de trois ans après son annonce (et autant d'E3, ce qui n'est pas toujours bon signe), à un moment où presque plus personne ne l'attend et/ou n'en a besoin, Days Gone a-t-il laissé s'écouler beaucoup trop de jours ou peut-il encore nous surprendre, en bénéficiant d'une période de vaches maigres pouvant jouer en sa faveur, voire de la tolérance envers Sony Bend, studio novice à ce niveau ?


 

Note sur les conditions de jeu :

 

Cet article a été rédigé suite à une partie complétée de plusieurs dizaines d'heures de jeu (estimation personnelle faute d'un compteur explicite à ce sujet) focalisée sur une complétion la plus proche des 100%, ayant réalisé une soluce complète du jeu de Bend Studio pour le compte de jeuxvideo.com. Mon expérience se base sur des sessions exclusivement sur une copie dématérialisée (issue du press kit français fourni par Sony à mon employeur) en version 1.0 puis 1.02 à partir du déploiement de ce premier correctif durant 10 jours, avant l'application du gros patch day one 1.03 de 20 GB. L'intégralité des photos a été prise par mes soins dans l'Oregon avec un appareil Sony capable de faire des photos en 4K, si ça c'est pas de la belle technologie (comprenez donc que j'ai joué au jeu sur Playstation 4 Pro essentiellement, et que les screenshots sont tous de moi). J'en profite enfin pour signaler que ce choix se veut aussi artistique que cohérent, la qualité graphique in-game (en HDR) s'avérant très similaire à celle du mode photo intégré.

 

 

 

 

Oregon Wild

 

 

Le studio Sony Bend, appelé également Bend Studio, fait un peu figure de surprise dans le line-up des développeurs sous contrat avec Sony dans l'histoire de la PlayStation 4. Si tous ceux ayant conçu une exclusivité pour le compte du constructeur durant cette génération avaient déjà eu l'occasion de travailler au moins une fois sur la précédente, première "génération HD" de l'histoire – Naughty Dog, Santa Monica Studio, Guerrilla Games, Quantic Dream, Media Molecule, Sucker Punch, Insomniac Games – l'équipe native de Bend, dans l'Oregon (d'où son nom), n'avait jamais conçu le moindre jeu plus ambitieux d'un point de vue technologique que le très chouette Uncharted: Golden Abyss sur PlayStation Vita, sept ans en arrière déjà. Conceptrice de la saga Syphon Filter sur PlayStation, avant de la porter sur PlayStation 2 et même PlayStation Portable, la petite société avait enchaîné les titres corrects mais sans plus à une époque où les durées de développement étaient bien moins importantes que de nos jours. Quasi essentiellement passé sur du développement PSP alors que la PlayStation 3 faisait entrer Sony Computer Entertainment dans une nouvelle ère, le studio Bend semblait parti pour être une de ces maisons cantonnées à vie à des portages ou projets mineurs, bien que le silence radio l'entourant suite à "Golden Abyss" ait pu légitimement faire espérer quelque chose d'inattendu. C'est finalement ce qui se produisit, un peu à la surprise générale, en pleine conférence Sony durant l'E3 2016, avec l'annonce de Days Gone. Et il faut bien l'avouer : si un nom plus "ronflant" s'était trouvé derrière ce projet aux allures de réchauffé, sa réception aurait été très différente. On ne pouvait en effet qu'être partagé entre deux sentiments : l'inquiétude face à l'évocation d'un studio totalement inexpérimenté en développement de triples A modernes en haute définition et de cette envergure (surtout connaissant l'exigence de qualité de Sony à ce niveau) et une certaine tolérance, uniquement due au manque d'expérience de l'équipe en la matière. Cependant, il y avait aussi de quoi littéralement fusiller tout un studio de passionnés, désireux pour le coup de situer leur nouvelle production dans l'environnement qui leur est cher (l'Oregon), surtout en cette époque où les témoignages sur les conditions de développement particulièrement difficiles dans le milieu du jeu vidéo affluent de toutes parts.

 

 

 

 

Pourtant, s'il y a bien un univers en particulier où les concepteurs de productions vidéoludiques semblent moins concernés par ces histoires de crunch et de dates de sorties intenables les forçant à accoucher de titres mal finis et encore plein de bugs en tous genres, c'est bien la galaxie Sony Interactive Entertainment. Attention, je parle bien ici des studios appartenant au géant de l'industrie et non de ceux indépendants mais ayant pu être sous contrat, comme Quantic Dream (CQFD) ; certes, nous ne sommes pas à l'abri de (tristes) surprises lorsque, par exemple, The Last of Us Part II passera "gold" – et surtout, rassurez-vous, loin de moi l'idée de défendre les pratiques d'un monstre du milieu que je ne peux que vaguement imaginer. Reste que ce qui nous intéresse ici, à savoir le développement de Days Gone, laisse supposer que Bend Studio a eu tout son temps, puisque concevoir son premier jeu en (ultra !) haute définition a pris littéralement six ans, ce qui est colossal. Au cours de la décennie qui s'achève, rares furent les projets de cette dimension, en-dehors peut-être du côté Rockstar (ce qui, j'en conviens, n'est pas du tout la meilleure référence question conditions de travail) ou de Square Enix (pas un modèle non plus, mais pour d'autres raisons) ; et malgré tout, quand on sait combien Sony semble faire confiance à ses studios internes pour ne pas hésiter à reporter un de leurs jeux dans un simple souci de qualité, on est en droit d'espérer que ce délai hors normes trouve davantage sa justification dans des questions de qualité du produit final. Concevoir un monde ouvert massif et, d'après les promesses du studio, un scénario solide et proposant environ six heures de cinématiques et trente de jeu, n'a après tout rien de simple, surtout pour une équipe novice à ce niveau ; alors certes, non, tout ne sera pas pardonné sur la simple base de l'inexpérience, mais il aurait été dommage et sévère de se lancer sur les routes de l'Oregon avec des a priori négatifs (ou au mieux mitigés) de type "encore un jeu de zombies" ou "ça va être la caricature des triples A Sony de la génération". Oui, on est en droit de le penser. Et oui, se limiter à cela serait dommage. Allez, venez avec moi, j'ai une place à l'arrière de ma bécane, et la route va être longue.

 

 

 

 

… and the road becomes my bride

 

 

Avant de chercher à vous faire l'éloge (ou non) de Days Gone, il convient de faire un rapide tour d'horizon du projet global de Bend Studio. Leur dernier-né part effectivement sur des bases terriblement génériques et tapant dans les standards maison de la génération, vu qu'il se présente assez explicitement comme un jeu d'action-aventure à la troisième personne, davantage orienté survie que jeu de tir (façon The Last of Us donc), rempli de ces fameux éléments étiquetés "action-RPG" devenus plus que clichés depuis environ trois ans. Du loot à foison, du craft à gogo passant bien évidemment par une roue des armes gérée au ralenti sans passer par une quelconque pause, de l'XP et des paliers récompensés par des points de compétences visant à améliorer celles du personnage joué (qui a dit Horizon Zero Dawn voire God of War ? toujours pour se cantonner à l'écosystème Sony, bien sûr), des quêtes annexes basées sur des camps à nettoyer pour dévoiler un peu plus la map et ses contenus… vous êtes encore là ? Je comprendrais aisément que vous ayiez déjà fui devant une telle caricature des gros jeux de cette génération, car sur le papier, Days Gone en est une vraie, sans parler de sa thématique post-pandémique vue et revue. Non, une simple horde de zombies d'apparence superbement gérée par la console – si l'on en croit la bande-annonce bien sûr – ne suffira pas à tempérer un quelconque scepticisme, pas davantage que la composante "gestion de la moto et de son essence" rappelant pas mal le Mad Max très correct sorti en 2015. Et enfin, si la perspective d'incarner un biker dans ce qui semble reposer sur un pastiche mal assumé de Sons of Anarchy ne vous emballe pas, je vais effectivement avoir beaucoup de mal à vous convaincre. Reste que le titre de Bend Studio a un avantage, qui joue mine de rien pas mal en sa faveur, à savoir un calendrier de sorties majeures globalement désertique au moment de sa publication, et qui pourrait donner envie de lui laisser sa chance, "histoire de", surtout qu'on semble de plus en plus être sur la dernière vraie grosse exclusivité PlayStation 4 (je mets Dreams délibérément à part) pas partie pour sortir conjointement sur deux générations de consoles en simultané (oui Death Stranding, "TLoU2" ou Ghost of Tsushima, je pense à vous). Alors certes, vous allez me dire "tu bosses dessus donc forcément t'avais envie d'y jouer, nous prends pas pour des jambons" et je vous le concède, cela n'est point faux, mais Days Gone reste un titre que je me serais fait quoi qu'il arrive, car la perspective d'une nouvelle histoire prenante – et potentiellement marquante, qui sait ? – dans un magnifique environnement ouvert me séduisait quand même suffisamment. Et le post-apo, quand c'est bien fichu et immersif, je ne m'en lasse pas.

 

 

 

 

Soyons honnête cependant, Days Gone n'a jamais l'ambition de réinventer la roue, et il conviendra de le juger surtout sur ses prétentions : le jeu de Sony Bend souhaite offrir une aventure dense, longue, éprouvante, bien écrite et qui dépasse largement son étiquette de simple jeu post-apocalyptique de plus. Sans aller jusqu'à prétendre qu'on l'évaluera en priorité sur son scénario et la qualité de sa narration, les attentes étaient un minimum élevées pour un titre supposé s'inscrire dans les standards modernes de Sony et de ses productions très "cinématographiques" depuis la fin de la précédente génération. Pouvait-on rêver d'un The Last of Us en monde ouvert, ou tout du moins, d'une histoire passionnante servie par des personnages charismatiques suscitant un minimum d'empathie ? En mettant beaucoup l'accent sur son protagoniste Deacon St. John – référence aussi malicieuse que claire au bassiste de Queen, soit dit en passant – et vantant les mérites de multiples arcs narratifs imbriqués les uns dans les autres, tournant autour de ce protagoniste unique, les scénaristes de Days Gone lui mettaient également une certaine pression sur les épaules : pouvait-il rivaliser avec des Nathan Drake, Joel, Kratos ou même Aloy ?

 

 

En proposant d'incarner un membre de club de motards dans un univers post-pandémique (littéralement deux ans après la catastrophe, soit 730 jours explicitement mentionnés comme tels dans le menu la première fois qu'on y accède), qui arpentera les routes d'un État que l'on imagine magnifiquement reconstitué (l'Oregon, donc), Bend Studio offre une expérience relativement originale qui, si elle parvient à bien dépeindre la sphère des bikers et réussir le pari de l'immersion dans cet univers pas si souvent exploité dans le jeu vidéo, permettra d'oublier une enveloppe globale sentant le réchauffé. Parce que oui, du post-apocalyptique avec des infectés, on en a vu plus que de raison, et malheureusement, des zones dévastées où la nature reprend ses droits, entremêlées de paysages de forêt et de montagne diablement bien fichus et d'un réalisme bluffant, on commence à bien connaître aussi, depuis The Last of Us. Il est hélas logique de s'inquiéter en premier lieu du manque d'originalité de Days Gone, réellement en quête d'identité, dont on se demande bien ce qu'il pourra apporter, même si son synopsis déboîte. La perspective du titre "à la Sony" de trop est bien réelle, mais il n'y a que manette en mains, et tant qu'à faire dans de bonnes conditions (PS4 Pro, écran 4K HDR 55" et système son 5.1) que l'on saura s'il vaut le coup de gratter sous un vernis certes aguicheur, mais hélas trop connu.

 

 

 

 

Une jolie route (très) accidentée

 

 

Répondons tout d'abord à une première interrogation, la plus superficielle qui soit : oui, Days Gone est joli, voire beau, si ce n'est très beau. Dans sa représentation d'un univers naturel et sauvage, il a notamment de grandes chances de convaincre celles et ceux que l'aspect un peu trop fantastique de Horizon Zero Dawn ou surtout God of War avait pu quelque peu rebuter. Bend Studio connaît à la perfection l'environnement qui entoure la ville qui lui a donné son nom, et cherche à nous faire profiter, avec beaucoup de talent, d'une reconstitution magistrale du nord-ouest américain, tel qu'il serait deux ans après une pandémie sans précédent ayant ravagé l'humanité. À chaque nouveau monde ouvert aussi immense, on se demande toujours comment la limite du photoréalisme sur un espace de jeu aussi vaste pourra être repoussée, et en cette fin de génération, le "jeu de motards" édité par Sony dépasse encore les limites lorsqu'on s'attarde sur les détails de la route (surtout), et la modélisation globale de son environnement. Très joli même sur PS4 "fat", Days Gone donne évidemment tout ce qu'il a en (vraie-fausse) 4K HDR, et la console aussi. Vous m'avez sans doute régulièrement vu me "vanter" de disposer d'une console très silencieuse, même en lui faisant tourner les plus gros mastodontes de la génération, incroyablement gourmands en ressources ; eh bien, figurez-vous que le jeu qui la met à genoux est arrivé.

 

 

Malheureusement, c'est là que les choses se gâtent techniquement, comme si le soufflement puissant de la machine était là pour traduire la peine qu'elle endure pour afficher correctement un jeu dont l'optimisation va faire débat. En effet, aussi bien dans sa version 1.0 criblée de bugs en tous genres, et rarement vus pour un titre first-party de Sony, qu'après les deux patches déployés avant même sa mise à disposition du grand public, Days Gone présente de véritables défauts de finition. Framerate très instable et ce de façon aussi illogique qu'imprévisible, PNJ (sommairement modélisés, au passage) qui n'apparaissent pas ou se déplacement n'importe comment, textures ne se chargeant pas entièrement et demeurant au stade le plus brut (et donc bien vilain), objets ou éléments de décor qui volent, QTE ne s'affichant pas, scripts qui refusent de se déclencher… si Deacon n'en sera que rarement – pour ainsi dire jamais – affecté, on ne peut pas autant en dire de son entourage. Peut-être retirerai-je cette section de ma critique si une mise à jour corrige tout cela, mais après une soixantaine d'heures de jeu, j'ai hélas eu le sentiment de faire face à l'exclusivité PS4 à la finition la plus hasardeuse depuis longtemps. Un feeling quasi instantané hélas, après les premiers drops de fluidité survenus dès les premières séquences à moto, et qui a perduré durant toute la partie.

 

 

 


Rassurez-vous cependant : en-dehors de soucis récurrents tout au long de l'aventure et de l'exploration (immensément vaste, quoique d'une richesse discutable, comme je l'évoquerai ultérieurement), le jeu de Sony Bend n'est pas non plus à la ramasse. On ne doute à aucun moment que le défi proposé par un open world aux dimensions aussi gargantuesques, géré d'un seul bloc et offrant régulièrement des points de vue à couper le souffle, a dû être extrêmement compliqué à relever pour les équipes issues de l'Oregon, et si l'on doit faire un bilan d'ensemble, leur création est extrêmement séduisante et donne énormément envie de s'y perdre – et comme le veut la tradition contemporaine, d'abuser de son mode photo, bien fichu bien qu'agaçant dans sa gestion de la mise au point d'un autre âge. Au vu de l'excellence à laquelle Sony nous a habitué(e)s au niveau de ses productions maison depuis longtemps déjà, et surtout compte tenu du temps de développement considérable dont Bend a pu jouir, l'état dans lequel leur travail nous est livré laisse songeur. Une quantité incroyable de détails, avant ou après la mise à jour 1.03 de 20 Go (!!!), intrigue en permanence, laissant l'image d'un titre encore un peu brouillon, pas tout à fait vraiment fini.

 

 

Comment expliquer ce fondu et ce temps de chargement stupides lorsque la caméra, à la fin d'une cinématique, se replace derrière Deacon… pour nous interrompre deux secondes avant de nous laisser le contrôler, brisant le lien devenu si fort entre cinématique et gameplay ? Pourquoi cette absence de demi-tour rapide quasi indispensable dans un jeu aux mécaniques de survival-horror ? À quoi sert ce total de jours écoulés depuis la pandémie affiché sur le menu, auquel on ne trouve aucune justification même une fois le jeu fini ? Pourquoi la map ne propose-t-elle aucune légende ni personnalisation, et pourquoi n'avons-nous droit à aucune interface de statistiques pour un jeu en monde ouvert ? Quel est le sens de certains murs invisibles complètement idiots et inexcusables dans un environnement ouvert pourtant si cohérent ? Pour être parfaitement honnête, l'optimisation globale de Days Gone, aussi sublime soit-il (je ne cesserai de le répéter), a quelque chose d'un monde ouvert "à la Ubisoft" – avec tout ce que cela peut sous-entendre de moqueur au vu de la réputation que se traîne "Ubi" depuis une génération entière à ce sujet. Là où l'on pourrait en rire, on tendra cependant plutôt vers l'inquiétude, surtout lorsqu'on constatera qu'il n'y a hélas pas que sur le simple aspect technique que le titre de Bend Studio est comparable à un énième Assassin's Creed ou Far Cry. Puisque cette dernière franchise est nommée, allons-y gaiement : après une dizaine d'heures de jeu, mon premier bilan se bornait à l'incessant constat d'un crossover résumé en "The Last of Us X Far Cry", ou bien "reskin post-pandémique de Horizon Zero Dawn": sexy sur le papier, bien moins dans les faits.

 

 

 

 

De la redite mal assumée aux fusions qui ne gardent que rarement le meilleur de chaque univers, Days Gone était un peu mal parti, et il fallait déjà trouver de bonnes raisons de s'y accrocher (impératifs professionnels mis à part). Vous avez déjà écumé plusieurs open worlds avec des quêtes dans tous les sens, un HUD envahissant, des personnages secondaires anecdotiques, à la modélisation sommaire et peu voire pas attachants, et un gameplay étiqueté (à tort) "action-RPG" sur la base du combo loot/XP/compétences ? Vous avez bouffé du zombie à toutes les sauces jusqu'à l'overdose pendant une voire deux générations de machines, et l'aspect simulateur de marche en forêt sur fond de guitare sèche a achevé de vous saouler après Red Dead Redemption II ? Votre patience et votre tolérance pourraient ne pas suffire. Face à tant d'errances techniques certes plus rares que la moyenne de sa génération, mais totalement inhabituelles chez un titre édité par Sony, et une telle accumulation de clichés de gameplay et de level design, maîtrisés ou non, la beauté globale de Days Gone (carrément sublimée par la grâce dans certaines circonstances) aura du mal à relever une base bien mal embarquée. Quelques éléments, notamment liés à son contexte particulier, jouent cependant en sa faveur comme expliqué plus haut, et donnent envie de lui accorder un minimum d'intérêt : non, aussi néophyte en la matière soit-il, Sony Bend n'a pas pu accoucher d'un jeu moyen et sans grand intérêt, bien que d'apparence totalement générique. Pour avoir répondu aux exigences de qualité de son éditeur, ce qui ressemble à un énième vulgaire TPS-survival en monde ouvert doit en avoir plus d'un tour dans son sac.

 

 

On se met alors en quête de ses vraies forces, capables de compenser un titre d'apparence sympa et correct, mais sans la petite étincelle qui pourrait le faire rivaliser avec, par exemple, un Horizon auquel il mérite d'être comparé. On rappellera que le titre de Guerrilla Games, de deux ans son cadet, constituait lui aussi une toute nouvelle licence, comparé aussi fréquemment qu'injustement aux géants de la génération que furent The Witcher III: Wild Hunt et son vrai-faux rival ccontemporain, The Legend of Zelda: Breath of the Wild ; mais surtout, et moi le premier, nous lui avions accordé la patience justifiée face au coup d'essai d'un studio jusqu'ici pas du tout spécialisé dans un domaine d'action nouveau pour lui, vu que spécialisé jusqu'ici dans le FPS avec Killzone. En cela, Bend Studio mérite bien un peu de tolérance et mine de rien, si leur jeu a mis six ans à être conçu (soit pratiquement toute la vie de la PS4 jusqu'ici !), c'est qu'il y a une raison. Et non, ce n'est pas parce que littéralement rien de rien n'est sorti en avril 2019 que l'on va se satisfaire de l'arrivée de Days Gone dans les rayons : il y a autre chose, c'est une certitude, qui justifie ce voyage en Oregon. Attardons-nous donc quelque peu sur ses spécificités, car si le chemin fut aussi long, c'est peut-être qu'il en valait le détour, bien que face au produit fini, bon nombre d'interrogations risque quand même de persister. Allez, on enfourche sa Harley, et on y va, parce que la route pourrait être encore bien longue.

 

 

 

 

I need your boots, your clothes, and your motorcycle

 

 

Une spécificité un brin étonnante de Days Gone réside dans le choix du véhicule proposé pour les déplacements, à savoir une moto. Si bon nombre de jeux ouverts a popularisé le cheval comme moyen de transport (particulièrement apprécié qui plus est), les deux roues ont rarement eu la cote. Souvent mises de côté au profit des quatre roues et de la puissance destructrice qu'elles peuvent dégager, surtout dans les open worlds urbains, les motos présentent pourtant des avantages non négligeables dans un jeu d'action : non seulement elles se faufilent un peu partout et peuvent être bien plus aisément "garées", et facilitent grandement l'exploration dans un univers plus sauvage, mais il est également bien plus "simple" – disons, moins difficile – d'offrir des séquences de tir à bord de ce type de véhicule. Les séquences de poursuite à moto, entrecoupées de fusillades pas mémorables mais sympathiques, feront du coup plutôt bien le boulot. Et puis une belle bécane, c'est badass, et ça fait presque davantage partie de l'identité du protagoniste si l'accent est mis dessus : après tout, on garde de plutôt bons souvenirs de The Lost and Damned, la première des deux extensions de Grand Theft Auto IV vieille de dix ans déjà (!), mettant en scène un gang de motards dans un décor ici 100% urbain. Dans les aventures de Deacon St. Jean, ce choix est clairement fait et assumé comme tel : votre moto constituera un élément de gameplay à part entière, et vous aurez très rapidement envie de tailler la route malgré un déficit de sensation de vitesse un peu tristounet, et ces fameuses chutes de framerate imprévisibles, à fond les ballons ou à faible allure. À moins d'être totalement allergique à ce type de conduite, on s'accomodera très vite de ce moyen de transport auquel on finira par s'attacher, au point de chercher à en prendre de plus en plus soin.

 

 

La bécane de Deacon peut s'abîmer (ce qui nécessitera des réparations de fortune avec le loot récupéré à cet effet), consomme de l'essence, et sa gestion sera primordiale dans un univers extrêmement hostile de jour comme (surtout) de nuit. Certes, vous allez croiser de temps en temps des stations-service aux réservoirs encore plus inépuisables que le sol du Qatar, ou des jerrycans également bien remplis que personne ne semble avoir eu la bonne idée de voler en dépit du luxe que cela représente, mais gérer correctement votre niveau de carburant, au point de lever le pied pour dévaler les pentes en roue libre et rouler à l'économie, deviendra une habitude assez grisante. Tout juste déplorera-t-on l'impossibilité de trimballer un jerrycan (limité en quantité, tant qu'à faire) avec soi partout où l'on roule. En-dehors de quelques cascades où la moto retombera sur ses deux roues sans trop de dégâts, c'est à un degré de réalisme assez élevé auquel on aura affaire, sur ce qui mine de rien constituait une des thématiques de gameplay majeures du titre ; la présence, dans l'équipe de conception, de développeurs ayant travaillé sur la simulation de motocross MXGP Pro n'y est clairement pas étrangère. Très vite, vous aurez davantage envie de dépenser vos crédits dans chacun des camps rencontrés pour améliorer toutes les spéficités de votre machine (moteur, suspensions, garde-boue, cadre, et bien sûr la fameuse nitro indispensable aux plus belles accélérations) que dans un armement pourtant varié et tout à fait dans les standards du genre. Tiens, et même si c'est clairement chipoter, il est presque dommage de ne pas avoir davantage exploité cette dimension "conduite tout-terrain" plutôt efficace et bien réalisée pour proposer, histoire de détendre l'atmosphère, quelques courses de motos sous forme d'activité secondaire de camp, vu qu'après tout, l'essence ne semble clairement faire défaut à personne dans cet univers .

 

 

 

 

S'il ne révolutionne pas grand-chose en terme de jouabilité, Days Gone remplit plutôt bien son contrat au niveau de cette première "nouveauté", mais reste à voir comment il gère son autre promesse : la notion de survie face aux mutants, et notamment aux fameuses hordes tant attendues après le trailer ayant révélé le jeu à l'E3 2016. À l'époque, la tendance était à la lassitude face à un énième survival post-apocalyptique, mais mêlée à une vive curiosité face à une horde de centaines d'infectés magnifiquement animés et pourchassant notre biker aussi courageux qu'insouciant. Très classique en tant que jeu de tir à la troisième personne, où il se montre correct sans vraiment exceller en quoi que ce soit (voire en étant gâché par une intelligence artificielle toujours pas très finaude, et des mécanismes d'infiltration plus que moyens), le jeu de Sony Bend était très attendu sur sa gestion de la survie, et sur ce point, il ne s'en sort pas trop mal. Si le bestiaire n'est pas immensément varié et verse là encore un peu dans la redite, il a le mérite de bénéficer d'animations correctes (davantage que celles des humains, tristement à la traîne) et d'une intelligence artificielle cohérente (pour des infectés). En outre, il apporte sa petit touche de folie à un écosystème qu'il menace constamment, pouvant s'attaquer notamment à vos propres ennemis et vous rendre spectateur de leurs affrontements inopinés (et en tirer les marrons du feu !), et surtout, de faire régner un climat de tension constant à travers l'intégralité de la carte. Certes, au fil du temps passé à arpenter les régions (pour le coup plutôt riches et variées) de la carte, on commence à comprendre le pattern des hordes, et on apprend à se méfier de la nuit qui tombe, propice aux regroupements de mutants par dizaines voire centaines, rendant les routes diablement dangereuses. Certes, la moto de Deacon ira toujours plus vite que le plus rapide des mutants – à une exception près, qui exigera de dégainer parfois en plein drift ou coup de nitro ! – mais l'ambiance globale sait retranscrire un climat régulièrement angoissant, surtout quand la météo s'en mêle. Et de ce point de vue, Days Gone est carrément fantastique, avec des averses et tempêtes de toute beauté, une modification impressionnante de l'environnement en temps réel sous la pluie et même la neige, un comportement des feuillages dans le vent criant de réalisme… bref, une atmosphère générale particulièrement bluffante qui laisse pantois, surtout que ce n'est jamais lors des conditions climatiques les plus folles que la console est prise à défaut. Une véritable énigme.

 

 

 

 

Traverser les routes abandonnées de l'Oregon, sur lesquelles une nature sauvage (mais loin d'être déserte) reprend ses droits est heureusement très agréable, et permet de faire le lien entre d'innombrables missions – principales comme annexes – rarement originales, honorablement mises en scène, et qui raviront les fans de mondes ouverts remplis de zones à nettoyer et de collectibles à récolter, surtout que ceux de Days Gone constituent un prétexte tout à fait acceptable et louable pour en enrichir le lore. Si la trame principale (un peu inutilement longue et surtout lente par moments, la faute à des missions linéaires pleines de "marche forcée") occupera bien 25 à 30 heures, il faudra compter au moins le double pour faire le tour du jeu, ce qui arrive étonnamment à ne pas être trop ennuyeux, au-delà de décors merveilleux donnant envie d'être découverts dans leurs moindres recoins. En offant un appel à l'exploration tout à fait honnête et pas trop mal récompensé, Bend Studio livre finalement un open world pas si caricatural que ça, et très immersif de par sa dimension constamment dangereuse. Des "?" affichés sur la mini-map susciteront évidemment la curiosité du joueur, qui pourra tomber aussi bien sur un mini jeu de piste sous forme d'indices à tracer avec le bon vieux sixième sens du personnage, que sur un groupe de maraudeurs retenant en otage un PNJ (à l'animation et à l'acting passablement ignobles, soit dit en passant) que vous pourrez sauver dans les délais et envoyer dans un des camps de survivants alliés contre une récompense. Des zones infestées se présenteront parfois, qu'il faudra nettoyer en mettant le feu aux nids grouillant de mutants en tous genres, tout comme des camps ennemis remplis de précieuses ressources où établir un point de voyage rapide ; des postes de contrôle dotés d'unités médicales établis par une mystérieuse unité de recherche scientifique seront à déverrouiller, et des sites de recherche à l'accès acrobatique seront à découvrir, récompense précieuse à la clé. Mais surtout, des dizaines de hordes impitoyables se cachent dans l'ombre le jour, et quittent leurs abris (grottes, wagons abandonnés, maisons délabrées) une fois le soleil couché : l'occasion de voir des centaines d'infectés se déplacer simultanément sans l'ombre d'un ralentissement, et ce même lorsque vous les enflammez en lançant un bon vieux cocktail Molotov, ou faites sauter une partie du groupe avec une grenade à l'explosion particulièrement convaincante. Oui, même dans sa réalisation, Days Gone est un véritable mystère, capable de prouesses jamais vues, maîtrisées avec brio, comme d'errances techniques inacceptables en 2019. Et niveau interrogations, on n'est pas au bout de nos surprises…

 

 

 

 

L'empire d'essence

 

 

Avez-vous remarqué à quel point la question du fond, et donc de l'écriture, est passée jusqu'ici sous silence dans cette critique ? Je n'allais pas tarder à y venir, figurez-vous. Et pour cause : là aussi, la création de Sony Bend se montre très énigmatique. Comme je l'évoquais en introduction de cet article, les prétentions scénaristiques de Days Gone étaient assez élevées, le studio ayant promis notamment plus de six heures de cinématiques et insistant sur la destinée de Deacon ainsi que de son passé pas joyeux qui le ronge. Après une introduction qui a un temps fait craindre le plagiat ridicule de The Last of Us avant de s'en sortir finalement avec les honneurs, le synopsis se veut travaillé, très centré autour d'un protagoniste supposé être charismatique (et, il faut le reconnaître, extrêmement bien modélisé et interprété), qui n'a d'autre objectif au quotidien que sa propre survie et celle de ses proches, son "frère" Boozer en tête – en tout cas au début, avant certaines "révélations" un peu forcées et pas toujours convaincantes. Membre d'un motorcycle club dont il ne reste plus rien en-dehors de lui et de son frère d'armes, Deacon St. John est un bon gars au sens moral quelque peu aléatoire, qui n'a plus peur de grand-chose, et certainement pas du ridicule à porter sa casquette (moche, qui plus est) à l'envers. S'il ne peut passer à travers tout un tas de clichés, il garde un minimum de personnalité et demeure un personnage aussi agréable à incarner qu'à manier – plus jeune et moins lourd qu'un Joel dans The Last of Us notamment.

 

 

À l'inverse, les nombreuses rencontres qu'il pourra faire, ainsi que la direction qu'il donne à une quête aussi louable que désespérée (pour ne pas dire irréaliste), ne vont pas toujours dans le bon sens. Si l'on passera l'éponge sur des flashbacks aussi (délibérément) mièvres qu'inintéressants à jouer, aux allures de simulateur de marche auxquelles des cinématiques complètes auraient largement pu se substituer, une bonne partie des personnages secondaires majeurs ne tient pas la route, aussi bien côté "gentils" que "méchants". Certains antagonistes mineurs, qui mériteraient d'être davantage développés (*), en viennent même à être regrettés devant le grand ridicule du principal ennemi auquel notre motard barbu au grand cœur fera face. Plus ennuyeux encore, le rôle féminin principal est plus que moyen, pour ne pas dire raté, là où certaines de ses consœurs bien plus secondaires s'avèrent bien plus fascinantes… et que l'on déplore là aussi de ne pas voir davantage travaillées. À ce niveau, hélas, Days Gone souffre d'une grosse inégalité de traitement entre ses personnages. À noter que le doublage en pâtit également : tout à fait propre la plupart du temps, en VO comme en VF, il souffre de ratés et d'étranges irrégularités, sans parler de sous-titres pas toujours parfaits, voire carrément absents dans les camps lorsque les PNJ les plus mineurs alpaguent Deacon ou bien parlent entre eux – une autre lacune symptomatique d'une finition jamais complètement au point.

 

(*) On pensera notamment à tout ce groupe ennemi complètement taré aux allures de secte, très Far Cry par côtés (encore !), mais aux airs de Mad Max: Fury Road pour ce qui est de la référence la plus élogieuse. Eh oui.

 

 

 

 

Le relatif manque de qualité d'écriture des protagonistes, Deacon mis à part (et encore, tout n'est pas parfait le concernant), pourrait cependant être compensé par un scénario solide, aux rebondissements malins et imprévisibles, ou émotionnellement très fort. Là encore, le jeu de Sony Bend navigue entre deux eaux. S'il se situe globalement dans les standards d'interprétation et de réalisation des triples A de la firme, Days Gone erre un peu constamment entre scènes hyper bien fichues, potentiellement mémorables, et ramassis de clichés convenus et mal joués, sans parler d'incohérences quelque peu idiotes. Doit-on retenir le grotesque absolu de l'attitude et des répliques de certains personnages (sans parler de leur comportement assez foireux en tant que PNJ in-game) ou des réactions très authentique et nullement forcées d'une autre partie d'entre eux ? Et que dire de ces séquences délibérément matures, d'une violence morale réelle, qui ne vont pas au bout de leurs promesses en étouffant quelque peu une mise en scène qui n'ose que trop peu, alors qu'on aurait acclamé un tel morceau de bravoure, aussi insoutenable le résultat à l'écran puisse-t-il être ? Comme pris à la gorge tel son héros attrapé par un des plus redoutables mutants qu'il affronte, Bend Studio donne constamment cette fâcheuse impression de ne pas aller au bout de ses idées, comme s'il craignait de trop en faire, hésitant face à ses ambitions. Pourtant, sur beaucoup d'éléments de mise en scène, il n'y a rien à redire côté audace : Days Gone peut vraiment être une grosse claque dans la tronche quand il a envie, alors pourquoi ne pas toutes les assumer ? Et pour finir, si on appréciera l'aspect relativement ouvert de son dénouement, ainsi que de sa très étrange fin cachée pas trop prévisible, le scénario n'explore pas assez l'un de ses arcs narratifs les plus étranges (que je vous laisserai découvrir par vous-mêmes), nous laissant une fois de plus en proie à une grande amertume. À noter que la façon particulièrement étrange de découper ses différents arcs narratifs n'aide en rien : si Sony Bend n'a pas spécialement promis une grande complexité scénaristique liée à un quelconque système de choix – et tant mieux, sinon on aurait fait face à un énorme mensonge – on ne s'attendait pas spécialement à ce système pour le moins bizarre de "scénarios" (une vingtaine au total) progressant au fil de missions régulièrement inter-connectées, beaucoup d'entre elles étant dirigistes au possible, tentant d'apporter cette fameuse touche de "gameplay par la narration" qui ne fait que rarement mouche ici. N'est pas The Last of Us qui veut.

 

 

 

 

Tiens, puisqu'on parle du maître, s'il y a bien un point cependant sur lequel Days Gone sait s'en approcher, cela reste la forme. Je ne reviendrai pas sur sa beauté visuelle à en tomber à la renverse (même si je réalise que jusqu'ici, je n'ai pas évoqué les incroyables effets de lumière, de plus en plus fous sur cette génération, vraiment !), retranscrivant avec un talent fou ce que pourrait être un état nord-américain deux ans après la quasi extinction de toute forme d'humanité. On n'ose imaginer ce que le futur hit tant espéré de Naughty Dog proposera pour rivaliser avec le charme fascinant de cet Oregon dévasté plus vrai que nature. Non, il est bien sûr temps de parler de la partie audio, dans un premier temps grandement sublimée par un sound design d'excellente facture, très immersif et d'un réalisme bluffant, mais surtout portée par une bande originale vraiment très chouette… bien qu'insuffisante. Soyons clair d'emblée : les compositions de Nathan Whitehead tiennent carrément la route, et toutes celles jouant sur l'intimiste ou le mélancolique avec de la guitare sèche ont des chances de bien rester en tête, rappelant un peu celles de Life Is Strange par moments, autre franchise se situant dans la même région des États-Unis. J'ai pris un certain plaisir à me réécouter la bande originale du jeu en rédigant cette critique, et si elle n'atteint pas l'excellence de celles d'Uncharted 4: A Thief's End ou God of War dans leur genre, elle me laissera de meilleurs souvenirs que l'OST d'un Horizon Zero Dawn qui m'avait beaucoup laissé sur ma faim.

 

 

En revanche, s'il est compréhensible de ne pas avoir de radio à bord de la moto, il est très dommage de ne pas profiter de la thématique "bikers" pour proposer quelques morceaux de metal ou hard rock qui auraient collé à l'ambiance, d'une façon ou d'une autre (par exemple dans les camps, où l'électricité semble encore être d'actualité). Particulièrement fier de sa jolie région, et pour cause, Bend Studio aurait par exemple pu chercher à l'honorer un peu plus en mettant en avant des artistes et groupes locaux, ce que Detroit: Become Human fit avec beaucoup d'ingéniosité dans sa (vaste) BO. Bref, comme pour synthétiser un ensemble, même la bande originale de Days Gone est imparfaite, malgré un potentiel évident, laissant supposer que peut-être, des idées ont été laissées de côté en cours, sans jamais être compensées. Il faut dire qu'après tant d'années et de jours écoulés, il était de toute façon grand temps de sortir ce jeu, plus vraiment attendu par qui que ce soit (les mauvaises langues diront même qu'il s'agit d'un jeu qu'on aurait pu vouloir en 2014, mais dont plus personne ne veut aujourd'hui), et qui trouvera sans doute son public parmi les (très nombreux) joueurs pas trop exigeants qui n'ont jamais vu en lui un "GOTY" potentiel, de toute façon. Trop ambitieux, et de fait terriblement imparfait, Days Gone est de ces jeux pas évidents à situer, certes très loin de l'échec mais aussi du franc succès, qui se trouvera sans doute des fans bien mérités, mais risque de se traîner bien longtemps l'étiquette du "jeu Sony par excellence" sans grand génie, peinant beaucoup trop à suivre ses illustres prédécesseurs, et dont on se demandera toujours si le principal tort n'est pas effectivement de sortir beaucoup trop tard.

 

 

 

 

On ne ressort pas de l'étonnante expérience que procure un jeu comme Days Gone sans une foule d'interrogations en tous genres. Vous êtes-vous déjà demandé(e) ce qu'aurait donné The Last of Us s'il avait été conçu sous forme de monde ouvert par Ubisoft, avec tout ce que cela implique de soucis de finition et d'inégalité d'écriture ? Peu importe si vous vous êtes déjà posé(e) la question : Days Gone vous en donne la réponse. Véritable pot-pourri d'influences en tous genres sur cette dernière génération, le premier vrai "gros jeu" de Sony Bend peine un petit peu à se trouver une identité, la faute à une date de sortie vraiment tardive, comme s'il arrivait dix ans après la guerre. Imparfait sans être brouillon, sympathique sans être mémorable, parfois décevant tout en sachant marquer les esprits, le titre de Bend Studio n'est pas un grand jeu vidéo qui fera date, et c'en est presque triste tant il avait tous les éléments pour faire mieux que cela. Après, doit-on, face à la multitude de défauts idiots qui font face à une maîtrise si surprenante d'éléments clés (la gestion de la moto, les conditions climatiques, les hordes…), faire preuve d'indulgence envers Bend Studio dont on rappelle, si besoin est, que l'on a affaire à leur tout premier jeu vidéo en haute définition, et leur toute première vraie production "triple A" ? Dans le désert actuel du côté de PlayStation, et dans l'attente d'une plus que probable sortie cross-gen d'un The Last of Us Part II qui a de fortes chances de le surpasser, Days Gone nous fera bien patienter en attendant la suite de celui qui semble l'avoir tant inspiré. Fort malgré tout d'une durée de vie très solide et d'un contenu riche, le titre de Sony Bend est un jeu d'action-aventure 100% solo suffisamment correct pour mériter le détour, et encourager une équipe de développement au potentiel immense dont on sent qu'elle apprendra énormément de cette aventure quand même satisfaisante dans l'ensemble, mais qui aurait sans doute gagné à être un peu moins ambitieuse afin de moins s'éparpiller, de livrer une copie bien moins imparfaite.



J'ai adoré / aimé :

 

+ Deacon, sympathique, agréable à manier, un bon protagoniste

+ Quelques bons PNJ et des arcs narratifs intéressants

+ Écriture convenable, à peu près dans les standards Sony

+ Bande son très correcte et globalement inspirée

+ La gestion de la moto, assez réaliste et immersive

+ Les fast travels, assez courts en chargement, et bien conçus

+ Un sentiment de survie plutôt bien fichu et palpable

+ Les mutants en général, au comportement vraiment intéressant

+ Les hordes, impressionnantes et assez fascinantes à combattre

+ Pas mal de trucs à faire même si c'est du déjà vu dans l'ensemble

+ Durée de vie franchement solide (25-30h en ligne droite, le double pour les 100%)

+ Dans l'ensemble, c'est un beau boulot vu l'inexpérience totale du studio à ce niveau

+ Monde ouvert cohérent et satisfaisant, bien que pas révolutionnaire

+ Le post-pandémique n'a jamais été aussi beau et réaliste…

+ … voire extrêmement beau, surtout sous la pluie et la neige…

 


J'ai détesté / pas aimé :

 

– … et ça fait baver la console (même la Pro), avec un framerate en souffrance

– Des vilains bugs à gauche à droite, c'est dommage

– Quelques murs invisibles ridicules dans un tel open world

– Le loading aussi bref qu'idiot, qui brise le lien entre cinématiques et gameplay

– Pas de légende ni de personnalisation de la map, ni de statistiques

– Plusieurs choix de game design étranges et/ou discutables

– Construction pas claire des missions et "scénarios"

– Intelligence artificielle (côté humains) toujours très moyenne

– Très, très, trop scripté et dirigiste par moments

– Beaucoup de personnages oubliables voire ratés

– Des incohérences dans l’histoire, et des clichés à tout va

– Des personnages et des storylines sous-exploités

– Quelques ratés dans le doublage et le sous-titrage

– Un univers de bikers sans un semblant de heavy metal, c'est dommage

– Tiens bah, des courses de moto, ça aurait été fun

– Un relatif sentiment de gâchis face à trop d'ambition, quand même

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